Android : l'Open Internet Project nous parle de sa plainte contre Google en Europe

Une nouvelle pièce dans la machine
Droit 6 min
Android : l'Open Internet Project nous parle de sa plainte contre Google en Europe
Crédits : juniorbeep/iStock

L'OIP, un groupement d'entreprises européennes, ouvre un nouveau front contre Google. Ce dernier est accusé par ces sociétés et la Commission européenne d'abus de position dominante sur Android. Un an après la communication des griefs par la Commission, l'OIP milite pour des mesures conservatoires, en faisant évoluer le droit européen.

L'annonce est tombée hier après-midi. L'Open Internet Project (OIP), une association d'entreprises européennes du numérique, attaque à nouveau Google au niveau européen. Le 6 mars, elle a déposé une nouvelle plainte devant la Commission européenne. L'objet : la domination de Google sur les systèmes mobiles et son usage pour « verrouiller » plusieurs marchés, dont celui de la recherche.

Qwant, l'un des principaux membres de l'OIP, est d'ailleurs très actif sur le sujet. Il a récemment lancé une application mobile, mais s'agace toujours des difficultés à être intégré par défaut sur Android. « On pensait réellement que Google avait changé sa politique. Ils ont annoncé que changer le moteur de recherche par défaut serait possible avec Android 7.0. Ce n'est pas encore possible selon nos tests. Ils gagnent simplement du temps » nous affirme Éric Léandri, cofondateur de Qwant et coprésident de l'OIP.

Une plainte avec des arguments bien connus

Cette plainte prend l'argumentaire déroulé par Margrethe Vestager en avril 2016, après un an d'enquête. La commissaire européenne à la concurrence accusait Google d'abus de position dominante, en s'appuyant sur ses Google Play Services. Il s'agit de l'ensemble des services du groupe (Chrome, Gmail, Play...) fournis sous conditions aux fabricants. Par exemple, ceux-ci ne peuvent pas commercialiser de fork d'Android et sont financièrement incités à ne préinstaller que le moteur de recherche maison.« Les grands opérateurs et fabricants de téléphones veulent tous des alternatives, pour la vie privée ou mettre en œuvre leur propre suite » nous déclare encore Éric Léandri.

Ces griefs, l'Open Internet Project les reprend donc à son compte, nous affirmant l'avoir déjà développé face à la Commission. Selon l'association, Google « requiert » l'utilisation de son moteur de recherche, notamment dans le navigateur par défaut, Chrome. Cette politique « crée d'importantes barrières à l'entrée pour les développeurs et services de recherche concurrents » argue le groupe, qui ne publie pas sa plainte. L'OIP demande donc que la Commission interdise à Google de poursuivre ses pratiques abusives, pour encourager un environnement ouvert et compétitif.

Pour l'OIP, le groupe américain s'est construit une domination sans partage sur mobile. Cette plainte « ajoute une nouvelle perspective et maintient stratégiquement la pression, en montrant que ces affaires ne sont ni bouclées, ni oubliées » affirme à TechCrunch Thomas Hoppner, le conseiller juridique de l'association.

Pour Google, il n'y a pas de position dominante

Google avait répondu en novembre, affirmant ne pas verrouiller le marché et mettant en avant la transition régulière des consommateurs entre les systèmes. Le groupe californien ne répondait pas, dans le détail, sur ce qu'il impose à ses partenaires, ni sur les conséquences pour le marché. L'entreprise déclarait avant tout que l'analyse de la Commission était erronée, Android permettant à de très nombreux développeurs de vivre et la mobilité entre les terminaux et systèmes étant une réalité.

Il n'était ainsi pas question de déterminer s'il est vrai que l'immense majorité des smartphones européens sont sous Android, ni de savoir quelle part est équipée des Play Services. Google insiste notamment sur le fait qu'il n'y a pas d'interdiction d'installer un autre moteur de recherche... Mais bien une forte incitation financière pour que Google soit le seul moteur fourni par défaut. Une incitation à la portée de moteurs concurrents.

