Neuf sénateurs républicains proposent que le régulateur, la FCC, ne puisse pas imposer la neutralité du Net aux opérateurs. L'autorité elle-même est en marche pour revenir sur le principe de non-discrimination, perçu comme une entrave à l'innovation dans les télécoms par l'administration Trump.
La frange républicaine du régulateur, la FCC, l'avait appelée de ses vœux, le Congrès américain passe à l'action. Neuf sénateurs républicains ont déposé une proposition de loi, le 1er mai, interdisant au régulateur des télécoms d'imposer la neutralité du Net aux opérateurs. Si son texte complet n'est pas encore disponible, sa teneur est assez limpide.
Le but est d'empêcher légalement la commission de reclassifier les opérateurs télécoms comme des services d'intérêt général (Titre II du Communications Act). Il permet d'imposer facilement la neutralité des réseaux, au grand dam des groupes télécoms et des parlementaires républicains, qui n'ont cessé de combattre le décret depuis février 2015, à son adoption par le régulateur.
Demandée par des centaines de milliers d'internautes, la neutralité du Net avait été rejetée en bloc par l'industrie des télécoms, qui a rapidement attaqué la FCC sur le sujet. Les commissaires républicains du régulateur s'y étaient aussi opposés, l'un d'eux, Ajit Pai, ayant depuis pris la tête de l'institution. L'initiative des parlementaires, ce début mai, rappelle une méthode déjà utilisée récemment.
Une attaque manquée en justice, réitérée au Congrès
Adoptée en février 2015, la neutralité était ainsi attaquée dès le mois suivant. Le groupe d'opérateurs USTelecom affirmait que la FCC n'avait aucune autorité pour reclassifier ces entreprises en services d'intérêt général, donc d'imposer la non-discrimination des contenus sur Internet.
Après plus d'un an de combat, une cour d'appel déterminait que la commission était bien légitime à imposer la neutralité aux groupes télécoms. Ce revers sévère à USTelecom l'avait amené à explorer les recours à sa disposition, sans réelle conséquence depuis.
Pourtant, son discours a bien porté, les républicains estimant comme l'industrie que la non-discrimination est une ingérence de l'État dans l'économie du Net, voire une faveur aux services Internet, qui n'auraient pas autant d'obligations. Pour preuve, le projet de loi de Ted Cruz se nomme « restaurer la liberté d'Internet », que confisquerait la neutralité, « l'Obamacare d'Internet ». Cette métaphore sur la liberté du Net était d'ailleurs utilisée par Ajit Pai, il y a une semaine.
La FCC en marche contre la neutralité
Le président de la FCC annonçait son plan pour supprimer le principe en question, en remettant les éventuelles disputes entre opérateurs et services en ligne entre les mains de la Commission fédérale du commerce (FTC).
Si les détails ne sont pas encore publics, le plan s'appuie (encore) sur l'idée qu'il n'y a rien de rationnel à imposer de telles obligations aux opérateurs, qui sont jugés de bonne foi. Dès son arrivée, Ajit Pai a supprimé des enquêtes sur la différenciation des services sur mobile et a raturé des mesures de transparence commerciale.
Neutralité et vie privée, même combat
Au-delà de la forme, la méthode utilisée par les sénateurs républicains rappelle fortement celle utilisée ce début d'année pour supprimer des règles de protection de la vie privée. Une résolution est passée, comme une lettre à la Poste, du Congrès au bureau de Donald Trump début avril, pour revenir sur la mise en place de nouvelles obligations pour les opérateurs.
Ceux-ci devaient notamment demander le consentement et prévenir les internautes lors de la commercialisation de leurs données, et mettre en place des protections techniques supplémentaires.
Un poids trop important selon les industries des télécoms et de la publicité, qui ont obtenu gain de cause. Malgré les fortes craintes d'associations d'internautes, notamment sur la revente d'historiques de navigation, les fournisseurs d'accès promettent qu'une telle commercialisation n'est pas envisagée.
Il y a quelques jours, le commissaire Michael O'Rielly estimait que le dossier ne sera réglé qu'au moment où le Congrès légifèrera directement sur la question. Sa demande a été entendue. Le chemin du texte pourra encore être long. À peine entré au Sénat, il doit aussi avoir l'aval de la Chambre des représentants pour passer le Congrès, qui semble acquis à la dérégulation en cours du secteur.