Free ne peut blacklister une société, même accusée de spam envers ses abonnés

Xavier, niet
Droit 4 min
Free ne peut blacklister une société, même accusée de spam envers ses abonnés
Crédits : flytosky11/iStock/Thinkstock

Sous couvert de lutte contre les spams, ces messages non sollicités qui empoisonnent la vie des internautes, la justice vient de rappeler que tout et n’importe quoi ne peut être fait. C’est (peut-être) ce que retiendra Free, qui avait bloqué les serveurs de la société Buzzee, sans autorisation.  

Agacée par une pluie de messages non sollicités visant ses abonnés, Free avait décidé manu militari de bloquer les serveurs de messagerie de l’entreprise Buzzee (IP de 80.239.174.128 à 80.239.174.191). Une entreprise spécialisée dans les logiciels de courriers, téléphonie, fax, etc. Résultat des courses ? Celle-ci ne pouvait plus adresser d’emails vers des courriers [abonné]@free.fr

Le bras de fer engagé en 2015 n’ayant pas trouvé d’issue heureuse, c’est la justice qui s’est chargée de trancher. En 2016, le président du tribunal de commerce de Paris avait déjà donné gain de cause à la répudiée, enjoignant le FAI à débloquer ces serveurs sous astreintes. Seule contrariété, il n’accordait aucun centime de dommages et intérêts faute pour Buzzee d’avoir justifié son préjudice. Free fit appel de cette décision dont l'arrêt est diffusé par Legalis.net.

La guerre de Free contre le spam

Devant la cour d’appel de Paris, Free a refait valoir qu’en tant qu’opérateur de communications électroniques, elle serait tenue à ce genre de réaction, en raison de l’article D 98-4 du code des postes et communications électroniques qui oblige les FAI à une obligation de permanence, de qualité et de disponibilité du réseau et du service.

Toujours selon Free, « les spams, qui représentent 85 à 95 % du volume des courriers électroniques circulant sur les réseaux, menacent la sécurité de ceux-ci en ce qu’ils sont susceptibles de compromettre, de saturer ou à tout le moins de dégrader les serveurs des opérateurs ». Ils sont en outre vecteurs de virus, etc.

Toujours le doigt pointé sur Buzzee, l’opérateur considère que celle-ci viole en outre les règles de prospection commerciale par voie électronique. L’entreprise chère à Xavier Niel relève que des internautes se plaignent de ce prestataire sur les forums. Enfin, l’adresse électronique de la société Buzzee est « blacklistée en tant qu’émettrice de Spams par la liste de SORBS (Spam and Open Relay Blocking System), fichier de lutte anti spam existant depuis 2002 ».

Buzzee dénonce un blocage arbitraire

Dans le camp d’en face, Buzzee conteste être une machine à spams. Elle rétorque que Free « n’apporte aucun élément sérieux de nature à justifier le blocage “abusif et arbitraire” qui lui a été infligé ». Elle ajoute que par ce blocage, Free lui a empêché d’adresser les codes de confirmation à ses clients professionnels. « Cela empêche également la société Buzzee de répondre aux questions posées par les utilisateurs adressées à ses services techniques ou commerciaux ou d’informer les clients des nouvelles fonctionnalités des produits et de leur adresser des factures numériques. »

Neutralité vs sécurité

La Cour d’appel aura eu beau lire et relire le Code des postes et des télécommunications : aucun texte n’envisage de « blocage complet de serveurs ou d’adresses IP selon des critères et une durée définis par le seul distributeur ». Or, ici, Free a fixé seul « les conditions de levée de la mesure qu’elle impose à la société Buzzee ». Selon les juges, « autoriser une telle pratique reviendrait à méconnaître le principe de neutralité qui s’impose au fournisseur d’accès ».

À Free qui considérait en outre que l’article L 34-5 du Code l’obligeait à la collecte déloyale de données personnelles puis l’envoi de spam, la Cour lui rappelle au contraire que ces mesures relèvent de la seule CNIL et des juridictions. Sans injonction particulière, ce blocage constitue « un trouble manifestement illicite ».

L’ordonnance confirmée

L’ordonnance sera ainsi confirmée en tout point : Free a l’obligation de lever ce blocage dans les 15 jours sous astreinte de 5 000 € par jour de retard (pendant une durée provisoire de 30 jours, avant éventuelle nouvelle décision). Buzzee est une nouvelle fois déboutée de sa demande de dommages et intérêts faute d’avoir justifié le quantum du préjudice allégué. Free échoue à voir Buzzee interdite d’adresser des courriels non sollicités à ses abonnés. Enfin, le FAI est condamné à verser 2 500 euros au titre des frais de justice.

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