Au futur président, le GESTE demande de défendre la presse face aux géants du Net

Enfin, les « géants du web » (sic)
Droit 6 min
Au futur président, le GESTE demande de défendre la presse face aux géants du Net
Crédits : hocus-focus/iStock

Le GESTE, qui regroupe de nombreux éditeurs de presse en ligne, s'affiche en David face aux Goliaths que sont les grandes plateformes mondiales.  Il faut donc les soutenir financièrement et législativement, y compris en Europe, où la TVA, le droit d'auteur et le contrôle des données personnelles sont en plein chantier.

Après les lobbies du numérique, des géants français des télécoms et des réseaux publics, c'est au tour du GESTE de dérouler ses exigences au prochain président. Pour mémoire, ce groupement rassemble de grandes entreprises comme Bayard, BFM, CCM Benchmark, France Télévision, Google, Le Monde, Microsoft, Next RadioTV, Radio France, SoLocal ou encore TF1.

Malgré la présence de deux géants du Net, ces derniers sont bien la cible première des douze propositions formulées, qui vont du soutien financier à la presse à la remise en cause du statut d'hébergeur, en passant par la défense de la neutralité du Net et du très haut débit. Le document, publié hier, à deux semaines du premier tour, veut donc balayer toutes les craintes d'un secteur en proie à la crise.

Les fausses nouvelles (fake news) sont aussi au cœur des préoccupations de ces entreprises, tout comme les règles sur la vie privée, où leurs intérêts semblent par moments bien alignés avec les « vils » géants du numérique.

TVA à 2,1 % et accès facilité aux crédits d'impôts

En tête de la liste figure tout de même la défense TVA réduite pour la presse en ligne. Le GESTE demande à la France de soutenir la Commission européenne, dès cette année. Pour les éditeurs de presse, il faut continuer de permettre aux États membres d'appliquer une TVA réduite à la presse en ligne et aux livres numériques.

Pour rappel, la mesure a été obtenue en France de dure lutte par certains titres en ligne, dont Arrêt sur images et Mediapart, qui l'ont appliqué avant son entrée dans la loi en 2017... avec des redressements à la clé. Elle pourrait donc bientôt être remise en cause par la législation européenne. Le GESTE évoque donc « l'urgence » pour la France de la défendre d'ici la fin de l'année.

Le groupement exige également de maintenir et renforcer l'accès aux aides par les éditeurs en ligne, qui représentent 127,84 millions d’euros pour 2017 sur l'ensemble du secteur. Il souhaite aussi simplifier l'accès aux crédits d'impôts recherche (CIR) et innovation (CII), pour lutter contre les « capacités d’investissement quasi illimitées » des plateformes mondiales (comprendre les GAFA).

Améliorer la formation dans le numérique

Les demandes se poursuivent sur l'éducation et la formation, qui doivent être mieux dirigées sur le numérique, en cruel manque de main-d'œuvre. Le GESTE cite notamment les « développeurs web, analystes et scientifiques de la donnée, statisticiens, ingénieurs en systèmes d’information [et] journalistes ».

Les éditeurs de presse en ligne veulent aussi plus de transparence dans l'écosystème et face aux internautes. L'idée : que l'ensemble des acteurs, y compris étrangers, « respectent le principe de loyauté et de non-discrimination ». Le lobby tacle les « géants du web » (sic) avec « une puissance économique inégalable acquise grâce à la taille de leurs marchés domestiques ».

Il veut également que la France défende le droit voisin pour les éditeurs de presse, actuellement poussé par la Commission européenne. Il faudra donc soutenir sa création lors du passage de la révision de la directive droit d'auteur au Parlement européen, pour « permettrait donc aux éditeurs de rétablir une relation équilibrée avec les agrégateurs de contenus » (comprendre Google Actualités et consorts).

