Me Khankan est l’un des avocats ayant plaidé pour la censure du délit de consultation habituelle de sites terroristes. Il réagit dans les colonnes de Next INpact à la décision rendue ce matin par le Conseil constitutionnel.
Comment accueillez-vous cette censure ?
C’est une bouffée d’oxygène dans un contexte sécuritaire très pesant : il y a encore des fondements historiques du droit pénal pour résister aux attaques frontales du législateur !
Mais quelle analyse faites-vous de la décision ?
Le Conseil constitutionnel a considéré que le délit n’était ni nécessaire ni proportionné, compte tenu du corpus législatif français, tant au niveau judiciaire qu’au niveau des services du renseignement. De nombreuses dispositions, qui permettent déjà d’intervenir avant la commission, telle l’entreprise individuelle terroriste, sont suffisantes pour contenir le risque. En outre, la bonne foi prévue par l’article censuré a été jugée très floue, trop sombre pour extraire une précision suffisante au profit des magistrats.
Comment expliquer qu’un tel texte ait pu être voté ?
Il y a une incompréhension dans sa genèse même. Le gouvernement s’y était opposé au niveau du débat parlementaire, mais, sous le coup de l’émotion, nous sommes arrivés à une lecture accélérée, sans prendre le temps de la réflexion alors qu’on avait verbalisé que ces mesures étaient inconstitutionnelles dès le départ.
Peut-on dire qu’il y a eu défaillance du processus démocratique ?
Je dirais peut-être plus qu’une défaillance, une précipitation dans la réponse aux évènements qui ont traumatisé la population française – un traumatisme que personne ne conteste. Une réponse qui n’a pas été réfléchie. Au niveau politique, il y a la volonté de lutter contre quelque chose de difficile à contenir, mais il reste qu’une telle démarche ne peut se faire au mépris des principaux fondamentaux de l’état de droit.
Des personnes ont été condamnées, d’autres sont encore poursuivies. Que va-t-il se passer pour elles ?
Il s’agit d’une abrogation immédiate. Toutes les procédures en cours doivent être interrompues. Les personnes condamnées doivent être remises en liberté, car le texte n’existe plus dans notre corpus, il a disparu.
Cependant, beaucoup de condamnations étaient mixtes. Des personnes ont été condamnées pour consultation habituelles, mais aussi pour apologie ou violation de l’assignation à résidence. Dans ces cas, il faudra faire le départ entre les maximums de peines encourues. Il existe en effet un principe qui veut que la peine la plus importante l’emporte. La violation d’une assignation, c’est un an de prison. La consultation habituelle était sanctionnée de deux ans de prison.
En attendant, le texte censuré visait par exemple les vidéos de décapitation, mais il ouvrait une boite de Pandore. Par ce biais, un autre pouvoir politique plus autoritaire aurait pu faire mettre en détention cette fois des opposants politiques. On jouait ainsi avec le feu.
Merci Me Khankan.
Commentaires (48)
#1
Au niveau politique, il y a la volonté de lutter contre quelque chose de difficile à contenir
Optimiste le monsieur, certains y voient l’expression d’une volonté plus sombre…
Des personnes ont été condamnées, d’autres sont encore poursuivies. Que va-t-il se passer pour elles ?
Il s’agit d’une abrogation immédiate. Toutes les procédures en cours doivent être interrompues. Les personnes condamnées doivent être remises en liberté, car le texte n’existe plus dans notre corpus, il a disparu.
Ouf!
Perso ce qui me fait peur c’est que ce genre de choses arrive de plus en plus souvent… Et un jour, ça passera (grâce à modification de la composition du CC par exemple, ou à cause d’une pression populaire trop forte)
#2
Si la pression est trop forte, la constitution pourrait sauter, et donc ce conseil.
Le danger d’une pression populaire, c’est que le résultat risque d’être populiste… et ainsi ce genre de lois pourraient passer, sans ce frein.
Alors quand je vois ceux qui espèrent une révolution, je frémis.
#3
“un traumatisme que personne ne contexte”
Est-ce que ça devrait être conteste ?
#4
#5
Ca dépend du conteste.
#6
#7
#8
En matière environnementale c’est le principe de précaution qui s’applique : on interdit d’abord, puis on réfléchit ensuite.
En matière de terrorisme ça devrait être pareil : on enferme d’abord et on réfléchit ensuite.
