Le Conseil d'État confirme l'amende contre SFR pour le sabordage d'Outremer Telecom

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Le Conseil d'État confirme l'amende contre SFR pour le sabordage d'Outremer Telecom
Crédits : Garsya/iStock

L'an dernier, l'Autorité de la concurrence épinglait Altice pour le sabordage de sa filiale Outremer Telecom. L'opérateur a fait appel de cette décision auprès du Conseil d'État, qui a rejeté en bloc les demandes de l'opérateur.

En 2014, l'Autorité de la concurrence (ADLC) avait émis un avis positif permettant à Numericable de racheter SFR, sous plusieurs conditions. L'une d'elles concernait la cession des activités de téléphonie mobile d'Outremer Telecom (OMT), un opérateur actif sur l'île de la Réunion et à Mayotte. Le but, était d'éviter une concentration trop importante des acteurs sur ces deux territoires, SFR Réunion (SRR) y profitant déjà d'une large part de marché. 

Éviter un monopole

Revenons un peu en arrière afin de nous remettre en mémoire l'état des lieux établi par l'ADLC. À la Réunion fin 2012, le marché était partagé entre SRR (58 %) Orange Réunion (31 %) et OMT (11 %). Un rapprochement entre SRR et OMT aurait donc mis l'opérateur en délicatesse face à un concurrent occupant plus des deux tiers du marché. À Mayotte, la situation était encore plus compliquée, avec une part de marché de 57 % pour SRR et de 41 % pour OMT à la même date, ne laissant que des miettes à Orange Réunion.

L'autorité avait donc autorisé le rachat, à condition qu'Altice cède au minimum les activités d'Outremer Telecom à un autre acteur, encore absent de ces marchés. Quelques règles étaient évidemment au menu, la maison-mère de Numericable devait ainsi préserver « la viabilité économique, la valeur marchande et la compétitivité de l’activité cédée », de faire « ses meilleurs efforts pour éviter tout risque de perte de compétitivité de l’activité cédée » et de « ne pas mener d’actions sous sa propre responsabilité qui produiraient un effet négatif significatif sur la valeur, la gestion ou la compétitivité de l’activité cédée, ou qui pourraient altérer la nature et le périmètre de l’activité cédée, ou la stratégie commerciale de l’activité cédée ».

Changement de programme

Problème, OMT a soudainement changé son fusil d'épaule à la Réunion et à Mayotte, faisant varier du tout au tout sa stratégie commerciale. Jadis considéré comme « un franc-tireur » par l'ADLC du fait de son positionnement tarifaire agressif (un point de vue partagé par l'Arcep), l'opérateur a décidé sans prévenir de procéder à plusieurs augmentations successives des prix de certains forfaits.

L'un d'eux, particulièrement peu cher, avait ainsi vu son prix quadrupler en l'espace de six mois, provoquant un grand nombre de résiliations. Le taux de « churn » a atteint 6 % au plus haut à la Réunion chez OMT, contre une moyenne de 1 % habituellement pour l'opérateur, et de 2,5 % chez la concurrence. L'intérêt pour Altice était de déplumer l'entreprise qu'il s'apprêtait à vendre, afin que SRR récupère de nouveaux clients, quitte à en laisser une part choisir Orange.

Pour cette infraction, l'Autorité de la concurrence avait infligé une amende de 15 millions d'euros (voir notre analyse complète), solidairement à Altice et SFR. L'opérateur au carré rouge avait alors contesté la décision, arguant que « les hausses tarifaires, qui constituaient un acte de bonne gestion, n'ont altéré ni la compétitivité, ni la viabilité de l'activité cédée et n'ont induit aucune atteinte à la concurrence sur le marché », avant d'amener l'affaire devant le Conseil d'État.

Le Conseil d'État retoque l'appel de SFR

Celui-ci a rendu son verdict le 31 mars et démonte point par point les accusations de l'opérateur, notamment concernant la régularité et le bien-fondé de la décision de l'ADLC. Altice et SFR reprochaient ainsi à l'autorité le délai important entre la production des observations des entreprises concernées, et sa prise de décision. Une circonstance qui selon le Conseil d'État « n'entache pas, par elle-même, la procédure suivie d'irrégularité », pas plus que l'absence de délai supplémentaire donné aux sociétés pour apporter leurs observations, celui-ci étant un simple confort, pas une obligation. 

Le Conseil rappelle également que « les sociétés requérantes devaient faire leurs meilleurs efforts pour éviter tout risque de perte de compétitivité d'OMT et, d'autre part, qu'elles ne pouvaient pas mener d'actions qui pourraient altérer la stratégie commerciale d'OMT ». Or il a été montré plus tôt que le changement de politique tarifaire de l'opérateur avait justement causé une nette perte de compétitivité.

Dans ses observations, l'Arcep expliquait par exemple « qu'il y a de fortes chances que la modification tarifaire ait engendré une dégradation de l'image de l'opérateur, dans la mesure où Outremer Télécom est un opérateur réputé peu cher à la Réunion (...) dont la cible de clientèle (...) paraît être constituée de consommateurs principalement intéressés par des tarifs peu élevés plutôt que par d'autres éléments qualitatifs ».

Pas d'aménagement de l'amende

SFR réclamait enfin un ajustement de la sanction financière prononcée à son encontre. L'opérateur faisait valoir que le calcul du plafond de l'amende avait été mal réalisé en comptant deux fois ses revenus de décembre 2014. Une erreur de calcul « sans incidence sur la légalité de la sanction, le montant de celle-ci [NDLR : 15 millions d'euros] restant toujours très significativement inférieur au seuil légal de 5 % du chiffre d'affaires réalisé en France », répond le Conseil d'État. 

L'opérateur estimait également que le montant de cette sanction était disproportionné par rapport à la gravité des manquements observés. Le Conseil oppose à cet argument que les augmentations reprochées à OMT concernaient 26 300 clients sur un parc total de 66 000, une part très significative donc. De plus, elles ont démarré seulement trois semaines après l'obtention de l'autorisation de rachat et l'établissement des conditions associées, qui visaient justement à prévenir ce genre d'actes.

Aux yeux du Conseil, il en résulte donc que « les sociétés Altice Luxembourg et Numericable-SFR ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision qu'elles attaquent » et que les sanctions sont maintenues, telles quelles. 

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