L'hyperlien, l'hyper-combat de la députée Karine Berger

L’hyperlien, l’hyper-combat de la députée Karine Berger

Les langues déliées

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Marc Rees

Publié dans

Droit

13/04/2017 6 minutes
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L'hyperlien, l'hyper-combat de la députée Karine Berger

Le gouvernement va-t-il plaider pour une modification du statut juridique du lien hypertexte ? C’est en tout cas le souhait émis par Karine Berger, députée des hautes Alpes (PS), à l’appui d’une question adressée à la ministre de la Culture.

Dans le cadre du projet de loi Lemaire, la députée Karine Berger avait déposé avec sa collègue Valérie Rabault un amendement qui avait suscité de nombreuses réactions. Pour mémoire, cette rustine visait à préciser l’étendue des droits sur les liens hypertextes afin de « redonner une protection (…) en faveur des auteurs des contenus auxquels ils renvoient ».

Un rappel : selon la loi sur la confiance dans l’économie numérique de 2004, les intermédiaires techniques sont responsables des contenus qu’ils stockent ou transmettent que si, alertés, ils ne suppriment pas ceux qui sont manifestement illicites.

C’est une responsabilité aménagée visant à promouvoir l’économie numérique et la liberté d’expression tout en garantissant la lutte contre les contenus illicites. Karine Berger et Valérie Rabault souhaitaient néanmoins revoir cette articulation, jugeant ses rouages peu en phase avec la beauté de l’exception culturelle.

Réinjecter l'autorisation dans l'accès aux œuvres

Dans leur amendement, elles suggéraient que ce régime disparaisse dès lors que les FAI ou les hébergeurs « donnent accès au public à des œuvres ou à des objets protégés par le code de la propriété intellectuelle, y compris au moyen d’outils automatisés ».

Pour ces contenus, ils auraient été contraints « d’obtenir l’autorisation des titulaires de droits concernés ». De leur propre aveu, ces deux parlementaires socialistes avaient puisé leur inspiration dans « les préconisations du rapport du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique » rédigé notamment par le professeur Pierre Sirinelli, dans l’enceinte du ministère de la Culture.  

Comme expliqué dans cette actualité, leur amendement aurait légèrement changé le visage d’Internet, puisque les intermédiaires auraient dû tous procéder à de menues vérifications avant d’ouvrir les vannes :

  1. Vérifier l’existence d’un contenu (ou d'un lien, dans l'esprit des auteures de l'amendement)
  2. Vérifier l’existence d’une œuvre protégée
  3. Identifier le(s) titulaire(s) de droits
  4. Vérifier ou obtenir leur autorisation préalable
  5. Autoriser le cas échéant le flux ou le stockage
  6. Vérifier que l’œuvre liée n’a pas changé

Sans doute par la crainte d’un rejet en séance, leur amendement a finalement été retiré avant examen. Mais Karine Berger a toujours le lien hypertexte au travers de la gorge. En témoigne, cette question parlementaire adressée ce 11 avril à la ministre de la Culture.

Elle revient sur cet amendement « d’appel » destiné à ouvrir le débat sur l’hégémonie de Google ou Facebook mais son attention se concentre davantage sur l’avenir. Dans le cadre des débats actuels sur la révision de la directive sur le droit d’auteur de 2001 et celle sur le commerce électronique de 2000, elle veut connaître, de la bouche de la ministre, « la position du Gouvernement sur les liens hypertextes, et plus largement sur les leviers juridiques qui peuvent être actionnés pour rééquilibrer les rapports entre créateurs et grands acteurs de l'internet ». Elle plaide donc toujours pour une refonte du statut juridique du lien hypertexte, jugeant la situation actuelle trop déséquilibrée au détriment des créateurs et de l’industrie culturelle.

La France au chevet de l'industrie culturelle

La position des autorités françaises ne devrait pas surprendre. Déjà, à l’occasion des travaux actuels sur la question des plateformes au Parlement européen, la France soutient sans réserve les amendements déposés par l’eurodéputé Jean-Marie Cavada qui compte disqualifier du label « hébergeur », l’intermédiaire qui interviendrait « dans l'organisation, l'optimisation ou la promotion du contenu » stocké.

