Amazon devra désormais permettre aux éditeurs d'ebooks de proposer de meilleures conditions à d'autres boutiques en ligne, voire de garder leurs autres contrats confidentiels. Une avancée que vient de valider la Commission européenne, qui enquête depuis la mi-2015 sur les pratiques du géant de l'e-commerce.
Le travail de la Commission européenne se conclut sur une victoire pour les éditeurs de livres. Amazon s'est engagé à ne plus imposer aux éditeurs des contrats lui garantissant les meilleures conditions de commercialisation des ebooks. Par exemple, le cybermarchand ne pourra plus obtenir systématiquement le meilleur prix sur un livre numérique, les éditeurs étant bien libres de privilégier un concurrent.
« Amazon appliquait certaines clauses de ses accords avec des éditeurs qui étaient susceptibles de rendre l'innovation et l'exercice d'une concurrence effective plus difficiles pour d'autres plateformes de livres numériques » affirme Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la concurrence.
La direction de la concurrence avait ouvert son enquête en juin 2015, craignant que les clauses en question soient contraires au droit européen. Son implication suit un conflit ouvert entre l'entreprise américaine et l'éditeur français Hachette, en 2014 qui avait impliqué le ministère français de la Culture.
Les concurrents empêchés de se différencier
La marque Kindle, qui englobe les ebooks et les liseuses, reste l'une des marques les plus connues du géant Amazon. Celui-ci ne détaille pourtant pas les revenus qu'il tire de ces produits (y compris sur le dernier trimestre), alors que le marché du livre numérique stagne, voire baisse. C'est le cas au Royaume-Uni, où le marché a plongé de 17 % en 2016, à 204 millions de livres sterling, sur un revenu global de 4,8 milliard de livres (+3 %) pour le secteur de l'édition.
Le groupe américain aurait construit sa place de choix sur ce marché à coups de contrats déloyaux, pense la Commission. Elle note, par exemple, qu'un éditeur lié à Amazon pouvait empêcher un distributeur concurrent de se différencier, via un modèle commercial différent, des actions promotionnelles ou des formats de livre plus innovants que celui fourni habituellement. Désormais, les éditeurs pourront garder leurs accords avec les autres boutiques loin des yeux du distributeur.
« Amazon s'est efforcée de lever les craintes de la Commission en proposant de ne pas appliquer, de ne pas introduire ou de ne pas modifier les conditions de ses contrats avec des éditeurs » rapporte la Commission. En janvier, l'institution avait demandé des retours au milieu de l'édition. Elle affirme aujourd'hui que le père du Kindle a revu sa proposition d'arrangement suite aux demandes du secteur, qui ne sont pas détaillées.
La Commission veille au grain
L'entreprise s'est engagée pour cinq ans auprès de la Commission. En cas de manquement, et d'atteinte à la concurrence, la direction de la concurrence prévient qu'elle peut sévir, à hauteur de 10 % du chiffre d'affaires annuel mondial de la société. À la mi-2015, elle craignait qu'Amazon abuse de sa position dominante sur la distribution de livres pour imposer ses conditions aux éditeurs ; qui semblent avoir au moins été fondées en partie.
Cette intervention suivait un conflit ouvert entre Amazon et Hachette, lancé en mai 2014, quand le cybermarchand entravait les commandes de produits de l'éditeur français outre-Atlantique, par exemple en signalant (faussement selon Hachette) des stocks comme limités. Le combat semblait porter sur une baisse des prix des livres numériques, que voudrait Amazon, et à laquelle 900 auteurs s'étaient vertement opposés dans les pages du New York Times.
Le conflit s'est réglé par un accord en novembre 2014, actant qu'Hachette gardait la main sur les prix de ses ebooks. Elle a même laissé des séquelles, impliquant à l'époque le ministère de la Culture français et Aurélie Filippetti, qui défendait bec et ongles l'éditeur face au géant américain. Elle avait agité le chiffon d'une enquête européenne, qui a finalement bien été ouverte.
Rappelons que la Commission avait déjà agi en 2011 contre Apple et quatre éditeurs, accusés d'entente sur les prix des livres numériques. L'enquête avait été close en décembre 2012, les acteurs revoyant leurs accords pour mettre fin à certaines clauses inquiétant le cerbère européen.