Des associations réclament un sursaut de transparence sur les chiffres de l’état d’urgence

L’Open data, version 1955
Droit 3 min
Des associations réclament un sursaut de transparence sur les chiffres de l’état d’urgence
Crédits : Marc Rees (Licence CC-BY-SA 3.0)

Plusieurs associations réclament au Premier ministre un train de données entourant les mesures de l’état d’urgence. Dans une lettre adressée à Bernard Cazeneuve, les signataires considèrent qu’un refus de communication porterait atteinte à la Convention européenne des droits de l’Homme.

Pour mesurer l’effectivité de l’état d’urgence, le Gouvernement fournit au Parlement un thermomètre d’apparence utile : les données destinées à assurer un suivi statistique répertoriant le nombre d’assignations à résidence, de perquisitions administratives, des interdictions de séjour, des remises d’armes, de contrôles d’identité, fouilles et autres interdictions de manifestation.

Une obligation inscrite dans la loi de 1955 sur l’état d’urgence

C’est là le fruit d’une obligation insérée à l’occasion d’une des lois de prorogation de l’état d’urgence. L’article 4-1 de la loi de 1955 oblige en effet le gouvernement à informer « sans délai » députés et sénateurs « des mesures prises (…) pendant l'état d'urgence ». Cette disposition est un complément fondamental du contrôle parlementaire initié pendant cette période exceptionnelle où les pouvoirs des autorités administratives est au plus haut.

Dans un rapport parlementaire, la Commission des lois à l’Assemblée nationale avait très tôt fixé le cap : « mettre à la disposition de chacun des données complètes qui permettent de saisir l’état d’urgence et de substituer une évaluation aussi complète que possible aux angoisses et aux fantasmes ».

Des données « insuffisamment précises »

Seulement, ces initiatives n’ont qu’une utilité relative. Le recensement statistique ne permet que difficilement d’apprécier, avec un baromètre précis, des différentes données diffusées par le Parlement. C’est en tout cas le reproche émis par une cohorte d’organisations dans une lettre adressée à Bernard Cazeneuve.

Pour Human Rights Watch, La Quadrature du Net, la Ligue des Droits de l'Homme (LDH-France) ou encore le Syndicat de la Magistrature, mais aussi le Collectif contre l’Islamophobie en France (CCIF), « les données publiées dans ce cadre sont lacunaires et/ou insuffisamment précises pour atteindre l’objectif affiché de permettre un contrôle objectif des effets de l’état d’urgence et assurer un possible contrôle par la société civile ».

Quelques exemples pour mettre le doigt sur la plaie : « les suites données, sur le plan judiciaire ou contentieux, aux actions conduites dans le cadre de l’état d’urgence sont très peu explicitées ».  Fondement des poursuites, sort judiciaire réservé aux intéressés, mesures de contrainte ou condamnations prononcées, l’ensemble de ces chapitres manquerait cruellement de précisions.

Faute de « granularité » suffisante dans un standard opérationnel, difficile en tout cas d’apprécier dans le temps et l’espace les informations distillées par l’Intérieur. Et impossible par contrecoup de mesurer la justification de cet état d’exception, lequel doit s’étirer jusqu’en juillet 2017… pour l’instant.

Les différentes associations réclament en conséquence du Premier ministre la communication « dans les plus brefs délais et sous un format clair et réutilisable, les données statistiques complètes telles que précisées en annexe à ce courrier ».

Quatre pages de données réclamées, l’aiguillon de la CEDH

Une annexe particulièrement dense réclamant par exemple le nombre d’assignation à résidence ou de perquisition par commune, le nombre de blocages administratifs de site, le nombre de « décisions ordonnant (en référé ou au fond) le retrait du contenu d’un moyen de communication en ligne (article 6 de la LCEN), ventilées selon qu’elles sont en lien avec une mesure relevant de la loi du 3 avril 1955 ou non », celui de procédures judiciaires ouvertes à la suite des contrôles exercés en détaillant les infractions poursuivies, le volume d’extraction, reproduction, transmission de données faisant l’apologie du terrorisme ou provoquant à ces actes, etc.

En tout, un listing long de quatre pages de données couvrant la période 2015-2017. Pour esquiver un défaut de réponse, les signataires rappellent que les informations sollicitées sont un rouage élémentaire à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, lequel protège la liberté d’expression : « Une obligation positive pèse sur les autorités internes de collecte et de diffusion d’informations lorsque l’accès à l’information est déterminant pour l’exercice du droit à la liberté d’expression, en particulier la liberté de recevoir et de communiquer des informations ». Un tel refus de communication « constituerait une ingérence injustifiée au droit qu’elles tiennent de l’article 10 de la CEDH », soit un possible tremplin pour une action devant les tribunaux.

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