Jupiter et Saturne sont les deux plus grosses planètes de notre système solaire et elles disposent toutes les deux de lunes. Sur deux d'entre elles, la NASA a fait des découvertes qui laissent penser qu'il existerait des environnements « habitables ». Mais si tous les ingrédients semblent réunis, ce n'est pas pour autant que la vie existe.
Comme nous l'avions annoncé dans #LeBrief de jeudi, la NASA tenait hier soir une conférence de presse dont l'objet était « les océans au-delà de la Terre ». Deux annonces ont ainsi été faites concernant Encelade, lune de Saturne, et Europe, qui tourne autour de Jupiter.
De la vie détectée sur Encelade ? Non, mais les ingrédients nécessaires sont là
Dans le premier cas, c'est évidemment la sonde Cassini qui est à l'honneur. Pour rappel, celle-ci orbite autour de la sixième planète du système solaire depuis maintenant près de 13 ans et se prépare à faire son « grand final », qui la conduira à une destruction certaine dans l'atmosphère de Saturne.
Dans son communiqué, des chercheurs de la NASA annoncent « qu'une forme d'énergie chimique, dont la vie peut se nourrir, semble exister » sur Encelade. Il s'agit en l'occurrence d'hydrogène sous forme gazeuse, qui serait présent au fond de l'océan souterrain.
Cette lune de Saturne disposerait donc de « certains des ingrédients nécessaires à un environnement habitable » selon Thomas Zurbuchen de la NASA. « Ce n'est pas une preuve de l'existence de la vie, mais cela montre le potentiel de l'existence de la vie dans cet océan intérieur » ajoute pour sa part l'agence américaine.
La vie, telle que nous la connaissons évidemment, nécessite trois ingrédients de base : de l'eau liquide, une source d'énergie pour le métabolisme et enfin des ingrédients chimiques tels que le carbone, l'hydrogène, l'azote, l'oxygène, le phosphore et le soufre. Ces deux derniers n'ont pas encore été détectés sur Encelade, mais les scientifiques soupçonnent fortement leur présence.
Reste ensuite la question d'une vie sous une forme que nous ne connaissons ou ne soupçonnons même pas... mais c'est un autre sujet.
Une détection qui remonte à fin 2015
Pour arriver à cette conclusion, les scientifiques ont exploité des données de la sonde Cassini enregistrées le 28 octobre 2015. C'est à ce moment que la sonde est passée au plus près – et pour la dernière fois – d'Encelade. Avec son « nez », la sonde a détecté l'hydrogène dans le panache de gaz qui s'échappe.
Lors de précédents passages à proximité de la lune de Saturne, la sonde avait déjà mesuré ces émanations (sans trouver d'hydrogène), ce qui permet à l'agence américaine d'établir une composition précise : « près de 98 % du gaz dans le panache est de l'eau, environ 1 % est de l'hydrogène et le reste est un mélange d'autres molécules, notamment du dioxyde de carbone, du méthane et de l'ammoniac ».
Dans tous les cas, la NASA explique que Cassini n'était pas équipé pour aller plus loin que ces analyses, notamment pour détecter une forme de vie... tout simplement parce que les scientifiques ne savaient même pas qu'Encelade avait de tels panaches avant de s'approcher de cet objet céleste.
« Bien que nous ne puissions pas détecter la vie, nous avons constaté qu'il y avait une source de nourriture là-bas. Ce serait un peu comme un magasin de bonbons pour les microbes » explique l'auteur principal de cette publication, Hunter Waite.
Autour de Jupiter, Europe ne manquerait pas de panache
Changeons de planète et de lune pour nous rendre sur Europe, en orbite autour de Jupiter. Cette fois-ci, l'agence américaine explique qu'un « probable panache de matière » provenant de la surface de la lune a été observé par Hubble en 2016. Une « preuve » supplémentaire puisque le télescope était déjà arrivé à cette conclusion en 2014.
