MWC 2017 : derrière la manipulation de Samsung, la question des « Awards »

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MWC 2017 : derrière la manipulation de Samsung, la question des « Awards »
Crédits : Wavebreakmedia Ltd/Thinkstock

Samsung a décidé de publier un communiqué afin de se vanter du fait que le Galaxy S7 Edge avait été reconnu comme meilleur smartphone lors du MWC 2017. Problème, cela concernait les modèles sortis en... 2016. Une tromperie qui remet sur le devant de la scène les pratiques autour des « Awards »

Hier, Samsung a diffusé un communiqué de presse qui a fait parler de lui : « Le Samsung Galaxy S7 Edge nommé meilleur smartphone au MWC 2017 ». Les plus attentifs auront rapidement compris qu'il y avait un problème dans cette titraille, la gamme S7 ayant été lancée en 2016. 

Quelques mots peuvent faire toute la différence

Mais voilà, Samsung n'a pas lancé son Galaxy S8 lors de cette édition du MWC, juste annoncé qu'un évènement était prévu pour le 29 mars, sans doute afin de le dévoiler. L'équipe en charge de la communication s'est donc dit qu'il fallait trouver un biais afin de tout de même se vanter d'avoir le meilleur smartphone.

Ce biais se retrouve dans la première phrase du communiqué de presse : « Samsung Electronics annonce aujourd'hui que le Galaxy S7 Edge a été reconnu par la GSMA comme le « Meilleur Smartphone 2016 » dans la catégorie des meilleurs appareils mobiles lors de l'édition annuelle des Global Mobile Awards au Mobile World Congress 2017 ».

En retirant quelques mots de cette phrase, Samsung a donc cherché à donner un destin un peu différent à l'information qu'elle contient. De quoi émouvoir (à raison) certains de nos confrères en ces temps de critique des « Fake news ». Ce fût notamment le cas de TechCrunch.

Samsung Award Fake News

Communication, propagande et rôle de l'information

Nous ne reviendrons pas ici sur le rôle de propagande jouée par la communication d'une marque et dans quelle mesure elle se doit d'être en phase avec la réalité. Certaines savent vanter leurs produits de manière relativement honnête, accepter la critique, reconnaître leurs erreurs, d'autres non. C'est malheureux, mais c'est ainsi.

Et même si dans des temps troublés comme celui que vit actuellement le domaine de l'information, certains ont la faiblesse de penser que le rôle d'un média est d'accompagner les marques afin de les aider à captiver leur audience, ce n'est pas le cas de la presse. L'un de ses rôles essentiels reste de trier le vrai du faux dans la communication, et de donner à ses lecteurs les clefs pour mieux comprendre les choses et faire ses choix. 

Dès lors, on se demande bien ce qui a pu passer par la tête de Samsung et de tous ceux qui ont validé la mise en ligne d'un tel communiqué de presse. Ou tout du moins, de ce communiqué avec un tel titre. Espérons d'ailleurs que cela changera rapidement, et que la marque s'en excusera.

Les « Awards » de salon, un air de loterie pour une pratique lucrative

Mais derrière cet imbroglio malheureux, se pose une question qui revient de salons en salons (mais aussi de tests en tests) : celui des « Awards ». Ces récompenses qui plaisent aux constructeurs qui adorent les afficher ont-elles encore un sens ?

Il faut ici distinguer différentes catégories d'Awards. Ceux délivrés dans les salons répondent en général à un cahier des charges et à un fonctionnement assez précis, et sont le reflet du choix d'un jury. Si la composition de ce dernier peut parfois jouer sur les choix et les tendances, leur probité ne peut en général pas être remise en question.

Reste bien entendu quelques biais qui permettent à certains de s'assurer (ou presque) de pouvoir obtenir une récompense comme la multiplication à outrance des catégories (quel produit ne peut pas trouver une niche pour avoir un trophée au CES ?) ou le fait que la participation à une sélection se monnaie.

Ainsi, comme au loto, payer ne vous assure pas de gagner, mais si vous ne le faites pas, vous n'obtiendrez rien par magie. De quoi filtrer la concurrence et augmenter les chances de gain. C'est pour cela que vous voyez chaque année des centaines de constructeurs arborer des trophées lors de ces salons et, autant le dire, certains n'ont vraiment aucun sens.

On ne peut ainsi que plaider pour leur réduction drastique, et une concentration sur l'innovation réelle et des acteurs qui émergent, plutôt que d'attribuer à Samsung une énième récompense qui ne sert qu'à flatter l'égo des équipes et donner du travail à ceux qui écrivent des communiqués.

Mais voilà, cela ne devrait pas arriver de sitôt, tant cette pratique « fonctionne » et s'avère lucrative.

Awards attribués par les médias : récompense ou opération publicitaire ?

Elle est d'ailleurs si efficace économiquement, qu'elle a inspiré d'autres acteurs. Ainsi, depuis quelques années on voit des médias, sites ou même blogs distribuer eux aussi des récompenses dès les premiers jours d'un salon.

Parfois il s'agit simplement de saluer de bons produits et de gagner en visibilité auprès des marques (qui sont aussi des annonceurs, ne l'oublions pas). Mais dans certains cas, cela correspond à une stratégie bien plus organisée, en phase avec des objectifs publicitaires. Elle n'est d'ailleurs pas sans faire penser aux récompenses de fin d'année.

Il y a quelques années, un constructeur nous racontait ainsi comment, participant à une nouvelle cérémonie de remise des prix, il s'était vu attribuer une facture avec son trophée. Le deal était le suivant : gagner l'Award était gratuit, mais pour l'annoncer ou l'exposer, il fallait passer à la caisse.

Rare il y a encore 4 ou 5 ans, cette méthode est presque devenue la norme pour certains médias qui financent ainsi leur participation aux salons (lorsqu'ils ne sont pas invités par telle ou telle marque sans vraiment s'en vanter).

Dans le domaine des nouvelles technologies, et plus spécialement du hardware, elle est d'ailleurs le reflet d'une pratique plus ancienne puisque constructeurs et médias sont habitués à se récompenser mutuellement autour des « awards » délivrés en fin d'article, lors de la publication de tests.

Dans certains pays, ces derniers font même partie de la négociation publicitaire, les fabricants taïwanais étant particulièrement friands de ces récompenses. Avant d'avoir des objectifs sur le nombre de vues sur YouTube ou de fans sur Facebook, les bureaux locaux des marques avaient d'ailleurs parfois des objectifs en termes de récompenses. De quoi les inciter à pousser les sites à leur en fournir à tout prix. 

Une pratique à stopper, ou à rendre plus transparente

Certes, la rémunération lors de l'attribution de trophées divers et variés n'est pas systématique, et certains médias jouent leur rôle en les distribuant sur des critères purement éditoriaux. Mais ce n'est pas toujours le cas, et pour le lecteur il est impossible de faire la différence.

Ainsi, ne faudrait-il pas plutôt y mettre fin, ou tout simplement détailler systématiquement de manière claire les règles qui conduisent à l'attribution d'une telle récompense ? La question se pose depuis des années, certains ayant décidé de ne pas ou plus attribuer de distinctions pour s'éviter ces questions (c'est notre cas).

Mais elle ne semble pour le moment pas trouver de réponse globale et satisfaisante. Comme souvent dans pareille situation, c'est aux médias de prendre leurs responsabilités et à leurs lecteurs de leurs demander des comptes. Les marques, elles, finiront bien par s'adapter.

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