Après des années d’attente, plusieurs actions en justice de Bouygues Télécom et Free, une sanction du Conseil d’État pour faute, l’exécutif publie enfin le décret Hadopi organisant la compensation des FAI. La mesure n’est cependant pas encore applicable, faute d'arrêté.
Depuis le cri primal des lois Hadopi de 2009, les FAI sont tenus de travailler à l’œil : contraints d’identifier les millions d’adresses IP glanées par les représentants des ayants droit et transmises par la Haute autorité, sans pouvoir prétendre au moindre centime de compensation.
Le législateur a certes prévu leur indemnisation pour ces missions étrangères à leur activité commerciale, mais les gouvernements successifs ont tous rechigné à publier le décret qui devait la mettre en œuvre.
Le 23 décembre 2015, saisi par Bouygues Télécom, le Conseil d’État condamnait l’État pour faute dans le retard de la publication de ce texte d’application. Il l’enjoignait à publier ce texte dans les six mois.
Trois postes budgétaires indemnisés
Ce matin, au Journal officiel, c’en est fini de l’interminable attente. Le décret organisant cette compensation a été publié. On y retrouve les éléments révélés par Next INpact en janvier dernier. Désormais, les FAI vont pouvoir prétendre réglementairement au remboursement des « surcoûts identifiables et spécifiques » pour permettre l’identification des wagons d’IP transmis chaque jour par la Commission de protection des droits.
Trois postes budgétaires pourront faire l’objet d’un tel remboursement :
- « Les surcoûts liés à la conception et au déploiement des systèmes d'information ou, le cas échéant, à leur adaptation, nécessaires au traitement des demandes d'identification des abonnés »
- « Les surcoûts liés au fonctionnement et à la maintenance des systèmes d'information nécessaires au traitement des demandes d'identification des abonnés »
- « Les surcoûts de personnel liés au traitement des demandes d'identification des abonnés. »
Le décret a été calibré pour éviter tout emballement. Il y a en effet une grande nouveauté : c’est désormais la Hadopi qui prend en charge ces remboursements. Son budget 2017 a d’ailleurs été rallongé de 500 000 euros pour couvrir en partie cette évolution comptable.
Ainsi, hors frais de personnel, les FAI ne pourront prétendre au moindre centime de la part de la Hadopi lorsque le matériel utilisé est le même « que celui utilisé pour répondre à des demandes émanant d'autres autorités publiques ou judiciaires » et qu’il a déjà été compensé par l’État.
Dans l'attente de l'arrêté fixant le tarif
Le remboursement est surtout conditionné à la publication prochaine d’un arrêté fixant le tarif de leur indemnisation. Ce tarif sera déterminé soit au réel soit au forfait s’agissant des demandes d’identification de masse dont est si friande la Hadopi.
Le projet de grille dévoilé début 2017 a prévu un forfait annuel de 80 000 euros pour la partie matériels/systèmes d’information. S'agissant des dépenses de personnels, le montant diffère selon le type de traitement : 160 euros pour chaque traitement de masse et 18 euros pour les traitements individuels.
La publication de ces textes ne résout pas tout. Les FAI peuvent prétendre au remboursement du passif pour la période 2010 à 2017. Bouygues a déjà touché 900 000 euros pour couvrir une partie de ses frais. Free est sur les rails. Les autres devraient suivre, sauf surprise.