En 2020, le Grand Collisionneur de Hadrons exploitera un nouvel accélérateur linéaire (Linac 4) qui permettra de doubler la luminosité. Une « étape importante » pour le CERN, car elle permettra de récolter beaucoup plus de données. L'inauguration aujourd'hui de Linac 4 est l'occasion de revenir sur son principe de fonctionnement.
Au début de l'année, « le plus grand et le plus puissant accélérateur de particules du monde » (LHC ou Grand Collisionneur de Hadrons) a subi une opération à cœur ouvert afin de remplacer son trajectographe à pixels. Aujourd'hui, le CERN inaugure son nouvel accélérateur linéaire – Linac 4 – qui deviendra le « premier maillon de la chaîne » en 2020.
Le « premier étage » de l'accélérateur de particules
Il s'agit d'une « étape importante » pour le centre de recherche, qui permettra d'arriver au LHC à haute luminosité. En effet, cet accélérateur linéaire peut être comparé au premier étage d'une fusée selon le CERN, il donne le coup d'envoi des protons qui passent ensuite par plusieurs autres accélérateurs.
Pour bien comprendre le fonctionnement du Grand Collisionneur de Hadrons, commençons par le début. L'organisation européenne pour la recherche nucléaire explique que des atomes d'hydrogène « sont injectés à une cadence strictement contrôlée dans la chambre source d'un accélérateur linéaire du CERN ». Pour le moment, il s'agit donc de Linac 2.
Suivons le voyage d'une particule dans le LHC
Les électrons sont alors arrachés afin de ne laisser que des noyaux d'hydrogène, il s'agit donc de protons chargés positivement. Ils sont alors accélérés au moyen d'un champ électrique et « le voyage qui les mènera vers des collisions de très hautes énergies, semblables à celles qui ont suivi le Big Bang, peut commencer ».
Les accélérateurs linéaires emploient des « cavités radiofréquence pour charger des conducteurs cylindriques » explique le CERN. En fonction de la charge, les particules sont attirées ou repoussées (comme avec un aimant), ce qui permet de les accélérer. Ensuite, des petits aimants resserrent le faisceau afin qu'il soit plus compact.
Enfin, « lorsque les particules approchent la vitesse de la lumière, l’énergie transmise par les conducteurs se convertit en masse ». À la sortie de cet accélérateur, les protons ont atteint environ une « énergie de 50 MeV et gagné 5 % de masse » explique le CERN.
Injecteur, Synchrotrons, Supersynchrotron et paf les particules
Ils passent ensuite par le Synchrotron injecteur du PS (PSB) qui correspond au deuxième étage de la fusée, puis dans le Synchrotron à protons (PS) qui fait office de troisième étage. De 50 MeV, l'énergie passe respectivement à 1,4 GeV puis à 25 GeV, mais le voyage est encore loin d'être terminé.
Les protons passent ensuite par le Supersynchrotron à protons (SPS) afin de monter jusqu'à 450 GeV avant de finir leur course dans les deux tubes à faisceaux du LHC : « Il faut 4 minutes et 20 secondes pour remplir chacun des deux anneaux du LHC, et 20 minutes pour que les protons atteignent leur énergie maximale de 6.5 TeV ».
Dans le premier tube, ils tournent dans le sens des aiguilles d'une montre et dans le sens contraire dans le second. Ils entrent enfin en collision dans l'un des quatre détecteurs (ALICE, ATLAS, CMS et LHCb) avec une énergie totale de 13 TeV (2x 6,5 TeV). Notez qu'en 2020, après un long arrêt technique, l'énergie totale du LHC passera à 14 TeV.

Linac 4 permettra de doubler la luminosité du LHC
Avec Linac 4, le principe reste le même. Le CERN met ainsi à jour le premier étage de cette mécanique bien huilée, mais en profite pour modifier son fonctionnement. En effet, ce nouvel accélérateur linéaire « enverra des ions d'hydrogène négatifs, composés d'un atome d'hydrogène et de deux électrons, au PSB », alors qu'il était question de protons positifs pour Linac 2.
Au lieu d'avoir un faisceau de 50 MeV en sortie, Linac 4 le portera à 160 MeV, soit plus de trois fois plus. « Grâce à l'énergie plus élevée obtenue et aux ions d'hydrogène utilisés, il sera possible de doubler l'intensité de faisceau à fournir au LHC, ce qui contribuera à accroître la luminosité du LHC ». Or, le CERN rappelle que « la luminosité est un paramètre indiquant le nombre de particules entrant en collision en un temps donné ». Et davantage de collisions impliquent plus de données.
La luminosité en crête du LHC devrait ainsi être multipliée par cinq d'ici 2025, ce qui devrait permettre de multiplier par 10 la quantité de données issues des expériences. À ce moment-là, il sera d'ailleurs question du « LHC à haute luminosité ». Les scientifiques en attendent beaucoup : « les chercheurs pourront ainsi réaliser des mesures plus précises sur les particules fondamentales et augmenter leurs chances d’observer des processus rares inaccessibles avec le niveau de sensibilité actuel de la machine ».
70 ans d'accélérateur linéaire (Linac)
Pour rappel, le premier accélérateur linéaire a été conçu au début des années 1950 : Linac 1. Il a ensuite été mis en service en 1959 et envoyait un faisceau de protons à 50 MeV. Il a été remplacé par Linac 2 en 1978, mais il n'a pour autant pas été mis à la retraite. Pendant 14 ans, Linac 1 a accéléré des ions légers, il a été arrêté en 1992 et remplacé en 1994 par Linac 3.
L'inauguration d'aujourd'hui ne signifie pas le début des travaux loin de là. Il a en effet fallu 10 ans pour construire Linac 4 indique le CERN. Il se trouve à 12 mètres sous terre et mesure près de 90 mètres de long. La production de ses premiers faisceaux a commencé en 2013 et l'énergie de 50 MeV (la même qu'avec Linac 2) a été atteinte en 2015.
Lors du prochain long arrêt technique de l'accélérateur de particules (en 2019-2020), Linac 2 laissera donc sa place à Linac 4. Il faudra ensuite attendre 2024-2025 pour la mise en place du LHC haute luminosité :