[Critique Geek] Ghost in the Shell : décadence

Coquille vide
[Critique Geek] Ghost in the Shell : décadence

Non, nous n'avons pas aimé la version 2017 de Ghost in the Shell. Pas que le film soit raté, il a de réelles qualités. Mais plutôt que de lui donner un souffle nouveau, Rupert Sanders et ses équipes l'ont vidé de toute son âme.

Pour nombre d'entre nous, Ghost in the Shell (GitS) est une œuvre à part entière. Mise à l'écran en 1995, elle a rythmé l'imaginaire de tous ceux qui vivaient à l'époque les prémices de la révolution numérique.

Elle offrait surtout une vision futuriste de notre relation aux robots, « l'augmentation » de l'être humain, le tout connecté et les problématiques qui y sont liées. Un résultat qui apparaît encore comme crédible près de 30 ans après la publication du manga, de quoi nourrir toute une génération de scénaristes et de cinéastes.

Y toucher revient donc à prendre des risques. Et lorsque nous avons appris qu'un reboot « live action » était en préparation, notre sang n'a fait qu'un tour. Il faut dire que si l'univers de la saga s'est étendu de manière plutôt correcte à travers le temps, celle-ci a aussi connu ses ratés comme avec la version 2.0 du film il y a une dizaine d'années.

Pitié, qu'elle ne finisse pas en clef USB !

C'est donc un peu à reculons que nous avions décidé d'aller voir la vision 2017 de Ghost in the Shell, par Rupert Sanders (Blanche Neige et le Chasseur). Notre visionnage s'est aussi fait dans un contexte particulier, puisque quelques jours plus tôt, Scarlett Johansson se transformait en clef USB sur TF1 dans le Lucy de Luc Besson. Qui pouvait nous assurer que cela n'allait pas se reproduire ?

Et malheureusement, nous ne pouvons pas le dire autrement, mais le résultat est tout sauf au rendez-vous. Avec un peu de recul, la seule impression que nous a laissé ce film est celle d'une équipe qui a décidé de se pencher sur la question du transhumanisme, qui n'avait pas vraiment d'idée et s'est dit « on va coller la licence Ghost in the Shell là-dessus, et avec un peu de chance, les gens n'y verront que du feu ».

Ghost in the Shell
Crédits : Paramount Pictures

De vraies belles images...

Commençons tout de même par les qualités de cette version revisitée de GitS, car il y en a. La première concerne l'esthétique générale et l'univers qui a été recréé. L'ensemble est superbe et l'on ne peut que constater qu'il y a du travail. On ne peut pas retirer à Sanders sa capacité à nous en mettre plein les mirettes.

Il y a certes les différentes scènes issues du manga (et de ses suites), dont celle d'ouverture que l'on a l'impression de redécouvrir, mais aussi une espèce de savant mélange d'éléments des différents films que l'on se plait à retrouver. Ajouter à cela quelques vraies bonnes idées, et vous obtenez un résultat plutôt réussi.

Les combats sont aussi l'un des points forts. Les chorégraphies sont bonnes, rythmées... qui seront vite sabotées par une utilisation à outrance des ralentis, un peu comme si l'on venait de découvrir « l'effet Matrix ». La première fois on trouve ça sympa, à la dixième, c'est franchement pénible.

La ville telle qu'elle nous est présentée nous a aussi peu emballée. Un peu trop inspirée d'un Blade Runner par certains aspects elle ne réussit jamais à représenter ce qui faisait l'une des forces de l'œuvre de Masamune Shirow, mise en image par Mamoru Oshii : un mélange des cultures et des époques.

Ghost in the Shell
Crédits : Paramount Pictures

... pour un film sans âme

Et c'est là que les choses commencent à se gâter. Car cette notion passe, comme beaucoup d'autres, à la trappe. Et ce aussi bien dans la constitution de l'équipe, que la bande originale ou le fond de l'histoire. On se retrouve un peu face à Frankenstein, comme la version 2.0 : un assemblage malsain entre la beauté de l'original et les ratés du reboot.

L'un des dialogues marquant de Ghost in the Shell se passe entre Togusa et le major, tous deux évoquant l'intérêt de la présence de ce dernier du fait qu'il est un être non modifié. Si cette nuance, qui vient notamment questionner l'intérêt de la diversité dans une communauté, est évoquée pour ce personnage, c'est pour aussitôt la mettre de côté.

