Face à la concurrence des nouveaux processeurs Ryzen d'AMD, Intel ne tremble pas. L'absence apparente de réaction du fondeur s'explique simplement : il signe un premier trimestre record et ne voit pas d'impact net du retour en force de son concurrent... pour le moment.
Après Samsung Electronics, Orange et quelques autres, c'est désormais au tour d'Intel de montrer patte blanche devant ses investisseurs. Le géant de Santa Clara a dévoilé ses résultats pour le premier trimestre 2017. Cela ne surprendra personne, mais ils sont assez satisfaisants pour le fondeur, qui a tout simplement battu son record de chiffre d'affaires sur un premier trimestre.
Y'a de la marge
Il s'établit à 14,796 milliards de dollars, contre 13,702 milliards un an plus tôt, soit une croissance d'environ 8 %. Tous les indicateurs sont d'ailleurs au vert, avec une marge brute qui a progressé de 2,5 points en l'espace d'un an pour atteindre 61,8 %. Un score très élevé, son concurrent AMD gravitant plutôt sous les 30 %... quand tout va bien.
Fort logiquement, avec des revenus et des marges en hausse, le bénéfice net progresse lui aussi fortement. Sur le dernier trimestre il s'établit à 2,964 milliards de dollars, contre 2,046 milliards sur le premier quart de 2016, soit un bond d'environ 45 %. À titre de comparaison, cela correspond à environ 9 mois de chiffre d'affaires pour AMD. Le fossé entre les deux spécialistes des processeurs pour PC est donc énorme.
Des progrès partout, ou presque
Intel a connu une progression de ses revenus dans l'ensemble de ses domaines d'activité, y compris du côté du Client Computing Group chargé de la production et de la vente de processeurs destinés aux PC fixes et portables ainsi que les modems destinés aux smartphones.
Il voit ainsi son chiffre d'affaires passer de 7,549 milliards de dollars à 7,976 milliards de dollars en l'espace d'un an, soit une croissance de 6 %. La marge opérationnelle dégagée a quant à elle bondi de 61 % pour atteindre 3,031 milliards de dollars. Une variation importante qu'Intel ne s'embarrasse pas à justifier.
On saura tout de même qu'elle n'est probablement pas le fruit d'évolutions importantes du côté des processeurs, les ventes de puces pour portables n'ayant augmenté que de 1 %, tandis que celles de puces desktop ont fondu de 7 %, avec des prix ayant grimpé de respectivement 7 et 2 % sur un an. Ce sursaut est donc probablement dû au mobile, et à la fourniture de modems 4G à Apple pour son iPhone 7.
Du côté des serveurs, les volumes de ventes ont reculé de 1 % par rapport à l'an dernier, mais les prix moyens ont progressé de 6 %. De quoi permettre à l'ensemble d'afficher une croissance de ses revenus d'environ 6 %, même si les marges se sont effritées de 16 %.
La dernière ligne « Others », regroupe quant à elle l'ensemble des revenus ne pouvant être catégorisés dans les segments précédents. Si elle présente des pertes élevées, c'est notamment parce que c'est ici qu'Intel rapporte certains de ses coûts liés à ses acquisitions, à ses restructurations, à la fermeture de ses activités, une portion des rémunérations de ses employées liées à ses résultats, et bien d'autres. En 2016, les pertes affichées ici gravitaient autour du milliard chaque trimestre.
Des secteurs annexes qui gagnent en importance
Si les activités historiques d'Intel se portent bien, c'est aussi le cas des nouveaux domaines dans lesquels le géant de Santa Clara s'est lancé. Le fameux Internet of Things Group, très largement mis en avant par l'entreprise (notamment avec ses démonstrations de pilotage de nuées de drones) a vu ses revenus progresser de 11 % sur un an. Il ne représente toutefois qu'une très mince part des revenus du groupe avec 721 millions de dollars, soit moins de 5 % du total.
La plus forte croissance est à mettre au crédit du Non Volatile Memory Solutions Group, regroupant les ventes de SSD et de mémoire flash. Ses revenus ont bondi de 55 % pour atteindre 866 millions de dollars (6 % du total) mais l'activité n'est pas rentable pour autant et a même vu ses pertes se creuser de 95 millions de dollars à 129 millions de dollars. Un point justifié par les importants investissements consentis par Intel pour le développement d'Optane désormais présent dans le domaine des serveurs (notamment chez OVH) et du grand public.
