Elu président, Emmanuel Macron maintiendra l’état urgence si la question de la sécurité des citoyens justifie cette situation exceptionnelle. Cependant, celui-ci admet ne disposer d’aucune perception des risques effectifs, oubliant les chiffres diffusés par le site de l’Assemblée nationale.
Hier, au Journal de France 2, Emmanuel Macron a soutenu que « l’état d’urgence doit être maintenu aujourd'hui, et il ne peut être levé qu’à la lumière d’informations dont ni vous ni moi ne disposons ». Un sujet abordé alors qu'était évoqué l’agression d’une militaire à Orly samedi.
Selon le candidat En Marche, « l’état d’urgence, c’est dans l’état de droit des circonstances particulières qui justifient d’utiliser des moyens de police, des moyens administratifs pour protéger nos concitoyens. Il faut, pour le maintenir, avoir une juste perception des risques effectifs. Aujourd’hui, je n’ai pas les dernières connaissances, ce sont les services qui les ont. »
Sur Twitter, une petite couche plus explicite a été rajoutée par le compte officiel : « aussi longtemps que la sécurité de nos concitoyens le justifie, il convient de maintenir l’état d’urgence ».
Macron de novembre 2016 vs Macron de mars 2017
Une posture qui tranche avec ce qu'il annonçait dans son ouvrage Révolution, paru en novembre dernier : si l’état d’urgence était jugé « indispensable au lendemain des attentats », puisqu'il a « permis que des mesures immédiates soient prises dans des conditions qui n’auraient pas été réunies sous un autre régime de droit », son auteur considérait alors que « sa prolongation sans fin, chacun le sait, pose plus de questions qu’elle ne résout de problèmes ».
Il ajoutait d’ailleurs que « nous ne pouvons pas vivre en permanence dans un régime d’exception. Il faut donc revenir au droit commun, tel qu’il a été renforcé par le législateur et agir avec les bons instruments. Nous avons tout l’appareil législatif permettant de répondre, dans la durée, à la situation qui est la nôtre ».
Certes Macron ne dispose pas des éléments en possession des services du renseignement pour décider aujourd’hui s’il est opportun de poursuivre cet état exceptionnel. Mais quelques indices peuvent néanmoins être trouvés sur le site de l’Assemblée nationale.
Les derniers chiffres de l'état d'urgence
Depuis le 22 décembre 2016, selon le ministère de la Justice, il y a eu 17 perquisitions administratives avec, à la clef, une seule procédure judiciaire. En tout, ont été dénombrées cinq perquisitions informatiques et sept infractions, pas nécessairement en lien avec le terrorisme. Surtout, il n’y a eu aucune poursuite engagée et aucune peine prononcée sur le stock existant. Plus exactement, la seule peine prononcée est périmétrique. Elle concerne le non-respect des mesures de l’état d’urgence (telle une mesure d’assignation à résidence non suivie par le principal concerné).
De son côté, le ministre de l’Intérieur a dénombré 76 assignations en vigueur, 65 perquisitions, 30 interdictions de séjour, mais aucune remise d’armes par exemple. On est bien loin des plusieurs centaines de cas relevés juste après les attentats de novembre 2015...
Voilà pourquoi la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, prenant appui sur de récentes déclarations de Jean-Jacques Urvoas, le ministre de la Justice, outre la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le sujet, a suggéré à l'actuel chef de l'État de « ne pas reporter sur son successeur la responsabilité de décréter la levée de l’état d’urgence, [et] d’assurer le retour plein et entier de l’État de droit ». La CNCDH estime en effet que « la levée de l’état d’urgence ne saurait être assimilée à une simple option politique ; elle constitue une exigence démocratique intangible ».