Des associations réclament un sursaut de transparence sur les chiffres de l’état d’urgence

Des associations réclament un sursaut de transparence sur les chiffres de l’état d’urgence

L’Open data, version 1955

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Marc Rees

Publié dans

Droit

03/04/2017 5 minutes
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Des associations réclament un sursaut de transparence sur les chiffres de l’état d’urgence

Plusieurs associations réclament au Premier ministre un train de données entourant les mesures de l’état d’urgence. Dans une lettre adressée à Bernard Cazeneuve, les signataires considèrent qu’un refus de communication porterait atteinte à la Convention européenne des droits de l’Homme.

Pour mesurer l’effectivité de l’état d’urgence, le Gouvernement fournit au Parlement un thermomètre d’apparence utile : les données destinées à assurer un suivi statistique répertoriant le nombre d’assignations à résidence, de perquisitions administratives, des interdictions de séjour, des remises d’armes, de contrôles d’identité, fouilles et autres interdictions de manifestation.

Une obligation inscrite dans la loi de 1955 sur l’état d’urgence

C’est là le fruit d’une obligation insérée à l’occasion d’une des lois de prorogation de l’état d’urgence. L’article 4-1 de la loi de 1955 oblige en effet le gouvernement à informer « sans délai » députés et sénateurs « des mesures prises (…) pendant l'état d'urgence ». Cette disposition est un complément fondamental du contrôle parlementaire initié pendant cette période exceptionnelle où les pouvoirs des autorités administratives est au plus haut.

Dans un rapport parlementaire, la Commission des lois à l’Assemblée nationale avait très tôt fixé le cap : « mettre à la disposition de chacun des données complètes qui permettent de saisir l’état d’urgence et de substituer une évaluation aussi complète que possible aux angoisses et aux fantasmes ».

Des données « insuffisamment précises »

Seulement, ces initiatives n’ont qu’une utilité relative. Le recensement statistique ne permet que difficilement d’apprécier, avec un baromètre précis, des différentes données diffusées par le Parlement. C’est en tout cas le reproche émis par une cohorte d’organisations dans une lettre adressée à Bernard Cazeneuve.

Pour Human Rights Watch, La Quadrature du Net, la Ligue des Droits de l'Homme (LDH-France) ou encore le Syndicat de la Magistrature, mais aussi le Collectif contre l’Islamophobie en France (CCIF), « les données publiées dans ce cadre sont lacunaires et/ou insuffisamment précises pour atteindre l’objectif affiché de permettre un contrôle objectif des effets de l’état d’urgence et assurer un possible contrôle par la société civile ».

Quelques exemples pour mettre le doigt sur la plaie : « les suites données, sur le plan judiciaire ou contentieux, aux actions conduites dans le cadre de l’état d’urgence sont très peu explicitées ».  Fondement des poursuites, sort judiciaire réservé aux intéressés, mesures de contrainte ou condamnations prononcées, l’ensemble de ces chapitres manquerait cruellement de précisions.

Faute de « granularité » suffisante dans un standard opérationnel, difficile en tout cas d’apprécier dans le temps et l’espace les informations distillées par l’Intérieur. Et impossible par contrecoup de mesurer la justification de cet état d’exception, lequel doit s’étirer jusqu’en juillet 2017… pour l’instant.

Les différentes associations réclament en conséquence du Premier ministre la communication « dans les plus brefs délais et sous un format clair et réutilisable, les données statistiques complètes telles que précisées en annexe à ce courrier ».

Quatre pages de données réclamées, l’aiguillon de la CEDH

Une annexe particulièrement dense réclamant par exemple le nombre d’assignation à résidence ou de perquisition par commune, le nombre de blocages administratifs de site, le nombre de « décisions ordonnant (en référé ou au fond) le retrait du contenu d’un moyen de communication en ligne (article 6 de la LCEN), ventilées selon qu’elles sont en lien avec une mesure relevant de la loi du 3 avril 1955 ou non », celui de procédures judiciaires ouvertes à la suite des contrôles exercés en détaillant les infractions poursuivies, le volume d’extraction, reproduction, transmission de données faisant l’apologie du terrorisme ou provoquant à ces actes, etc.

En tout, un listing long de quatre pages de données couvrant la période 2015-2017. Pour esquiver un défaut de réponse, les signataires rappellent que les informations sollicitées sont un rouage élémentaire à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, lequel protège la liberté d’expression : « Une obligation positive pèse sur les autorités internes de collecte et de diffusion d’informations lorsque l’accès à l’information est déterminant pour l’exercice du droit à la liberté d’expression, en particulier la liberté de recevoir et de communiquer des informations ». Un tel refus de communication « constituerait une ingérence injustifiée au droit qu’elles tiennent de l’article 10 de la CEDH », soit un possible tremplin pour une action devant les tribunaux.

Écrit par Marc Rees

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Sommaire de l'article

Introduction

Une obligation inscrite dans la loi de 1955 sur l’état d’urgence

Des données « insuffisamment précises »

Quatre pages de données réclamées, l’aiguillon de la CEDH

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Commentaires (10)


Quand je lis l’article 10 en détail, je n’y vois pas une telle exigence.

