Plus de 50 entreprises américaines du numérique s'opposent en justice à un second décret présidentiel, interdisant l'entrée aux Etats-Unis aux ressortissants de plusieurs pays. Ce recours a donné lieu hier à une suspension de la mesure, avant un débat sur le fond juridique du texte.
La course à l'armement légal autour de l'immigration se poursuit aux États-Unis. Le 6 mars, Donald Trump a signé un second décret présidentiel, après le blocage du premier début février. Son but : colmater les brèches légales d'un texte censé empêcher les ressortissants de plusieurs pays à majorité musulmane d'entrer sur le territoire américain. Si l'interdiction était temporaire pour six pays, elle était permanente pour la Syrie.
Ce second décret apporte donc des ajustements, notamment pour ne plus bloquer les personnes disposant d'un visa américain au moment de la signature du premier texte, fin janvier, et ceux déjà acceptés comme réfugiés par le pays. Ce « Muslim ban 2.0 », comme l'appellent ses opposants, ne s'est pas plus attiré les faveurs du secteur technologique que son prédécesseur.
Une fronde de Mozilla puis de dizaines d'entreprises du secteur
Dès le 6 mars, Mozilla s'est fendu d'un communiqué, déclarant que cette nouvelle mouture « échoue fondamentalement à régler les problèmes que nous avions avec le précédent décret ». Il irait toujours à l'encontre des intérêts des États-Unis, de Mozilla et de la santé d'Internet.
Le 14 mars, avant-hier, ce sont plus de 50 sociétés qui ont rempli un amicus pour un recours suspensif contre le nouveau décret. Publié par Wikimedia, il a entre autres été signé par Airbnb, Dropbox, Electronic Arts, Imgur, TripAdvisor ou encore l'incubateur Y Combinator.
La suspension a été acceptée par une cour fédérale de Hawai hier, à la grande joie de la fondation Wikimedia. « Nous sommes heureux de l'issue de cette audition, et sommes dans l'attente des prochaines procédures, avec l'analyse fine du décret présidentiel par la justice » indique-t-elle dans un billet de blog.
Des intérêts, des valeurs et une image à protéger
La rapidité de l'opposition à ce second décret rappelle la vive réaction des 130 entreprises et organisations du secteur technologique américain face au premier. Signé fin janvier, il avait été suspendu par un juge de Washington, empêchant le renforcement des mesures aux frontières. La procédure est tombée avec l'arrivée de sa version « 2.0 ». Au-delà de ces entités, des organisations comme l'Internet Engineering Task Force (IETF), s'étaient prononcées contre le texte, brisant leur silence habituel en matière politique.
Il faut dire qu'un bannissement quasi-indiscriminé des musulmans à l'entrée des États-Unis cadre peu avec les intérêts et la philosophie affichée du secteur technologique. L'initiative des 130 entreprises n'en a pas vraiment été une, en fait. Cette opposition a suivi une semaine de critiques par la presse américaine et de nombreux activistes, alors que l'idée d'un Internet mondial et la vision des technologies comme ouvrant les frontières sont des fondements de l'industrie technologique, outre-Atlantique.
Des professions de foi, telle celle de Mark Zuckerberg qui décrit longuement Facebook comme la future infrastructure globale de l'humanité, en sont la preuve. Avec ce second décret, les groupes technologiques et leurs départements juridiques ont donc pris le devant des critiques, avec une première victoire via ce recours suspensif. Comme l'indique Wikimedia, il reste encore à déterminer le résultat d'une analyse juridique plus en profondeur.