Plusieurs députés ont questionné Bercy pour connaitre son avis sur un élargissement de l’assiette de la « redevance TV » (ou CAP, contribution à l’audiovisuelle publique). Celui-ci vient de répondre en décrivant l’ensemble des scénarios possibles, avantages et défauts inclus.
Alors que les usages évoluent, migrant de la télévision à Internet, l’audiovisuel public est confronté au risque d’une lente érosion de l’assiette d’assujettissement. Dans une réponse parlementaire, le ministère de l’Économie indique cependant que ce sens de l’Histoire ne s'est pas encore manifesté : « le nombre de foyers redevables continue de progresser (+0,68 % en 2015), bien qu'à un rythme ralenti par rapport aux années précédentes (+1,1 % en 2012, +0,96 % en 2013 et +0,75 % en 2014) ».
Cependant, aux parlementaires qui suggèrent fortement d’étendre la redevance aux foyers consommant du flux audiovisuel public sur d’autres écrans que la télévision, le même ministère est quelque peu gêné : cet élargissement « ne serait pas compatible avec l'engagement du gouvernement à maîtriser la fiscalité directe pesant sur les ménages ». Concrètement, trois scénarios sont envisageables pour réformer cette assiette, « chacun présentant des avantages et des inconvénients ».
L'extension aux nouveaux écrans
D’abord, l’extension aux nouveaux écrans comme les tablettes, les ordinateurs ou les smartphones. « Le nombre de nouveaux assujettis serait au maximum de 1,26 million, soit le nombre de foyers déclarant ne pas avoir de téléviseur actuellement » calcule Bercy.
Un avantage : « la neutralité technologique de la CAP ». Mais deux inconvénients : d’une part, « elle pourrait pénaliser les jeunes ». D’autre part, il y aurait « un risque de contentieux et de fraude accru ». Pourquoi ? il tiendrait à la « difficulté technique qu'il peut y avoir à définir les appareils entrant dans l'assiette et à assurer les contrôles ».
Transformer la redevance en une surtaxe de la taxe d'habitation
Ensuite, on pourrait transformer la redevance TV « en surtaxe de la taxe d'habitation, payée par tous les foyers qu'ils possèdent ou non un appareil récepteur de télévision ». Une idée juteuse, puisque le rendement serait supérieur à celui de la première option, « notamment si les résidences secondaires étaient concernées ».
Plus brutal, ce chantier entrainerait au surplus « une diminution de la fraude et des contentieux ainsi que des frais de gestion supportés par l'administration fiscale ». Pour faire passer la pilule, il suffirait alors de baisser les taux, « ce qui pourrait faciliter son acceptation ». Le fameux consentement à l'impôt...
Mais là encore, un inconvénient : la crainte est que la CAP puisse être requalifiée en prélèvement obligatoire par l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), noircissant davantage encore la façade française.
Augmenter la TST-D
Enfin, dernière idée : « remplacer progressivement la CAP par une augmentation de la fiscalité sur la consommation (TVA ou taxe sur les services de télévision due par les distributeurs de services de télévision (TST-D), c'est-à-dire les fournisseurs d'accès à Internet) ».
Inconvénients de cette taxe affectée au CNC : « d'importants effets redistributifs » outre « des conséquences sur le financement du soutien au cinéma ». Et pour cause, « les montants concernés étant en outre déséquilibrés (la TST-D représente un rendement de 230 M€ contre 3,5 milliards d'euros pour la CAP ».
Bref, aucune des pistes ne présente d’avantages non accompagnés d’inconvénients. À l’heure du bilan à quelques encablures du grand rendez-vous électoral, le gouvernement a préféré justifier ses choix mis en œuvre notamment lors des deux dernières lois de finances.
Le choix gouvernemental
Si depuis 2016, le robinet des dotations publiques a été fermé dans le budget général, laissant au bord de la baignoire seul celui des ressources affectées, la stratégie a été d’augmenter très légèrement la contribution à l'audiovisuel public (CAP). Voire à limiter cette hausse à la seule inflation.
Finalement, la seule vraie bouée de secours fut de mettre un coup d’accélérateur sur la taxe Copé ou taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE). La part de cette ponction affectée à France Télévision a ainsi « été augmentée à due concurrence » : de 140,5 millions d’euros en 2016 à 166 millions d'euros en 2017.
Au total, l’audiovisuel a grimpé de 63 millions d'euros, inflation comprise. L’exécutif n’y voit que du bon : une telle hausse « permet en particulier, un soutien renforcé à la création, au rayonnement culturel de la France à l'international, ainsi qu'un accompagnement des acteurs à la révolution numérique et aux nouveaux modes d'accès aux services audiovisuels, notamment en matière d'information ».
Seul détail. Frappé d’amnésie, Bercy a oublié de rappeler (derrière ce tour de passe-passe) les critiques des contributeurs, les Bouygues Telecom, Orange, SFR et Free qui, fin 2016, en plein débat sur le projet de loi de finances, avait une nouvelle fois dénoncé cette stratégie. « Alors que cette taxe avait déjà été augmentée de 44% il y a moins d’un an les opérateurs seraient à nouveau mis à contribution pour financer France Télévisions au détriment des priorités fixées par le gouvernement en matière d’aménagement numérique des territoires. »
Calculette en main, ils avaient déterminé que depuis l’instauration de la TOCE en 2009, le total « représente l’équivalent de 3,8 millions de prises en fibre optique ou d’environ 18 000 installations d’antennes 4G ».