Il y a une exigence de pouvoir recevoir de l’information (relative au droit d’expression) mais pas forcément de l’État mais plutôt de ceux qui émettent une information (L’idée est que l’on n’a pas le droit de censurer la réception plutôt que la publication de l’information. Donc sauf jurisprudence contraire, je pense qu’ils s’avancent, mais quand on voit leurs autres arguments (pas d’OPEN DATA, pas de document unique, …), ils s’appuient sur ce qu’il peuvent.



De plus, la France a invoqué l’article 15 et n’est plus concernée par l’article 10.



Je ne suis pas contre leur démarche, bien au contraire, mais j’ai bien peur que leurs arguments pour faire peur et motiver une réponse ne tiennent pas la route.


« les données publiées dans ce cadre sont lacunaires et/ou

insuffisamment précises pour atteindre l’objectif affiché de permettre

un contrôle objectif des effets de l’état d’urgence et assurer un

possible contrôle par la société civile ».



En même temps, quand on voit comment l’état d’urgence a été imposé à la population française et les motivations du gouvernement, des députés ou des sénateurs lors des débats, ça n’a rien d’étonnant.



Je ne pense pas que le premier ministre actuel (pas plus que le précédent, d’ailleurs) répondra de manière satisfaisante aux requêtes tout à fait légitimes des associations en présence   …



La transparence minimum souhaitée pas la population concernée ne sera pas de mise, quoiqu’il advienne.



 


Quel gouvernement a-t-il jamais permis une évaluation de son travail alors que cela devrait être un point capital et élémentaire afin de juger de son action ? Pas inventé ici.



« assurer un possible contrôle par la société civile ». On est en France, il y aurait fallu dire « ça va mieux, nous assurons le contrôle de la société civile, faites-nous confiance ».








Vin Diesel a écrit :



« les données publiées dans ce cadre sont lacunaires et/ou

insuffisamment précises pour atteindre l’objectif affiché de permettre

un contrôle objectif des effets de l’état d’urgence et assurer un

possible contrôle par la société civile ».



En même temps, quand on voit comment l’état d’urgence a été imposé à la population française et les motivations du gouvernement, des députés ou des sénateurs lors des débats, ça n’a rien d’étonnant.



Je ne pense pas que le premier ministre actuel (pas plus que le précédent, d’ailleurs) répondra de manière satisfaisante aux requêtes tout à fait légitimes des associations en présence   …



La transparence minimum souhaitée pas la population concernée ne sera pas de mise, quoiqu’il advienne.





“En même temps, quand on voit comment l’état d’urgence a été imposé à la population française et les motivations du gouvernement, des députés ou des sénateurs lors des débats, ça n’a rien d’étonnant. ”



c’est pour montrer leur force de domination et d’assouvissement, en plus du 49.3, c’est d’ailleurs tout ce qu’ils savent faire



En même temps concretement a l’heure actuelle vu l’utilité de l’etat d’urgence a part faire accepter a madame Michu que la surveillance de masse soit une bonne chose et le fait que toutes ses conversation sur Facebook puissent être accessible a l’etat soit normal en periode “de menace terroriste” il sert pas a grand chose cet etat d’urgence…



&nbsp;Concretement l’interdiction de manifestation n’est plus de mise depuis le 5eme jour de mise en application, et les forces de police ont beau être plus nombreuses elle ne sont ni mises au bon endroit, ni ont concretement les moyens de se defendre efficacement (Dans la limite du raisonnable pour éviter les bavures de certains qui se prendraient pour des cowboys américains <img data-src=" />)



Comme dirait l’autre… On en a gros ! <img data-src=" />


l’état d’urgence a été utilisé (est encore ?) pour lutter contre des opposants politiques qui risquaient de gêner la cop21…



&nbsp;Je trouve étonnant qu’un tel comportement soit jugé comme si ce n’était pas grave.


faut arrêter cette état d’urgence, il n’est plus justifiée et c’est relativement frustrant de le voir continuer sans justification de son utilité.








tmtisfree a écrit :



Quel gouvernement a-t-il jamais permis une évaluation de son travail alors que cela devrait être un point capital et élémentaire afin de juger de son action ? Pas inventé ici.



« assurer un possible contrôle par la société civile ». On est en France, il y aurait fallu dire « ça va mieux, nous assurons le contrôle de la société civile, faites-nous confiance ».





l’auto admiration c’est du narcissisme









briaeros007 a écrit :



l’état d’urgence a été utilisé (est encore ?) pour lutter contre des opposants politiques qui risquaient de gêner la cop21…



 Je trouve étonnant qu’un tel comportement soit jugé comme si ce n’était pas grave.





Vu le degré d’hystérie parano de ces activistes fascistes, extrémistes, violents et intolérants, une mise sous camisole de force préemptive aurait certes était préférable plutôt que de s’empêtrer dans un état dont personne ne va vouloir prendre la responsabilité de sortir.



Enfin ce n’est pas comme si le politicien (français) était responsable de quoi que ce soit : ils sont élus pas des sots et les chats ne font pas des chiens.



L’état d’urgence est maintenu pour une seule et unique raison : le coût politique qu’aura un attentat quand il aura été levé. Pour cette raison on n’est pas près de le voir lever. Tout comme on n’est pas près de voir Vigipirate baisser - il faut rappeler que ce “plan de prévention du terrorisme” était au niveau d’alerte maximum les des différentes attaques de ces dernières années.