Les bénéfices sont par contre au rendez-vous du côté d'Altera (Programmable Solutions Group), qui efface une partie des 200 millions de dollars de pertes de l'an dernier avec un bénéfice de 92 millions de dollars. Les revenus de cette branche ont eux aussi grimpé de 18 % pour atteindre 425 millions de dollars (3 % du total) L'Intel Security Group, récemment défait de McAfee, a vu quant à lui ses revenus stagner.
Si ces initiatives d'Intel commencent à prendre de l'ampleur, on notera tout de même que les revenus, mais surtout les bénéfices du fondeur dépendent encore principalement de ses processeurs. Un secteur sur lequel AMD tente de venir le bousculer avec ses dernières puces Ryzen et Naples.
Même pas peur...
Si AMD a eu le mérite de proposer des produits capables de rivaliser avec ceux d'Intel (voir nos analyses des Ryzen 7 et du Ryzen 5 1600), le géant de Santa Clara ne semble pas s'inquiéter de l'arrivée d'un nouveau challenger sur son terrain de prédilection. Il reste d'ailleurs seul sur le segment des produits à partie graphique intégrée ou à moins de 180 euros.
Lors de la conférence réservée aux analystes et investisseurs, l'un d'eux a interrogé Brian Krzanich sur les effets de cette concurrence. Réponse du PDG d'Intel : « à ce point de vue, nous ne voyons rien d'inhabituel jusqu'à présent. Il y a toujours une certaine forme de concurrence sur ce marché, et je le redis, pour le premier trimestre ainsi que nos prévisions pour le deuxième, nous ne voyons rien qui sorte de l'ordinaire ».
Bref, circulez, il n'y a rien à voir. Dans la pratique, c'est d'ailleurs plutôt AMD qui baisse les prix de ses nouveaux produits. Selon nos informations, le succès est au rendez-vous pour les Ryzen 7 malgré un lancement un peu chaotique. Ils sont sans doute bien aidé en France par un Amazon qui casse les prix. Mais les choses semblent un peu plus compliquées pour les Ryzen 5 qui patissent en partie de l'absence d'IGP pour ceux qui veulent constituer une machine bureautique.
En pratique, Intel s'attend au prochain trimestre à un léger recul de ses prix de vente moyens pour les processeurs, sans pour autant le chiffrer. Sur l'ensemble de l'année, le fondeur a même relevé de 500 millions de dollars son objectif de chiffre d'affaires, désormais fixé à 60 milliards de dollars. Ce notamment en raison de la bonne tenue de ses tarifs lors du premier quart de l'année.
... enfin presque
Ce point explique certainement l'absence quasi totale de réaction d'Intel au lancement des Ryzen, déroulant ses projets sans en faire varier la moindre virgule, quitte à surprendre en proposant de nouveaux Xeon quadricœurs à 600 dollars l'unité sur le marché des stations de travail. Pour autant, cela ne va pas durer.
Ce stoïcisme ne concerne que le marché grand public. Intel devrait profiter du Computex pour annoncer sa plateforme Bassin Falls avec de l'avance sur le calendrier initial. Pour rappel, elle est composée du chipset X299 et des processeurs Skylake-X / Kaby Lake-X sur socket LGA 2066 qui pourront contenir jusqu'à dix cœurs. La disponiblité est attendue selon certains pour la mi-juin.
Plus récemment, ComputerBase a évoqué l'arrivée des Xeon Gold et Platinum (Skylake-SP) sur socket LGA 3647 qui ont été dévoilés dans une PCN (Product Change Notification) retirée depuis, mais toujours accessible dans le cache de Google. Ils pourraient intégrer jusqu'à 28 cœurs.
Dans ces deux cas, le but est surtout de préserver le marché des stations de travail et des serveurs. Ainsi, ce n'est pas tant Ryzen qui semble effrayer, mais Naples qui devrait arriver sous peu.
Une ouverture à la baisse en bourse
Sur les marchés boursiers, les réactions ne sont pas très favorables au géant de Santa Clara, qui a vu le cours de son action descendre de quasi 2,5 % lors de la pré-ouverture de la séance à Wall Street. Le fondeur est désormais valorisé à environ 173 milliards de dollars (+16 % sur un an, stable par rapport au 1er janvier) contre 79 milliards pour Qualcomm et 13 milliards pour AMD.