Cette piste a néanmoins pourtant été écartée par Therese Comodini Corchia, rapporteur du texte, qui lui a préféré une présomption de représentation des auteurs. De quoi rendre furieux les éditeurs qui organisent un lobbying actif pour inverser la vapeur dans les semaines qui viennent.

Défendre la (sur)consommation de cookies

Les professionnels de la presse exigent un dispositif pour mieux s'impliquer dans les lois nationales et européennes sur les données personnelles, y compris en amont. En parallèle, ils suggèrent des actions de formation et une meilleure éducation des internautes sur la question de la vie privée et des données personnelles. 

La demande peut paraître cocasse, alors que le GESTE est embourbé depuis des mois dans une guerre avec la CNIL. Celle-ci reproche collectivement aux éditeurs de ne pas respecter la loi sur les cookies, en en déposant de nombreux avant tout accord de l'internaute. Les groupes de presse se défendent en portant la faute sur les régies publicitaires, auxquelles ils confient l'entière gestion des espaces sur leurs pages.

S'il y a un problème, arguent-ils, il ne vient pas uniquement des éditeurs de presse, mais plus globalement de la filière publicitaire. Un argument que la CNIL a entendu, en étendant son enquête aux acteurs de la publicité, en septembre dernier. Le GESTE se plaint d'ailleurs sans détour de l'obligation de la CNIL, qui « oblige tous les éditeurs, quelle que soit leur taille, à investir dans des logiciels coûteux dont la mise en œuvre et le paramétrage nécessitent du temps ».

Désormais, l'enjeu du lobby est le règlement ePrivacy, qui doit entrer en vigueur en mai 2018, également avec des mesures très restrictives sur l'utilisation des cookies... avec un consentement de l'utilisateur à implémenter dans les navigateurs. La CNIL nous avait d'ailleurs récemment confirmé avoir mis en veille son enquête en attendant de voir l'évolution de ce texte.

Responsabiliser les intermédiaires

Autre combat des éditeurs représentés par le GESTE : responsabiliser tous les intermédiaires impliqués dans le traitement des données, avec l'introduction d'une « responsabilité distributive » en fonction du rôle de chacun... reconnue en décembre par la CNIL, se félicite l'association. 

Pêle-mêle, elle demande à l'Arcep de bien appliquer la neutralité du Net (merci pour elle), quand elle réfléchit elle-même à la neutralité des plateformes. Rappelons que les lignes directrices des régulateurs européens (via le Berec) sur la neutralité du Net sont arrivées en août dernier, malgré une vive opposition de l'industrie télécoms.

Sur la qualité du réseau (l'objet d'un observatoire du GESTE avec Cedexis), ces entreprises demandent d'encourager le plan France Très Haut Débit (France THD). Elles veulent s'assurer que l'investissement nécessaire est effectué, alors que le budget de trois milliards d'euros de subventions d'Etat dans les réseaux publics sont encore loin d'être consommés.

« Fake news » et défense des éditeurs de presse

Enfin, il aurait été difficile de passer à côté des fake news, les fausses nouvelles en français. Les éditeurs de presse veulent responsabiliser les hébergeurs. « Les grandes plateformes technologiques qui concentrent des millions d’utilisateurs, comme YouTube, Facebook ou encore Dailymotion, jouent un rôle prépondérant dans la diffusion et le partage des fausses informations » défend le GESTE.

Le groupement veut explicitement rediscuter le statut d’hébergeur, introduit dans la Loi sur la confiance en l'économie numérique (LCEN) en 2004, en incitant les plateformes à un meilleur contrôle des contenus. La demande intervient en plein « essor » des fake news, ou du moins de son concept.

Les géants du Net, en première ligne sur le sujet, multiplient les initiatives pour affirmer leur engagement, encore Facebook hier (voir notre analyse). Le réseau social annoncerait d'ailleurs être prêt à rémunérer ses médias partenaires de vérification de l'information. Une piste qui enchante les acteurs actuellement engagés en France avec le réseau social, qui évoquaient dès le départ l'idée d'une rémunération.

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