Les nouvelles mesures font état d'une projection atteignant une centaine de kilomètres d'altitude, contre une cinquantaine de kilomètres en 2014. Dans les deux cas, ils se seraient produits dans une région « exceptionnellement chaude » où il y aurait des fissures dans la croûte glacière. Tout cela reste évidemment à confirmer, la NASA ayant pris les pincettes de rigueur pour cette annonce.
Les deux lunes se rejoignent finalement – façon de parler – sur les spéculations des scientifiques. Comme dans le cas d'Encelade, cette découverte sur Europe « pourrait témoigner d'une éruption d'eau à l'intérieur de la lune ». Dans tous les cas, ces découvertes « aideront à l'exploration future et à la recherche plus large de la vie au-delà de la Terre » précise aussi la NASA.
Et maintenant ?
La NASA ne compte évidemment pas en rester là et continuera d'utiliser Hubble pour scruter la lune de Jupiter. La mission Europa Clipper est également attendue avec impatience. Elle doit pour rappel analyser en détail Europe, et son lancement devrait avoir lieu en 2020. Ce sera alors l'occasion de confirmer les hypothèses de Hubble et d'effectuer des mesures dans les panaches de cette lune.
Lors d'une session de questions/réponses, un des participants demande à la NASA si, selon eux, il y a plus de chance de trouver de la vie sur Encelade ou Europe. La réponse est simple : « aucune idée »... D'un côté la présence de « nourriture » sur Encelade pourrait favoriser l'apparition de la vie, de l'autre le fait qu'elle soit en grande quantité pourrait signifier qu'il n'y a pas de vie, sinon elle aurait dévalisé le placard à friandise.
De la vie extraterrestre : pur scénario science-fiction ? Pas forcément...
La quête d'une forme de vie extraterrestre n'est pas nouvelle, loin de là. Elle alimente d'ailleurs de nombreux mythes et films de science-fiction, mais repose sur un fondement simple. En 2014, Michel Viso, spécialiste d'exobiologie au CNES, expliquait ainsi qu'il « doit y avoir des milliards de planètes dans notre galaxie. On se dit donc que si les conditions ont pu s'enchaîner pour que la vie apparaisse sur Terre, il n'y a pas de raison que cela ne se produise pas ailleurs ».
Question de logique et de statistiques en somme. Mais attention, car vie ne veut pas dire organisme évolué : « Il y a peu de chance que l'évolution qui s'est produite sur Terre se reproduise de la même façon ailleurs ». Le plus probable étant de trouver des bactéries, voire micro-organismes comme une sorte d’algue ou au mieux une mousse. Il ajoute néanmoins : « nous n'en avons aucune preuve scientifique » et, plus délicat, « il va être difficile d'aller les chercher ! ».
Il évoquait également le cas des océans d'Encelade et d'Europe : « ils mesurent de 100 à 500 kilomètres de profondeur et sont emprisonnés sous une épaisseur de 18 à 100 kilomètres de glace ». À titre de comparaison, il expliquait que, sur Terre, « le Pôle Sud fait 3 kilomètres d'épaisseur et la fosse des Mariannes, la plus importante, descend à 11 kilomètres de profondeur ». Bref, ce n'est pas gagné, mais les panaches pourraient bien donner de plus amples informations maintenant que l'on sait qu'ils existent, au moins sur Encelade.
Une infographie sur les océans dans le système solaire
Sachez enfin que la NASA propose un site dédié aux différents océans de notre système solaire. De son côté, le Jet Propulsion Laboratory rappelle à juste titre que plusieurs objets célestes peuvent abriter des océans liquides. Pour chaque candidat, un rapide état des lieux est proposé, ainsi qu'une comparaison de la taille par rapport à la Terre et sa distance au Soleil, le tout dans une longue infographie.
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— NASAJPL Edu (@NASAJPL_Edu) 13 avril 2017