Une sénatrice veut sanctionner pénalement les « fake news » sur Internet

Une vraie PPL
Droit 4 min
Une sénatrice veut sanctionner pénalement les « fake news » sur Internet
Crédits : Marc Rees (licence CC-BY-SA 3.0)

Il fallait s’y attendre : un parlementaire allait un jour ou l’autre s'attaquer à la propagation de fausses nouvelles sur Internet. Un sujet qui a rythmé l'actualité ces derniers mois. C'est la sénatrice Nathalie Goulet qui s'y colle. Elle nous explique sa proposition de loi pour définir et sanctionner les fausses nouvelles. Un texte diffusé ci-dessous.

« J’ai travaillé avec Me Dan Shefet, également expert à l’Unesco. Il m’a semblé qu’il y un trou dans la législation. La définition de fausses nouvelles est déjà condamnable dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse, mais elle n’est bien pas applicable aux nouveaux réseaux » commente la sénatrice. Elle pointe un doigt accusateur sur quelques exemples symptomatiques : Donald Trump, les nouvelles diffusées par des agences russes, le soi-disant attentat en Suède, etc.

15 000 euros d'amende, un an d'emprisonnement

Sa « PPL » veut ainsi condamner d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende la mise à disposition du public par voie numérique « de nouvelles fausses non accompagnées des réserves nécessaires ». Seules les diffusions numériques seraient sanctionnées, non les diffusions papier par exemple. Pour constituer l’infraction, il faudra encore que la publication soit « de nature à tromper et influencer directement le public à agir en conséquence et que sa mise à disposition a été faite de mauvaise foi ».

La mise à disposition est analysée de façon très large puisqu'elle concerne l'édition, la diffusion, la reproduction, le référencement ou n'importe quel autre moyen. Sites, blogs, moteurs, réseaux sociaux, comptes Twitter, tout Internet est visé. Rien de moins... 

Qu'est-ce qu'une nouvelle ?

Le texte sanctionne donc la fausse nouvelle, sachant que la nouvelle est définie comme « l'annonce de faits précis et circonstanciés, actuels ou passés faite à un public qui n'en a pas encore connaissance ».

L'infraction se veut très large, tapant sur l’ensemble des acteurs, même les moteurs ou les réseaux sociaux. Ceux-là seront présumés de mauvaise foi comme « l’éditeur, le diffuseur, le reproducteur » dès lors qu'ils maintiennent à disposition du public « des nouvelles fausses non accompagnées des réserves nécessaires pendant plus de trois jours à compter de la réception du signalement par un tiers de leur caractère faux ».

« Les gens ne croient que ce qui se passe sur les réseaux »

Trois jours pour retirer un contenu qualifié de « fake news » ? Selon la sénatrice, « chez Twitter, Facebook, Google et les autres, la vitesse de retrait est de 15 minutes. Il y a eu un progrès énorme, lié à la prise de conscience du caractère de vecteurs de ces nouveaux médias ».

Cette loi d'exception qui vise Internet compte ainsi écarter l'application de la loi sur l'économie numérique, pourtant encadrée par le droit européen. La PPL touche aussi à la liberté de la presse mais « en même temps, on est pris en tenailles avec la propagation de fausses nouvelles avec parfois des effets dramatiques comme l’annonce de viol par des migrants en Allemagne. Nous ne sommes plus du tout dans l’environnement médiatique d’il y a 10 ou 15 ans. Les gens ne croient que ce qui se passe sur les réseaux ».

Le quantum pourra être plus élevé encore – trois ans de prison, 75 000 euros d’amende – dans toute une série d’hypothèse : citons notamment lorsque l’infraction est constituée par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public. Même sort pour les agences ou les sociétés éditrices de presse. Ou tous ceux qui se prétendent l’être. Ou encore lorsqu’il est démontré que l’infraction a été réalisée « afin de percevoir des revenus publicitaires ».

Les peines sont même portées à cinq ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende lorsque l'infraction « est commise en bande organisée ».

Trois ans de prescription à compter du retrait du contenu

Le tour de vis vise également les règles de prescription. Le délai est porté à trois mois à compter du jour où la publication a été supprimée, ce qui peut s’étendre jusqu’à l’infini et au-delà lorsqu’un contenu reste en, ligne. Le délai débutera alternativement le jour où la personne poursuivie aura démenti les propos qualifiés de fausses nouvelles.

Plusieurs situations seront interruptives de prescriptions comme « la reprise ou la reproduction de la même nouvelle fausse par la personne poursuivie » ou encore « l’édition, la diffusion, la reproduction ou le référencement de mauvaise foi d’un lien, d’une note de bas de page ou d’une quelconque référence renvoyant vers la nouvelle fausse par la personne poursuivie ». Un simple retweet jugé de mauvaise foi permettrait donc de remettre le compteur à zéro.

Le texte prévoit enfin une série de peines complémentaires telles l'obligation d'accomplir un stage de citoyenneté ou l’interdiction des droits civiques. Les personnes morales déclarées responsables pénalement encourent également l’obligation de se soumettre au contrôle de l’Agence française anticorruption. Du côté des victimes, les entreprises de presse qui se sentiraient lésées pourraient aussi porter plainte avec constitution de partie civile ou se constituer partie civile afin d’obtenir réparation.

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