L’ALPA a établi son rapport annuel sur la consommation illégale de vidéos en France. L’association de lutte contre la piraterie audiovisuelle s’est armée d’un partenariat avec le CNC et Trident Media Guard, le prestataire qui d’autre part, relève les adresses IP en amont de la Hadopi. Principaux enseignements de ce document.
Cette étude Médiamétrie et Netratings a plusieurs objectifs : suivre l’audience des sites considérés comme dédiés à la contrefaçon, identifier les contenus les plus recherchés, les apporteurs de trafic tout en dressant un portrait-robot des internautes se livrant à ces partages. Enfin, elle vise à mesurer l’audience et l’impact des médias tels les tablettes et le mobile sur ce créneau.
Pour mener à bien ce chantier, elle s’est appuyée sur des panels de plus de 35 000 internautes, recrutés par téléphone. Sur leur machine, un logiciel « mouchard » a jaugé l’ensemble des connexions et des actions « sur la base d’une liste de plus de 20 000 liens / applications / plateformes identifiés comme étant dédiés à la contrefaçon audiovisuelle ».
13 millions de personnes ayant consulté un site dédié à la contrefaçon
Premier enseignement, il y aurait 13 millions de personnes ayant consulté un site dédié à la contrefaçon, sur une population de 48 millions d’internautes. Ces 13 millions, vite résumés en « population pirate », ne peuvent pas nécessairement révéler d'actes réprimés par le Code de la propriété intellectuelle. Une certitude néanmoins : toujours selon l’association, ces chiffres sont en baisse par rapport à l’année précédente (14 millions de consultations, 46 millions d’internautes en 2015).
Il y a donc plus d’internautes, mais moins flirtant avec ces sites mettant illicitement à disposition des œuvres. « Cette population est en hausse de 3,4 % par rapport à 2015 et de 31 % depuis 2009. Le nombre moyen d’internautes ayant consulté des sites dédiés à la contrefaçon audiovisuelle s’élève à 13 millions. Il est en baisse de 8 % par rapport à 2015, soit un million d’internautes en moins ». Pour l’ALPA, pas de doute là encore : nul effet des VPN et autres méthodes de surf discret, « cette baisse est due aux actions judiciaires menées en 2016 ».
38 ans, l’âge moyen de celui qui consulte des sites dédiés à la contrefaçon
56 % d’hommes et 44 % de femmes ont consulté des sites dédiés à la contrefaçon. Dans cette population, fait notable, les 35-49 ans composent la plus grosse tranche d’âge (32 %), où les profils CSP+ ou CSP- culminent l'un et l'autre à 34 %.
Si l’on prend acte, on relève que la situation financière serait décorrélée des pratiques, peut-être parce que la « génération Napster » a vieilli tout en restant attachée aux usages antérieurs. De plus, le fait surprenant que les plus jeunes se détourneraient de ces sites montre à l’ALPA que tout n’est pas encore perdu. Les 15-24 ans ne sont en effet que 18 % et les étudiants, retraités et inactifs, 12, 5 et 14 % respectivement alors qu’ils sont moins bien pourvus financièrement que les actifs.
La baisse du P2P attribuée à l’action de la Hadopi...
Sur le terrain de la mesure d’audience des protocoles, le P2P poursuit sa dégringolade de manière encore significative. Une remarque néanmoins : pour glisser de la consultation à la consommation, l’ALPA s’est appuyée sur les données fournies par Trident Media Guard, en référence à un top 10 mesuré en amont de la réponse graduée. La mesure globale du nombre de téléchargements sur le P2P n’est en effet pas disponible.
Ceci dit, « cette baisse significative est attribuable à la réponse graduée limitée à ce seul protocole et mise en œuvre par la Hadopi » avance l’association, d’ailleurs l’un des acteurs qui adresse chaque jour des camions d’IP à la Rue de Texel. Voilà qui expliquerait une division par deux de ces usages depuis 2009.
Seulement d’autres pistes d’explication peuvent être envisagées, comme la désuétude du P2P, la facilité d’accès des autres modes de consommation, mais elles ne sont pas pointées dans le document. Remarquons néanmoins que la nouvelle équipe aux manettes de la Hadopi a pris pour objectif de muscler nettement le traitement des saisines, comme l’ont révélé les documents budgétaires annexés à la loi de finances pour 2017.
... Mais le vent en poupe dans les voiles du DDL et du streaming
Pour le téléchargement direct (DDL), hors des clous de la réponse graduée, les choses s’inversent puisque les chiffres constatés ont été cette fois multipliés par deux.
« Plus de 348 millions de vidéos ont été téléchargés » en 2016. Chaque internaute a vu 108 vidéos provenant de ce stock, soit 9 vidéos par mois. Parmi les moyens utilisés pour accéder aux « sites dédiés à la contrefaçon », les accès directs sont plébiscités (78 %), bien loin des moteurs de recherche et surtout des réseaux sociaux qui ne sont quasiment pas pratiqués.
« En moyenne sur l’année 2016, le nombre d’internautes ayant consulté des sites de DDL est en hausse de 10% » jauge l’étude. Cependant, « la fermeture du site zone-telechargement.com fin novembre 2016 a engendré une baisse importante de ce protocole en décembre (-10%) ».
Pour le streaming enfin, le « nombre d’internautes s’étant connectés chaque mois à au moins un site de streaming illégal » atteint les 6,8 millions. « Près de 374 millions de vidéos ont été visionnées » par ce biais, soit 137 vidéos consultées par chaque internaute pour toute l’année 2016. Si la légalité de la consultation d'un flux streaming de source illicite reste discutée, en tout, « plus de 65 millions de vidéos illégales ont été vues/téléchargées par mois sur le streaming et le DDL ».
Comment ont été relevées les données de ces autres modes ? Médiamétrie s’est appuyée pour le streaming sur l’ouverture d’un player chez les internautes ayant consultés les sites surveillés. Sur le DDL, a été prise en compte l’arrivée sur un site de mises à disposition de liens, suivie par l'arrivée sur une plateforme d'hébergement. Enfin, toujours selon les explications fournies par Frédéric Delacroix, délégué général de l’ALPA, à partir du moment où un internaute est resté un certain moment sur un tel site, il a été considéré qu’il y avait téléchargement.
Sans surprise, ce sont surtout les blockbusters qui gravitent à la première marche, mois après mois. 007 Spectre, Star Wars : Le Réveil de la Force, Deadpool, Zootopie, Le Chasseur et La Reine des glaces, etc. Du côté des séries, The Walking Dead et Games of Thrones se taillent la part du lion.
Les pratiques sur smartphone et tablettes
Enfin, remarquons que la consultation de sites dédiés à la contrefaçon sur mobile explose. Le streaming gagne 81 % par rapport à 2015. En DDL, le chiffre grimpe même à 283 %. Même le P2P est en hausse sévère (+92 %). Sur les tablettes en 2016, seul le streaming « profite » d’un chiffre d’évolution positive, à +5 %. Contre -17 % pour le DDL et -26 % pour le P2P.
Hasard du calendrier, une étude EY dévoilée dans la journée a chiffré le coût de la consommation illicite des contenus. Un chiffre à la manipulation délicate puisqu'établi sur un panel de 3 000 internautes, extrapolé à la population française. « Si chacun d'entre eux versait les sommes dues pour avoir le contenu illégal pour lequel ils sont prêts à payer, avance EY dans les colonnes des Échos, c'est 1,36 milliard d'euros qui seraient injectés dans l'industrie audiovisuelle, et plus globalement l'économie. »