Après les sénateurs, les députés ont adopté définitivement la proposition de loi sur le délit d’entrave numérique à l’IVG. Le dernier mot revenant à l’Assemblée nationale, c’est « sa » version qui a remporté ce bras de fer avec le Palais du Luxembourg. Comme signalé par le député Gilles Lurton, le groupe LR envisage maintenant de saisir le Conseil constitutionnel. Une fois publié, le texte réprimera de 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende, « le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une interruption volontaire de grossesse ou les actes préalables (…), y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d’allégations ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse »
Le Sénat a adopté en nouvelle lecture la proposition de loi sur le délit d’entrave à l’IVG. Non sans en corriger le point central : ils viennent de réécrire la disposition phare telle que voulue par les députés.
En commission mixte paritaire, en principe chargée de dégager un texte commun aux deux assemblées parlementaires, le texte n’avait trouvé le point de compromis. Il faut dire qu’entre les sénateurs et les députés, une différence de taille joue les trouble-fêtes.
L’enjeu de façade est a priori commun : s’attaquer aux sites Internet qui dissuadent ou fournissent de fausses informations aux femmes désireuses de pratiquer une interruption volontaire de grossesse. Mais les moyens pour y arriver diffèrent.
Sénateurs, députés, deux versions
Dans la version votée par l’Assemblée nationale, l’idée était de sanctionner ceux ayant empêché ou tenté d'empêché de pratiquer ou s'informer sur une IVG « par tout moyen, y compris en diffusant ou en transmettant par voie électronique ou en ligne, des allégations, indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d'une interruption volontaire de grossesse ».
Le Sénat a revu le spectre de cet encadrement dès la première lecture. Il a préféré sanctionner « des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre des personnes cherchant à s'informer sur une interruption volontaire de grossesse, des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans les établissements mentionnés au même article L. 2212-2, des femmes venues y subir une interruption volontaire de grossesse ou de l'entourage de ces dernières ».
Lutter contre des fausses informations dans le cadre de la liberté d'expression
« Le Sénat a supprimé la référence à la nature des informations concernées par le délit d’entrave numérique » avait regretté par la suite la Commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale, qui a critiqué également le coup de gomme sur les références explicites au recours à la voie électronique par les auteurs du délit d’entrave. Une référence « qui constitue précisément l’objet initial, la raison d’être de la proposition de loi ».
Après l’échec de la CMP, la partie de ping-pong a continué. Si les députés ont enrichi leur disposition avec plusieurs apports votés au Sénat, ils ont gardé le cœur de leur proposition. Une mesure qui fait hurler Alliance Vita, association qui veut venir en aide aux « personnes confrontées aux épreuves de la vie ». Selon elle, « on aboutit à un texte redoutable pour la liberté d’expression et la liberté d’information des femmes concernées ». Elle considère qu’ « en mélangeant les deux versions, les députés élargissent considérablement le champ d’application du délit. Toute personne « cherchant à s’informer sur une interruption volontaire de grossesse », même en dehors des lieux où s’effectuent les IVG et même si elle n’envisage pas une IVG pour elle-même, pourrait s’estimer victime de pressions. Tout réel débat sur l’avortement serait ainsi censuré ».
En nouvelle lecture, le Sénat vient toutefois de réintroduire « sa » version initiale, telle que prévue en première lecture. C’est toutefois l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot dans la navette.