Le calcul des délais de prescription en matière de diffamation est source de contentieux devant les juridictions. La Cour de cassation vient récemment de considérer que la réactivation d’un site aux contenus fleuris rouvrait la possibilité d’agir contre leur auteur dans le délai de 3 mois.
Une personne avait été condamnée en juin 2013 pour son site stopauxarnaquesdessyndics.com. La société Atrium Gestion avait réussi en effet à démontrer que les propos mis en ligne les 1er, 7 et 9 décembre 2010 étaient diffamatoires.
Le site avait été désactivé fin 2012, avant d’être réactivé le 3 avril 2013. La société porta à nouveau plainte avec constitution de partie civile le 29 mai 2013, soit dans le délai de prescription de trois mois. Elle visait les mêmes propos que ceux ayant entraîné la condamnation, et pour cause : ils se trouvaient toujours en ligne.
L’affaire est remontée à la Cour de cassation. La question vise à savoir si cette remise en ligne relance ou non la prescription prévue par la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
Remettre en ligne un site est une nouvelle publication
Dans son arrêt rendu le 7 février 2017, pointé par Légalis, la haute juridiction a jugé que « toute reproduction, dans un écrit rendu public, d'un texte déjà publié, est constitutive d'une publication nouvelle dudit texte, qui fait courir un nouveau délai de prescription ». Et constitue également une reproduction « une nouvelle mise à disposition du public, d'un contenu précédemment mis en ligne sur un site internet dont le titulaire a volontairement réactivé ledit site sur le réseau internet ».
En conséquence, les juges du fond ne pouvaient considérer que « l'opération de réactivation du site stopauxarnaquesdessyndics.com n'a pas constitué un nouvel acte de publication »
Les trois mois de prescription et ses brèches
Fin 2016, la Cour de cassation avait également posé qu’un lien hypertexte vers un ancien article, faisait à nouveau courir le délai de prescription de trois mois en matière de diffamation. Il suffit que l'auteur des propos soit identique et le contexte éditorial, nouveau.
Malgré ces brèches, au Parlement, les sénateurs ont démultiplié les tentatives pour allonger les délais de prescription en matière d’infraction de presse sur Internet. L’enjeu ? Passer ces délais de 3 mois à 1 an afin d'améliorer la situation des victimes potentielles. Dans le cadre de la récente proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale, leur amendement a cependant été repoussé en dernière ligne droite par l’Assemblée nationale. Les députés ont refusé en effet de moduler cette prescription selon le support des propos litigueux, en ligne ou sur papier.