Au Journal Officiel du jour, il est question de deux mesures importantes concernant le secteur du sport électronique. L'une concerne l'obtention de l'agrément pour employer des joueurs professionnels salariés, tandis que l'organisation de compétitions est maintenant étroitement encadrée.
Un peu plus d'un an après la remise du rapport préliminaire rédigé par Jérôme Durain, sénateur PS de Saône et Loire et Rudy Salles, député UDI des Alpes-Maritimes sur l'encadrement du sport électronique, ses propositions prennent vie petit à petit. Deux d'entre-elles viennent justement de faire leur apparition au JO daté du 10 mai 2017.
De l'encadrement des compétitions
L'un des problèmes soulevés par le rapport concernait l'organisation de compétitions, qui, par un flou juridique pouvaient être considérées comme une forme de loterie, en vertu des articles L322-1 et L322-2 du code de la sécurité intérieure. Ceux-ci interdisent purement et simplement les loteries, en les définissant selon quatre critères cumulatifs :
- Une offre publique
- La naissance de l’espérance d’un gain chez le joueur
- Le sacrifice financier du joueur
- La présence, même infime du hasard
Or, comme le signalaient les deux cosignataires du rapport, « tous les jeux vidéo compétitifs comportent une part de hasard ou d’aléa, généralement infime ». De fait, « pour peu qu’elles présentent l’espérance d’un gain pour les participants victorieux, un droit d’entrée même minime, et qu’elles soient organisées au dehors du cercle strictement privé, les compétitions de jeux vidéo remplissent manifestement ces quatre conditions ».
De quoi créer une certaine forme d'insécurité pour les organisateurs de tournois, alors que ceux-ci prennent de l'importance en France et que de grands évènements comme la DreamHack, la Gamers Assembly ou les LCS s'invitent sur notre territoire, drainant des milliers de spectateurs dans leurs allées.
Le ministère de l'Intérieur s'en mêle
Le décret publié ce matin au journal officiel doit donc encadrer l'organisation de ces compétitions. Cela passera par la déclaration obligatoire auprès du service du ministère de l'intérieur chargé des courses et jeux, dans un délai compris entre 30 jours et un an avant le début de la compétition.
Dans le dossier de déclaration, qui pourra être rempli en ligne via un téléservice dédié (qu'il faut encore mettre en place), l'organisateur devra fournir outre ses coordonnées et celles du lieu où se déroulera l'évènement, les éléments suivants :
- Les jeux utilisés pour la compétition
- Le nombre de participants attendus
- La mention de la retransmission télévisuelle ou en flux de la compétition
- La désignation du matériel servant de support
- Le montant prévisionnel total des droits d'inscription et autres sacrifices financiers consentis par les participants
- Le montant prévisionnel total des coûts d'organisation, dont le montant total des gains et lots mis en jeu
- Le montant prévisionnel total des recettes collectées en lien avec la manifestation
- Lorsqu'il est requis, c'est à dire dans le cas où le montant total des gains excède 10 000 euros, le mécanisme garantissant le reversement de la totalité des gains ou lots mis en jeu (assurance, fiducie, compte sous séquestre...)
En cas de dépassement des nombres évoqués dans sa déclaration préliminaire, l'organisateur dispose d'un délai d'un mois après la fin de l'évènement pour rectifier cette dernière.
Autorisations parentales de rigueur
Nombre de participants à ces compétitions étant mineurs, le législateur a tenu à préciser quelques points importants les concernant. Il est ainsi interdit de laisser participer un mineur de moins de 12 ans à un évènement offrant des récompenses monétaires.
Il s'agit là d'une disposition plus sévère que celle prévue par le rapport parlementaire, qui préconisait seulement de restreindre la participation des mineurs de 14 ans aux compétitions dotées de lots en nature d'une valeur individuelle inférieure à 100 euros et de 2 000 euros pour ceux de 16 ans. Une mesure qui devait « éviter les dérives comportementales lors de la période du collège ».
Dans tous les cas, une autorisation signée par un représentant légal est requise pour les joueurs de moins de 18 ans. L'organisateur devra en conserver une copie pendant une durée d'un an, ainsi « que le numéro, la nature et l'autorité de délivrance du document d'identité du ou des représentants légaux et du mineur concerné ». Pour participer, le joueur devra également présenter une pièce d'identité en cours de validité. Dans le cas où il s'agit d'une carte d'identité ou d'un passeport français, un document « périmé depuis moins de cinq ans » sera admis.
Le versement des gains aux mineurs de moins de 16 ans se complexifie lui aussi. Un arrêté signé des ministres chargés du numérique et du travail doit fixer un seuil à partir duquel les montants remportés doivent être confiés à la Caisse des dépôts et consignations.
E-sportifs et contrats
Au Journal officiel, on retrouve aussi un décret relatif au statut des « joueurs professionnels salariés de jeux vidéo compétitifs ». Si leur statut est déjà mis en place depuis l'article 102 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016, un flou artistique régnait sur les conditions d'obtention de l'agrément requis pour employer des joueurs professionnels de jeu vidéo. Le décret du jour doit donc clarifier ce point épineux, à compter du 1 er juillet prochain.
La demande d'agrément doit donc être directement transmise au ministre chargé du numérique, par voie électronique ou via lettre recommandée avec avis de réception. Celle-ci doit notamment préciser « les événements compétitifs et les disciplines auxquelles l'association ou la société envisage de participer », « la description des moyens humains, matériels et financiers mis en œuvre pour satisfaire l'objet pour lequel l'agrément est sollicité » ou encore « la description des conditions d'emploi des joueurs professionnels salariés, en particulier leurs conditions d'entraînement, de formation et d'encadrement physique et mental ».
Ces mesures concernent à la fois les associations, une forme de structure commune dans le domaine du sport électronique, mais également les entreprises. Si le ministre valide la demande, l'agrément est délivré pour une durée de trois ans, et la demande de renouvellement doit être déposée au plus tard trois mois avant son terme.
En cas de manquement à ses obligations, une structure pourra voir son agrément révoqué par le ministère. Elle en sera informée par lettre recommandée et disposera d'au moins 15 jours pour faire part de ses remarques et éventuellement défendre son cas.
Le décret prévoit également des dérogations permettant d'employer des joueurs à l'aide de CDD d'une durée inférieure à 12 mois. Trois cas de figure précis sont évoqués :
- La création d'une équipe pour concourir sur un jeu nouvellement lancé
- La création d'une équipe pour concourir sur un jeu où aucune autre équipe existante de l'employeur ne dispute de compétitions dans le même circuit de compétition
- La création d'un nouveau poste dans une équipe existante.
Enfin, les dates de début et de fin des saisons des compétitions de jeux vidéo seront définies par un arrêté du ministre chargé du numérique. Ces dates différeront d'un jeu à l'autre et pourront servir à l'établissement des contrats des joueurs.