Autant dire qu’avec de tels critères, des sites comme YouTube ou Dailymotion deviendraient immédiatement responsables des contenus mis en ligne par les internautes, faute pour ces plateformes de procéder à des « optimisations ». La France appuie également l’idée selon laquelle ces acteurs soient astreints à « détecter et prévenir les activités illégales (…) par des moyens techniquement fiables ».

De même, les autorités nationales ont pris sous le bras les derniers travaux du Pr Sirinelli au CSPLA qui touchent eux cette fois spécifiquement au lien hypertexte. Des travaux présentés avant hier à Bruxelles lors d'un séminaire organisé par la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne.

Au CSPLA, le nouveau rapport Sirinelli 

Dans un rapport sur la question, l’éminent juriste suggère qui celui qui poste un lien, ou le site qui l’héberge, le moteur de recherche qui en donne accès, etc. obtiennent tous « l’autorisation des titulaires de droits pour ce qui concerne leur participation à l’acte en cause ». Cette autorisation ne serait plus nécessaire sous une série de conditions draconiennes et cumulatives :

  1. « que l’auteur de l’hyperlien ne sache pas ou n’ait pas de raisons valables de penser que le contenu pointé est communiqué au public ou mis à la disposition du public de manière illicite sur le service en ligne vers lequel renvoie ce lien,
  2. et que cet oeuvre et/ou objet protégé soit accessible sans restriction sur le service en ligne vers lequel renvoie ce lien,
  3. et que la fourniture d’hyperlien n’ait pas été effectuée dans un but lucratif,
  4. et que l’hyperlien ne permette pas d’afficher ou de diffuser directement l’oeuvre ou l’objet protégé sur le service en ligne à partir duquel il est établi

Le poseur de lien devrait donc démontrer notamment qu’il n’avait aucune raison de penser que l’œuvre liée était mise en ligne illicitement et que cette œuvre n’était enfermée par aucun DRM ou aucune restriction dans les conditions générales d'utilisation du site source. Soit une belle source d’insécurité juridique, au goût de l’UFC-Que Choisir, aux antipodes des fondamentaux d’Internet.

Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Réinjecter l'autorisation dans l'accès aux œuvres

La France au chevet de l'industrie culturelle

Au CSPLA, le nouveau rapport Sirinelli 

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Commentaires (37)


Donc concrètement ces gens ne savent pas comment fonctionne le Web.


C’est désespérant de voir que tes représentants sont déjà au fond du trou de la connerie… mais continuent tout de même de creuser pour battre le record de l’incompétence.


Pour le coup un tel système ne ferait que renforcer les majors, lesquelles appartiennent aux mêmes milliardaires que les groupes de presse. Et pendant ce temps le petit peuple verrait sa liberté d’expression dangereusement menacée, mais n’est-ce pas l’effet voulu ?


À ce rythme la nos sbires vont finir par battre les japonais qui attaquent la croute terrestre. Ils creusent, ils creusent… Rassurez moi ces gens qui vivent sur notre dos réfléchissent parfois ?


Elle à vu une idée à la con pour faire rentrer un peu d’argent au profit des AD.<img data-src=" />


si mes souvenirs sont bons, la CJUE avait déjà rendu un arrêt sur la licéité des liens l’année passée.



Je me demande quelle est la marge de manoeuvre de la France vis à vis de l’Europe et plus particulièrement de la CJUE dans ce domaine. J’ai le sentiment que le sauvetage viendra de Bruxelles n’en déplaise aux anti-européens face à une idée aussi stupide.



Si ça passe, autant couper tous les cables et éteindre les relais, internet ne servira plus à rien.





&nbsp;


sait jamais pourrait trouver du pétrole a ce rythme, ou devancé les japonais dans la percé de la croute terrestre…


Je dois avouer que j’ai du mal à comprendre dans quel cas créer un lien pourrait causer un “préjudice” à qui que ce soit.



