L'Arcep lance une consultation publique sur le statut de « zone fibrée », des quartiers ou communes ayant suffisamment de fibre pour éteindre le réseau cuivre et migrer l'ensemble des clients. S'il est prévu pour juillet, les obligations concrètes des collectivités et opérateurs ne sont pas encore arrêtées.
Le statut de « zone fibrée » avance, même si le secteur des télécoms s'impatiente. Le régulateur, l'Arcep, a mis en consultation publique les conditions d'attribution du fameux statut, et les obligations qui y sont liées, jusqu'au 24 mai.
Pour mémoire, une zone considérée comme fibrée doit disposer d'assez de lignes en fibre pour ne plus avoir à déployer de cuivre dans les bâtiments neufs. L'idée est que le statut amène tous les acteurs à migrer d'eux-mêmes vers le nouveau réseau. Le principe a été inauguré dans le rapport Champsaur sur le très haut débit, début 2015, avant d'être entériné dans la loi Macron l'été suivant.
"Champsaur proposait qu'une fois une zone « fibrée », les prix de gros du réseau cuivre soient gonflés pour amener l'ensemble des opérateurs vers la fibre. Sous cinq ans, charge aurait été à Orange de l'éteindre. Après consultation publique l'été dernier, l'Arcep a rejeté l'idée de monter les prix, arguant que le mouvement est déjà suffisamment lancé pour se passer de ces mesures. L'autorité ne s'interdit toutefois pas de revenir sur cette décision dans son analyse de marché fixe, mise en consultation publique en février (voir notre analyse).
Pour le gouvernement, cette consultation publique permettra de finaliser le cahier des charges des zones fibrées, pour début juillet. À l'Arcep, on explique que le but est de rendre le statut lisible, pour que le public puisse lui-même se l'approprier.
Des attributions deux fois par an, à des zones précises
Concrètement, le statut est attribué par l'Arcep sur deux vagues annuelles, bouclées en mars et septembre de chaque année. Pour être éligible à une vague, le dossier doit être déposé lors du semestre précédent. Il ne faudra donc pas être pressé. Une zone peut être soit un quartier, un bourg, une commune ou un arrondissement (à Lyon, Marseille et Paris).
La zone peut aussi ne pas y correspondre, par exemple dans les coins trop peu peuplés ou en zone très dense, soient la centaine d'agglomérations les plus peuplées. Dans ce cas, une zone doit couvrir au minimum un millier de lignes, avec un réseau vertical déployé dans chaque bâtiment. Les conditions diffèrent d'ailleurs beaucoup selon la densité de population.
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— ARCEP (@ARCEP) 18 avril 2017
Des différences selon l'endroit visé
En dehors des zones très denses (agglomérations moyennes et zones rurales), le statut est attribué à l'ensemble des opérateurs. La raison : les réseaux fibre y sont mutualisés, soit parce qu'il s'agit d'un réseau d'initiative publique (lancé par une collectivité), soit parce que les opérateurs coinvestissent dans le réseau. Un réseau horizontal doit être présent à proximité de tous les bâtiments et les points de mutualisation doivent être ouverts aux opérateurs commerciaux.
En zones très denses, la règle est de déployer sa propre infrastructure ; seul Bouygues Telecom y déroge, en cofinançant les efforts de SFR. Il faut donc que chaque opérateur fasse sa propre demande, pour son réseau. Il n'est, par exemple, pas question que Free déclare une zone « fibrée » simplement parce qu'Orange a obtenu ce statut pour son propre réseau. Une offre de service doit pouvoir être souscrite immédiatement après l'attribution du statut.
Hors zones très denses, la collectivité ou opérateur demandeur doit s'assurer du conventionnement de tous les bâtiments (sauf en cas de blocage avéré). L'opérateur doit s'assurer à long terme que l'ensemble des logements et locaux de la zone sont bien raccordables sur demande. En zones très denses, le conventionnement et le raccordement doivent être bouclés dans les six mois après l'attribution du statut.
Des bénéfices d'image pour tous
La constante est que chaque logement ou local est identifié, recensé et reliable rapidement à un point de mutualisation. Dans tous les cas, le demandeur (collectivité ou opérateur) doit fournir des données de qualité de service sur l'ensemble du territoire concerné (durée d'un raccordement, d'une réparation, taux de défaillance, SAV...). Des données trop mauvaises peuvent être une raison de refus. Pour un réseau public, initié par une collectivité locale, les tarifs de gros en vigueur doivent avoir été communiqués à l'Arcep.
Au fait, pourquoi demander ce statut, s'il ne s'agit pas forcément d'éteindre le réseau cuivre ? Déclarer une « zone fibrée » doit concrètement permettre de ne pas déployer de cuivre dans les immeubles neufs, comme le veut un décret publié l'an dernier. Pour l'Arcep, il s'agit donc d'une économie pour le secteur immobilier, les agences pouvant par ailleurs assurer à leurs clients que la fibre est bien disponible dans un lieu visité.
Surtout, l'autorité y voit un bénéfice d'image pour la collectivité et les acteurs locaux, qui peuvent faire la publicité du statut. Sans envolée lyrique, l'institution espère qu'il déclenche « une dynamique collective » qui accélère la commercialisation de la fibre dans les logements concernés. Un tel bénéfice semble tout de même bien simple, face aux premières pistes envisagées par le rapport Champsaur, il y a deux ans.
Le marché entreprises mentionné... et aidé ?
Pour le régulateur, ce macaron « fibré » doit aussi jouer sur la fibre pour entreprises, encore considérée comme un marché de luxe. Cela alors qu'Orange domine les télécoms pour professionnels, au grand dam de plus petits acteurs qui ont récemment monté deux lobbies pour faire pression sur les pouvoirs publics (voir notre analyse).
Dans sa consultation, l'Arcep rappelle donc qu'elle compte imposer des offres passives à Orange (où il ne fournit que son réseau fibre, sans autre équipement), alors qu'une partie des opérateurs lui réclament des offres clés-en-main (actives), pour proposer facilement leurs offres sur tout le territoire.
Sans réel argument, l'autorité avance donc que la « zone fibrée » ira dans le sens de la mutualisation des réseaux fibre grand public et professionnels, poussée à la fois par Bercy (via le plan France THD) et le régulateur. Elle doit notamment permettre de baisser les prix et de démocratiser la fibre pour les sociétés, ce que l'ensemble des opérateurs spécialisés semblent appeler de leurs vœux.
Attention tout de même, « l’autorité n’envisage pas à ce stade d’imposer d’obligation spécifique concernant la fourniture d’offres à destination des entreprises pour l’obtention du statut de « zone fibrée » ». En clair, il faudra repasser pour du concret.
Un statut des plus attendus
Depuis son inauguration publique début 2015, la « zone fibrée » fait presque figure de chimère, passant les consultations, lois et décrets avec des retards importants. C'était pour accélérer le mouvement que plusieurs villes et la Fédération des industriels des réseaux publics (Firip) avaient lancé des opérations pilotes en mars 2016.
Dans l'absolu, il semble surtout s'agir de montrer qu'une zone dispose bien du nouveau réseau, voire de prouver que le déploiement du très haut débit avance. L'Arcep songe tout de même à « s’appuyer sur ce statut dès lors qu’elle déciderait de mettre en œuvre une modulation tarifaire à l’avenir », même si cela ne semble pas encore nécessaire.