La société ne semble pas encore avoir de réponse à fournir sur la nouvelle plainte de l'OIP, révélée il y a à peine une journée.

Des dossiers qui avanceraient trop lentement

L'OIP profite de cette nouvelle offensive pour rappeler les autres dossiers au bon souvenir du public. Il s'agit en premier lieu de sa plainte dans le dossier Google Shopping, dont l'instruction dure depuis plusieurs années. En 2014, le groupement demandait le démantèlement de la société américaine, pour qu'elle cesse la mise en avant excessive de son comparateur de prix, au détriment de la concurrence. Une demande qui n'est plus à l'ordre du jour.

Désormais, l'organisation s'alarme ouvertement de « tactiques dilatoires de Google dans l'enquête en cours », notamment en réfutant des preuves flagrantes de ses pratiques. Il demande donc des mesures conservatoires, à même d'équilibrer le marché, avant la conclusion des enquêtes. Ce discours tranche avec celui tenu l'an dernier, quand l'OIP louait la détermination de Margrethe Vestager sur ces dossiers, en contraste avec son prédécesseur, Joaquin Almunia.

Margrethe Vestager « est plutôt toujours à fond » juge l’OIP, qui veut faire évoluer le droit autour des mesures conservatoires. Mises en place en 2003, elles n’auraient jamais pu être appliquées. La raison : il faut donner la preuve de dégâts irréparables pour d’autres entreprises. « C’est un standard inatteignable » s’agace Leonidas Kalogeropoulos, délégué général de l’organisation. Pour eux, cette condition doit disparaitre ; un discours qui serait déjà entendu de certains politiques et que l’OIP veut appuyer en cette période d’élection.

Tant qu'il n'y aura pas de mesure conservatoire, l'intérêt de Google sera de faire durer la procédure, juge l'OIP. « On perd du temps et ça peut durer des années... Alors que le temps est l'ennemi de la concurrence » avance Kalogeropoulos. « Sur le Shopping, Google avance une défense absurde. Pourtant, quand on a des dizaines de passes d'argumentation, avec procédure contradictoire, cela devient interminable. Il suffit d'envoyer un argumentaire de 300 pages tous les six mois et vous êtes tranquilles » poursuit-il.

Une plainte pour valider le rapprochement avec l'ICOMP

Google est sous un feu constant d'attaques de concurrents dans l'Union européenne. D'autres groupements, comme Fairsearch, se sont fait un nom en attaquant l'entreprise devant les autorités. L'OIP continue d'ailleurs d'évoluer. Il annonce l'arrivée d'une vingtaine de nouveaux membres, venus de l'ICOMP (Initiative pour un marché concurrentiel équilibré).

La plainte sur Android a servi de ciment pour l'union des deux organisations. « Cela achève l'élargissement et vérifie que tous les membres sont favorables au dépôt de cette plainte. Ils ne sont pas que dans la recherche, mais aussi dans l'audiovisuel, la restauration ou le sport. Ils ne veulent pas être pieds et poings liés par un acteur monopolistique, Google » lance Léandri.

Début 2016, l'Open Internet Project nous affirmait vouloir aller au-delà du cas de Google, pour afficher une défense plus vaste de l'écosystème Internet européen. Pourtant, plus d'un an plus tard, c'est bien encore le géant publicitaire qui occupe le plus l'équipe. 

« Si Google a des pratiques normales et que le marché est ouvert, il n'y a pas de problème. Aujourd'hui, je développe une application alors que je préfèrerais être intégré aux navigateurs mobiles » répond Léandri. « Nous sommes vigilants sur la totalité des GAFA. D'autres pratiques pourront nous intéresser dans le courant de l'année, comme les noms de domaine dans le secteur du tourisme ou encore la fiscalité » appuie Kalogeropoulos.

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