De quoi ils parlent ?


ouais en fait ils veulent tuer le lien HTML … donc internet quoi. Et si on met un javascript avec une zone cliquable, on n’est pas sur un lien hypertexte : on peut pointer sur des oeuvres illégales sans souci? <img data-src=" /> <img data-src=" />

ou alors on donne l’adresse mais sans la rendre cliquable : faudra copier coller l’URL <img data-src=" />



J’espère qu’elle a demandé cher pour porter ça… ou alors elle est vraiment bip mais vraiment bip


Présomption généralisée de culpabilité pour tous les internautes, FAI, et hébergeurs \o/


Le préjudice c’est de ne pas pouvoir racketer toucher de l’argent sur tout ce qui passe…



Demain par exemple, il faudra mettre des œillères quand tu te promènes en ville car si tu aperçois une œuvre ou même un “artiste” on pourra de réclamer directement du pognon. Tu imagines le préjudice pour ces gens là qui ne peuvent s’exposer sans “perdre” des royalties bien méritées, alors que toi tu profites sans vergogne ? <img data-src=" />


Karine Berger, la Député qui restera dans les livres d’histoire pour avoir provoqué la séparation des activités bancaires.



&nbsp;(F. Hollande: mon véritable adversaire, […] c’est le monde de la finance)



[ironie inside]








Dice34110 a écrit :



sait jamais pourrait trouver du pétrole a ce rythme, ou devancé les japonais dans la percé de la croute terrestre…





ou carrément arriver au japon !



Perso, je ne mets que des liens supertexte sur mes sites, je reste modeste. Je laisse “l’hyper” aux autres.


Oui, mais le Pr Sirinelli est un “éminent juriste”, il navigue dans des sphères inaccessibles à notre entendement, nous pauvres mortels. <img data-src=" />



Ou alors on peut arborer un titre pompeux et être en déphasage complet avec la réalité d’Internet… <img data-src=" />


A force de toucher le fond, y’en a qui pensent sans doute sortir de l’autre côté de la planète …



C’est toujours désespérant de voir que les gens qui dirigent (ou prétendent le faire) ne comprennent rien à ce sur quoi ils prétendent décider. Sans partage, un contenu restera inconnu - et donc pour ce qui intéressent ces gens là, non valorisable. Mais ça, ça doit être trop compliqué …


&nbsp; Toujours aussi marrant, bientôt je vais demander si je peux créer un lien sur le lien que j’ai mis en lien dans le mail. A merde comment on fait, j’ai déjà partagé le lien que je voulais mettre en lien, donc si il clic sur le lien mis en mail et que celui est un lien vers un lien vers un contenu protégé j’aurai déjà faut une communication du lien premier. <img data-src=" />


En gros et en détails, oui !

Ils vont se mettre tous les SEO à dos.


Ce n’est même pas qu’une question de partage. Mettre un lien c’est donner une référence donc sourcer l’information et lui donner de la valeur.


Vont-ils continuer dans l’espace ? Vers l’infini et au delà ! (À mettre en rapport avec une citation d’Einstein…)








numerid a écrit :



Ce n’est même pas qu’une question de partage. Mettre un lien c’est donner une référence donc sourcer l’information et lui donner de la valeur.





Je suis tout à fait d’accord, mais là je restais vraiment au simple niveau du pognon d’un ayant droit: si son contenu n’est pas connu, il ne sera pas valorisé. Pour donner un exemple à ce que tu dis, les articles de wikipedia prennent de la valeur grâce entre autres aux références et aux sources qu’ils contiennent, mais ça c’est au delà des préoccupations d’un ayant droit - et au delà du ministère de la “culture” d’ailleurs (cf la new sur l’audition de Wikimedia France)









CreaYouz a écrit :



&nbsp; Toujours aussi marrant, bientôt je vais demander si je peux créer un lien sur le lien que j’ai mis en lien dans le mail. A merde comment on fait, j’ai déjà partagé le lien que je voulais mettre en lien, donc si il clic sur le lien mis en mail et que celui est un lien vers un lien vers un contenu protégé j’aurai déjà faut une communication du lien premier. <img data-src=" />





Ou alors demander sans mettre de lien dans le mail et puis…ah ben non ça marche pas non plus. <img data-src=" />



Et si le liens pointe vers lien qu irevnoi vers un contenu protégé? Et si le lien vers un autre liens vers un autre liens qui renvoie vers un contenu, ils ont cassé Internet <img data-src=" />








Wype a écrit :



Donc concrètement ces gens ne savent pas comment fonctionne le Web.





