L'ombre du Deep Packet Inspection plane sur la conférence de Dubaï

Si la France est Bernardo, qui fait Zorro ?

Alors que les représentants des États discutent officiellement depuis lundi à Dubaï de la future régulation mondiale d’Internet, les parlementaires américains viennent d’adopter une résolution appelant leur gouvernement à défendre un Internet « libre de tout contrôle gouvernemental ». Ce vote tombe à pic, dans la mesure où des voix s’élèvent depuis plusieurs jours pour dénoncer l’approbation par l’UIT d’un amendement visant à normaliser les Deep Packet Inspection, ces technologies utilisées par certains dictateurs pour surveiller ce qui se transite sur le réseau.

congres usa (XB)

 

Tout comme le Parlement européen il y a quelques semaines, le Congrès des États-Unis a voté mercredi une résolution afin d’envoyer un message fort : ils tiennent à ce que leur pays se batte à Dubaï pour que l’internet reste ouvert. Comme l’indique The Hill, un texte consensuel (PDF) a été approuvé par tous les députés américains présents (397 voix contre 0), ce qui est assez rare, d’autant plus que la Chambre des représentants est majoritairement républicaine. Autrement dit en opposition au président Obama.

 

Grâce à cette résolution, également soutenue en septembre dernier à l’unanimité par le Sénat, les parlementaires américains ont invité l’exécutif à défendre une position « qui exprime clairement la politique cohérente et sans équivoque des États-Unis pour promouvoir un Internet mondial libre de tout contrôle gouvernemental ». Même si cette prise de position n’a aucune valeur contraignante, elle n’en demeure pas moins symbolique, et par ailleurs reflète plutôt bien la position des Américains sur ce dossier. En effet, deux visions s’affrontent actuellement à Dubaï : tandis que l’idée européenne, et notamment française, tend régulièrement à inciter les opérateurs à contribuer au financement des réseaux, la vision libérale américaine s’oppose au contraire à toute intervention étatique.

Les DPI menacent

Cette prise de position, si elle n’est pas une surprise en soi, intervient dans un contexte particulier. En effet, suite à plusieurs mois de préparation en coulisse, les négociations ont officiellement débuté ce lundi entre les différents représentants des États. Après que certains pays tels que la Chine, l’Iran ou la Russie, ont fait couler de l’encre en raison de leurs propositions visant à conférer aux États un meilleur contrôle de certaines ressources liées à l’internet, et actuellement gérées par des organismes comme l’ICANN, cela fait plusieurs jours qu’une nouvelle polémique enfle, au sujet cette fois d’un amendement, le Y.2770, qui a été approuvé par l’UIT dès le 20 novembre, soit en amont de l’ouverture du sommet de Dubaï.

 

uit rti dubai

S’il est impossible de savoir à l'heure actuelle quel est le contenu exact de ce texte ainsi que son statut, des voix se sont élevées pour s’alarmer du fait que cet amendement pourrait avoir trait aux technologies de Deep Packet Inspection (DPI). Selon le Center for Democracy and Technology, l’UIT « a silencieusement approuvé la normalisation de technologies qui pourraient donner aux gouvernements et aux entreprises la possibilité de passer au crible l'ensemble du trafic d'un utilisateur Internet - y compris les courriels, les opérations bancaires, les appels vocaux - sans garanties suffisantes en matière de confidentialité ».

 

Pour information, les DPI visent à centraliser le trafic au niveau d’un point du réseau, pour inspecter le contenu au niveau de l’URL ou plus en profondeur (signature de l’application, numéro de port, mots clé...). Seulement, grâce à ces technologies, il est possible de couper l’accès à un site en particulier, ce qui permet à Wikipédia de préciser que ces mesures techniques servent « notamment à la censure sur Internet ou dans le cadre de dispositifs de protection de la propriété intellectuelle ». La Hadopi a déjà flirté avec ces technologies en confiant sa mission sur les différents moyens de filtrage à Michel Riguidel, lequel a déposé un brevet sur le DPI.

La France reste muette

Si certains affirment clairement leurs intentions, à l’image des parlementaires américains, force est de constater que la France s’illustre surtout par son silence. En dépit de la consultation publique lancée au mois d’octobre, aucune position n’a été officiellement précisée par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. La députée UMP Laure de la Raudière, qui interpellait à la mi-novembre le gouvernement au moyen d’une question parlementaire, n’a d’autre part toujours pas obtenu de réponse de la part des autorités. L’élue, qui voulait savoir si la majorité socialiste entendait défendre une position favorable à la neutralité du Net, déplore aujourd’hui que le gouvernement reste muet sur le sujet. Nous y reviendrons d'ailleurs sous peu.

 

Pierre Lescure, en charge de la mission sur l’acte 2 de l’exception culturelle, nous a confié hier en marge de son premier bilan, qu’il s’intéressait de près à la conférence de Dubaï. « C’est important », a-t-il reconnu. Toutefois, l’intéressé refuse de commenter cet événement avant que la révision du RTI soit achevée. « Rien de plus frustrant que quand on pose des questions et qu’il n’y a pas un début de réponse. »

 

En attendant, les discussions se poursuivent à Dubaï, et doivent se terminer vendredi prochain.

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