C'est en 1997 qu'Intel a lancé l'IDF, qui allait fêter ses 20 ans. La société s'est épargné cette « peine » et vient d'annoncer que cet évènement annuel ne sera plus reconduit.
Pour ceux qui suivent le domaine des nouvelles technologies en général, et celui des composants PC en particulier, l'Intel Developer Forum (IDF) était depuis deux décennies l'un des évènements de la rentrée. Celui qu'Intel choisissait pour lancer ses produits, mais aussi pour évoquer ses projets à plus long terme.
Pensé pour les développeurs, il était surtout l'occasion pour la marque de concentrer tout son écosystème au même endroit en septembre à San Francisco, ainsi qu'en Asie depuis 2007, aux alentours d'avril. Critiqué depuis quelques années, notamment pour les invitations tous frais payés de quelques journalistes, cet évènement prend fin.
Il n'y aura ainsi pas d'édition 2017 en septembre prochain, apprend-on dans un communiqué de seulement 68 mots. Le constructeur lui préfère désormais des conférences et salons plus spécifiques.
La fin d'une époque
Outre les fameuses keynotes, les tech sessions étaient au cœur de cet évènement, permettant de rencontrer les équipes du fondeur. Ces « conférences dans la conférence » étaient publiquement diffusées au format PDF, permettant à chacun d'en savoir plus. L'occasion, surtout, de découvrir comment Intel conseille à ses partenaires de gérer le refroidissement de tel nouveau format de machine, ou ce qu'il préconnise pour exploiter au mieux ses nouvelles architectures.
Nous avions pu y découvrir les NUC, le Mini STX, des solutions de recharge sans fil, Thunderbolt et autres WiDi. Les journalistes sur place avaient également eu droit à des échanges plus directs, parfois sous NDA, afin de préparer le lancement d'une nouvelle gamme de puces, discuter finesse de gravure ou découvrir les roadmaps des prochaines années.
On pouvait aussi y participer à des tables rondes avec un Justin Rattner ou un Mooly Eden qui étaient passionnants à écouter, bien que parfois dans une bulle. Qui ne se souvient pas des projets d'ordinateur portable à micro-écrans multiples d'Eden, qui n'ont jamais vraiment vu le jour ?
D'autres ratés marqueront nos souvenirs de cet évènement annuel, comme l'annonce de ViiV ou encore des fameux MID qui devaient révolutionner les usages mobiles. Car pendant trois jours, le géant de Santa Clara parlait non seulement de son avenir, mais aussi ce celui du monde PC dans son ensemble. Quitte à parfois se tromper avant de changer d'idée quelques années plus tard. Une époque qui semble aujourd'hui révolue.
De Pat Gelsinger à Brian Krzanich
Tout a sans doute commencé avec le départ de Pat Gelsinger, puis de Justin Rattner. Le premier était capable d'animer une keynote comme peu de monde, n'hésitant pas à venir sur scène avec un bâton pour évoquer le mythe du roi singe (qui a notamment inspiré le personnage de Son Goku) et servir son propos.
Le second avait toujours à cœur de partager des moments un peu fous, entre une annonce concernant Thunderbolt ou la 3D. Comme lorsqu'il était monté sur scène avec des oreilles réagissant aux ondes cérébrales, ou lorsqu'il était venu nous parler de la recherche sur la lecture de nos rêves, le plus souvent avec une chemise à fleurs.
Mais c'est surtout depuis l'arrivée de Brian Krzanich que l'intérêt de la conférence s'est dégradé. L'innovation ralentissant, son intérêt diminuait. Il n'y était presque plus question de roadmaps, de finesse de gravure ou même de processeurs. Tout ce qui était proche du marché du PC, sur le déclin, devait être mis de côté.
La VR, les drônes et autres objets connectés étaient les vraies stars d'un show devenu toujours plus publicitaire, où l'on pouvait passer sans problème de nombreuses minutes à parler d'un partenariat avec un groupe de chaînes de TV pour une émission de télé-réalité autour des « makers ».
À trop se chercher, on finit par se perdre
De quoi illustrer toute la stratégie du nouveau PDG qui a décidé de mettre de côté ce qui fait encore le cœur de son business, tout en se concentrant sur des projets annexes qui permettent de faire la une de médias plus généralistes, comme ceux consacrés à la mode (quitte à venir ensuite faire un rappel général sur des montres connectées).
Cette façon de faire s'était d'ailleurs retrouvée de manière marquante à d'autres occasions, comme lors du CES de janvier. Krzanich n'avait que très peu parlé des produits maison, si ce n'est en évacuant la question en début de conférence, pour effectuer de multiples démos sans que l'on sache vraiment quel était le rôle d'Intel dans tout cela.
La déchéance de l'IDF est donc sans doute à l'image de celle de la communication d'Intel ces dernières années, mais aussi de son manque d'investissement dans ce qui fait le cœur de son succès aujourd'hui. Concurrencé aussi bien dans le domaine de la gravure que des processeurs, la marque ne s'est que trop souciée de projets tiers, sans que l'on puisse pour le moment bien voir où cela peut bien la mener.
Le besoin d'un renouveau
Alors que le dernier plan de licenciements en date fait actuellement son effet (notamment en France), Intel se retrouve à une croisée des chemins face à un AMD qui reprend du poil de la bête, un peu comme à l'époque du Pentium 4 et de l'architecture Netburst.
Toujours très rentable, il lui faudra donc trouver la force de se relancer et préparer de manière sérieuse les années qui viennent. Mais avant cela, il va falloir commencer par réagir. Car plus que de savoir si l'on découvrira de nouveaux plans de conquête du monde lors d'un IDF ou d'une autre conférence plus spécifique, la question qui est sur toutes les lèvres en ce moment est de savoir si cela sera avec son PDG actuel, ou un autre.
Une autre page qui risque de se tourner en seulement 68 mots.