En gros.









bloossom a écrit :



si mes souvenirs sont bons, la CJUE avait déjà rendu un arrêt sur la licéité des liens l’année passée.



Je me demande quelle est la marge de manoeuvre de la France vis à vis de l’Europe et plus particulièrement de la CJUE dans ce domaine. J’ai le sentiment que le sauvetage viendra de Bruxelles n’en déplaise aux anti-européens face à une idée aussi stupide.



Si ça passe, autant couper tous les cables et éteindre les relais, internet ne servira plus à rien.





Nenni. Cette loi (si jamais elle était votée) serait comme de nombreuses autres. Inapplicables, tout simplement. Regarde Hadopi. Le parfait exemple d’une loi qui ne sert à rien.



<img data-src=" />

A quand le lien infratexte … Ils l’auront bien dans l’{17ème lettre de l’alphabet} ce jour-là. <img data-src=" />








Ricard a écrit :



Nenni. Cette loi (si jamais elle était votée) serait comme de nombreuses autres. Inapplicables, tout simplement. Regarde Hadopi. Le parfait exemple d’une loi qui ne sert à rien.





&nbsp; Mais qui coûte quand même quelques millions par an au contribuable, en plus de ce que ça a coûté aux fournisseurs d’accès qui ont du répondre aux demandes bien que le décret fixant leur compensation n’avait toujours pas été passé …









Nenyx a écrit :



&nbsp; Mais qui coûte quand même quelques millions par an au contribuable, en plus de ce que ça a coûté aux fournisseurs d’accès qui ont du répondre aux demandes bien que le décret fixant leur compensation n’avait toujours pas été passé …





Cette loi (liens) est ridicule, puisque s’appliquant uniquement sur le territoire national. Qui va la respecter ? Personne. Tous les sites étrangers n’ont pas à la respecter. Personnellement, je ne la respecterais pas. Qu’est-ce qu’ils vont me faire ? M’attaquer en justice parce que je renvoie vers une page qui cite un film ou un chanteur ?



L’objectif récurrent n’est pas en surface, mais en profondeur : contrôler l’information sur Internet. Actuellement, ils aimeraient pouvoir faire avec Internet ce qu’ils font avec la TV et la presse appartenant aux empires financiers : informer le quidam avec ce qu’ils souhaitent qu’il sache. Ce n’est qu’un premier pas vers la censure généralisée, ni plus ni moins.








Ricard a écrit :



Nenni. Cette loi (si jamais elle était votée) serait comme de nombreuses autres. Inapplicables, tout simplement. Regarde Hadopi. Le parfait exemple d’une loi qui ne sert à rien.





Inapplicable peut-etre, mais ca coutera du pognon tout ca. Et bien sur ce ne sera pas remboursable <img data-src=" />



Et si le lien change au cours du temps….


Tu leurs demanderai de comprendre de quoi ils parlent ? <img data-src=" />


Ils devraient d’abord tester sur leur idée sur les notes en bas de pages dans les bouquins qui te renvoient à la lecture d’un autre bouquin <img data-src=" />








Wype a écrit :



Donc concrètement ces gens ne savent pas comment fonctionne le Web.





Mais que fait Sir Timothy John Berners-Lee ? - Il est aux fraises ?



Je suis trop optimiste je crois…&nbsp;<img data-src=" />








NonMais a écrit :



J’espère qu’elle a demandé cher pour porter ça… ou alors elle est vraiment bip mais vraiment bip





Les deux à la fois. <img data-src=" />



Fais pas ton beurreBuzz, c’est copyrighté. <img data-src=" />