Il en est de même pour Togusa de manière plus générale, comme presque tous les seconds rôles. Aucun n'est développé et ne montre son ampleur ou ses capacités. Le major prend toute la place, laissant quelques scènes (oubliables) à Daisuke Aramaki et Batou, dont on apprendra quand même qu'il aime les chiens. Notre pire souvenir reste sans doute l'abysse intellectuel que constitue un dialogue entre ce dernier et le major lors d'un trajet en voiture.

Bref, l'équipe a constitué une grille de bingo avec toutes les scènes clefs, a cherché à les faire coïncider avec un scénario rendu insipide, tout en retirant la majorité des éléments de réflexion qui ont fait le succès de GitS. Comment cela pouvait-il mener à une réussite ?

Ghost in the Shell
Crédits : Paramount Pictures

Vous avez demandé des clichés ? Ne quittez pas

Car le GitS de 2017 n'est pas tant un remake qu'une version « pour les nuls ». Toute la magie de l'original se trouvait dans ses subtilités, la beauté de ses scènes silencieuses, sa capacité à nourrir notre réflexion à travers des dialogues, certes parfois complexes, mais presque poétiques. Ici, les gros sabots d'Hollywood ont décidé d'imprimer leur marque, et cela se ressent (trop) fortement.

Oubliez le puppet master, être omniscient né presque par erreur qui part à la recherche du major dans une quête qui la mènera à questionner tant ce qui fait son humanité que le rôle qu'elle doit jouer dans le monde qui l'entoure. Ici, tout a été revu dans l'origine des personnages et rendu digeste pour un public adepte de la facilité.

On aura donc droit à du bon gros méchant capitaliste sans scrupule, à des scientifiques qui déconnent à plein tube et de la romance sur fond de drame familial. Bref, du déjà-vu qui dégouline sur fond de manichéisme, presque au parfait opposé de ce qui composait l'intrigue de GitS.

Ghost in the Shell méritait mieux que ça

Le tout est servi par un casting qui n'est pas sans saveur, ni exceptionnel, mais qui est assez révélateur. Tout d'abord du mimétisme graphique recherché par rapport à l'œuvre originale, alors que tant d'éléments scénaristiques ont été retouchés. Ensuite de la tendance à la facilité de Sanders, qui ne s'embarrasse pas vraiment de détails.

Daisuke Aramaki, par exemple, s'exprime en japonais et il est donc sous-titré. C'est le seul personnage à subir ce traitement. Pourquoi ? Parce que Takeshi Kitano aurait exigé de ne pas être doublé. Un élément qui était connu des équipes. Ont-elles pour autant chercher à l'expliquer, à l'introduire ? Non. Le spectateur est mis devant le fait accompli et doit donc faire avec. 

Ce « simplisme » transpire à tous les niveaux et cela a de quoi rapidement nous hérisser le poil. Pas tant parce que le film ne colle pas à l'original, non. Réinterpréter une œuvre, notamment lorsque cela touche à des notions si futuristes, peut être une bonne chose. Westworld l'a par exemple bien montré par rapport à Mondwest / Les rescapés du futur. Encore faut-il en avoir le talent. Ici, ce n'était clairement pas le cas.

Côté bande originale, on se demande pourquoi l'on est allé nous chercher Clint Mansell et Lorne Balfe vu le résultat. Les musiques qui devraient rythmer le film sont finalement assez plates et perdent tout le côté enivrant de ce qu'avait produit Kenji Kawai, même si elles semblent parfois s'en inspirer. Comble de la perfidie : la reprise du thème mythique, Making Of A Cyborg, après la scène de fin (une morale ridicule digne d'un film de fantasy pour ado).

Bref, Ghost in the Shell est sans doute un film à oublier avant même de l'avoir vu... que vous soyez ou non attachés à la licence au départ. Comme Lucy, s'il passe un soir sur TF1 et que vous vous ennuyez, vous pourrez vous infliger ce résultat. Vous ne passerez pas un mauvais moment, mais vous n'aurez pas vraiment de quoi nourrir votre esprit. Pour cela il vous reste l'œuvre originale, dont le Ghost a salement été piraté.

À l'heure où nous écrivons ces lignes, Ghost in the Shell a droit à une note de 3,5 chez Allociné, 5,9 chez Sens Critique et 6,9 chez IMDb.

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