Le régulateur des télécoms, l'Arcep, propose une carte de couverture détaillée en Nouvelle-Aquitaine, avec prise en compte des appels et SMS en intérieur. Elle est disponible sur un site, monreseaumobile.fr, et en format ouvert. Un pas avant le passage à l'échelle nationale en fin d'année. L'Internet mobile, lui, devra encore attendre pour son détail.
Jeudi 21 mars, l'Arcep organisait un voyage à Bordeaux pour présenter ses cartes de couverture mobile détaillées, attendues de longue date et nous y a invité. Ces cartes sont à la fois proposées sur monreseaumobile.fr et en open data (sous forme vectorielle). Pour le moment, seule la Nouvelle-Aquitaine est concernée par le pilote, qui devra être suivi par un lancement national en septembre, si tout va bien.
Que ce soit les élus locaux ou les parlementaires, la pression publique est montée ces deux dernières années pour sortir des cartes « couvert ou non », sans idée de la qualité de service, qui ne semblaient plus convenir à grand monde. Les deux niveaux de couverture passent donc à quatre : inexistante, « limitée », « bonne » ou « très bonne », qui correspond aux appels et SMS de bonne qualité en intérieur.
Cette opération « cartes sur table », l’autorité des télécoms l'affiche comme l'aboutissement de deux ans de travail, permis par la loi Macron à l'été 2015, puis par la loi Numérique l'an dernier. Ce travail semble pourtant arriver bien tard, alors que le programme de couverture des zones blanches avance (toujours avec des retards) et que le ministère a lancé en décembre la plateforme France Mobile, pour que les élus puissent remonter des problèmes. Comme nous l'affirme Bercy, plus de 2 000 remontées ont été effectuées, pour environ 1 250 cas traitables chaque année.
Pour le régulateur, ce « choc de transparence » doit encourager l’investissement des opérateurs dans les réseaux. Il doit aussi apaiser les habitants des zones rurales, dont les élus se font l'écho. « Il y a dans les territoires ruraux une extrême sensibilité. C’est le lien le plus important, en l’absence de très haut débit et de services physiques de proximité » a rappelé le préfet Pierre Dartout.
Une carte interactive éditée par l'Arcep
Pourtant, si cette opération doit marquer un changement, c'est plutôt celui de culture au sein de l'autorité, peu habituée à s'adresser aussi largement au public. Monreseaumobile.fr propose ainsi une carte de couverture voix et SMS complétée sur la Nouvelle-Aquitaine, en agrégeant les autres données éditées par l'autorité, comme la couverture 3G et 4G par opérateur ou celle des principaux axes de transport.
L'outil s'appuie notamment sur des briques libres, comme Mapbox et Openstreetmap. Pour le moment, il se limite aux services voix et SMS fournis en 2G et 3G (voire 2G seule pour cette expérimentation). Il affiche la carte opérateur par opérateur, avec le placement des antennes pour chacun (sans les identifier précisément).
Résultat ? « Les opérateurs avec le plus d'antennes affichent la meilleure couverture » affirme simplement l'autorité, qui laisse aux internautes le soin de vérifier leur propre couverture. Notons que sur la 2G, Free Mobile affiche la même carte qu'Orange, qui lui loue son réseau via un accord d'itinérance.
Cette « liseuse » made in Arcep est surtout un premier pas. C'est aussi une vitrine pour ces données, pour le moment fournies par les opérateurs, que le régulateur doit encore vérifier. Leur utilité concrète pour des services tiers, elle, semble encore à construire, même si des pistes émergent déjà.
Des données ouvertes, qu'il reste à compléter
Le changement le plus important, même si difficile à voir, est que les données sont enfin fournies en formes vectorielles, superposables sur une carte. Il s'agit d'une modélisation théorique faite à partir de la position des antennes ; le régulateur parle d'ailleurs bien d'une « couverture simulée ». Une amélioration face aux simples taux de couverture par commune fournis jusqu'ici en open data (uniquement le pourcentage, pas la carte avec les zones couvertes ou non), dont l’Arcep reconnaît l’utilité limitée.
« Nous ne disposions pas de ces données précédemment. Nous avons décidé de les publier avant leur contrôle » nous indique l’autorité. Pour cette vérification, l'institution s'appuie sur QoSi, une société spécialisée derrière le service de crowdsourcing 4GMark. Elle doit mener des contrôles sur la moitié de la Nouvelle-Aquitaine dans les prochaines semaines, avec quatre voitures, dans un dispositif financé par les opérateurs.
Crédits : Guénaël Pépin (licence: CC by SA 4.0)
Ces dernières sont équipées d'un caisson dans le coffre, contenant de 4 à 36 smartphones, avec des antennes déportées sur le toit. L'objectif : 2 000 mesures pour calibrer le dispositif d'ici l'automne, dans une région « représentative » de la France. Les données obtenues seront comparées à celles des opérateurs, qui devront afficher au moins 95 % de fiabilité. Les mesures de QoSi ne seront par contre pas publiées séparément.
Ces nouvelles données doivent alimenter des services tiers, par exemple en combinaison des mesures de mobinautes effectuées par les nombreux services de crowdsourcing disponibles. Des secteurs comme l'immobilier et le tourisme pourraient aussi y trouver une réponse à certaines demandes récurrentes. L'Arcep ne contrôlera pas cette réutilisation, affirme-t-elle.
Le chantier de l'Internet mobile
Pour l'instant, la carte affiche uniquement deux niveaux de couverture pour l’Internet mobile : couvert ou non en 3G ou 4G. Le travail risque encore d'être long sur ce dossier, « compliqué » selon un agent de l'autorité. « Si pour la voix et les SMS, l’évaluation est assez simple, la mesure de la qualité de service pour Internet est plus difficile, notamment parce qu’il faut évaluer le débit disponible » détaille l'Arcep.
Les besoins correspondent plus à des mesures concrètes qu’à des modélisations depuis le nombre d’antennes et les fréquences disponibles, comme sur la voix et les SMS. Une piste explorée est donc celle du crowdsourcing, par exemple en complément de données agrégées ou mesurées par l'institution. Si le dossier doit avancer en fin d'année, la première carte de couverture détaillée pour l'Internet mobile devra sûrement encore attendre longtemps, même si des formes vectorielles sont déjà disponibles pour les données « couvert ou non ».
Une aide à la régulation
Ces nouvelles données sont aussi un point de départ pour un diagnostic plus précis. Ghislain Heude, directeur de la mission Très Haut Débit à Bercy, affirme qu'elles doivent alimenter le travail sur France Mobile, pour des remontées de problèmes de couverture. Sur les 2 000 cas remontés en trois mois, 47 concernaient d'ailleurs la Nouvelle-Aquitaine, avec une réponse promise d'ici mai.
Avec cet outil, la contribution des internautes reste bien limitée. Des signalements précis, par exemple par annotation de la carte, ne sont pas à l'ordre du jour. L'Arcep recommande simplement de passer par le formulaire de contact en cas de question.
En parallèle, le gendarme des télécoms vérifie sur le terrain si les trois opérateurs disposant de 4G en 800 MHz ont bien respecté leur obligation de 40 % de couverture de la population en zone peu denses en janvier. Bouygues Telecom, Orange et SFR assurent avoir atteint 50 %, après des retards l'an dernier. Les résultats doivent arriver avant l'été. Sur ce point, les nouvelles données devront aider à renforcer les obligations dans les prochaines enchères sur les fréquences, prévues pour 2019.