Puisque le délit de consultation de sites terroristes ne passe pas, pourquoi s’embêter ?
On modifie le régime dérogatoire de la durée de la garde à vue qui, compte tenu de l’état d’urgence, passera de 96h à 5 ans. Au bout de 5 ans le type finira bien par avouer, et hop condamné. Ou alors il fera une tentative de rébellion ce qui permettra de le condamner pour violence à l’intérieur de la prison voire pour outrage et hop condamné.
Comme le dit le proverbe arabe qu’on peut réinterpréter dans le contexte actuel : “enfermes un type, même si tu ne sais pas pourquoi, lui il sait”.
#9
Ricard a des problèmes à ce qu’on parle un peu de pression? ;)
#10
“marrant”, j’avais entendu une variante de ce proverbe, avec un mari qui bat sa femme.
#11
#12
#13
#14
Par ce biais, un autre pouvoir politique plus autoritaire aurait pu
faire mettre en détention cette fois des opposants politiques. On jouait
ainsi avec le feu.
C’était bien le problème ; et c’est d’ailleurs pourquoi, dans le législatif, la présomption d’innocence est bien plus importante que le principe de précaution
#15
#16
Pression et Ricard, ça ne doit pas aller ensemble…
#17
Blague à part, ce n’est pas la dépiction du christianisme.
La résurrection est le préalable au jugement. Tout le monde revient parce qu’au moment de la résurrection, personne n’est encore considéré innocent ou coupable. Ça vient derrière.
Une sorte de présomption d’innocence divine " />
En passant, l’Église en tant qu’institution (par opposition au lieu de culte) s’écrit avec une majuscule " />
Si ton église prône quoi que ce soit, elle est hantée " />
#18
En quoi cette décision est-elle une bouffée d’oxygène ? Pourquoi tout le monde se réjouit de cela ? Comme si c’était normal de consulter ce genre de sites.
" />
#19
#20
#21
Merci Maître pour ces sages paroles " />
#22
#23
#24
Ah non mais tu ne prendras jamais deux ans de prison car tu te renseignes. On parlait clairement de consultation consentie, réitérée… Et personnellement je ne me renseigne pas en regardant des vidéos de mecs se faisant décapiter ni en consultant des sites faisant l’apologie de l’Islam radical.
" />
#25
#26
#27
#28
#29
consultation consentie, réitérée ne veut pas dire que le gars va passer à l’acte
#30
#31
#32
Tu regardes trop la télé, les algorithmes et le renseignement ne marchent pas comme ça. Mais joli troll.
" />
#33
Peut-on dire qu’il y a eu défaillance du processus démocratique ?
Mais bien sur le parlement est une défaillance démocratique " />
La démocratie c’est la dictature de la majorité or autant sur d’autres domaines cela pourrait se discuter, autant sur le domaine sécuritaire je ne suis pas sur que le plus grand nombre soit contre cette loi…
La vraie dictature c’est quand une minorité impose ses vues.
Il faut juste rappeler que personne n’a été condamné pour le simple fait de cette loi… Elle n’a été qu’une pierre supplémentaire dans l’édifice de la condamnation. Pierre il est vrai souvent utilisée car elle permettait une condamnation plus lourde des prévenus.
Maintenant il faut juste espérer qu’aucun condamné qui aura été libéré grace à cette bouffée d’oxygène ne fasse de conneries dans les 3 mois à venir, sinon la bouffée d’oxygène va vite se transformer en un cauchemar sociétal.
#34
#35
#36
Ces deux témoignages permettent de rappeler que les résultats de Google sont calculés en fonction de vos historiques de navigations et recherches. " />
#37
#38
#39
#40
#41
#42
#43
Pour le coup Picatrix c’est un gentil troll mais l’autre… j’ai un gros doute… ^^
#44
Je pense que tu n’as pas compris ma réponse qui répondait à la sortie de prison suite à l’annulation de cette loi. Mais, c’est peut-être moi qui comprends mal, comme tu parles d’un article et que je ne sais pas duquel il s’agit : de celui de Marc, ou un des 2 que j’ai mis en lien.
#45
#46
#47
Je suis d’accord, il n’y a aucune raison de revenir 10x sur un site qui nous semble odieux.
La différence, c’est qu’ils utilisent comme toi le terme “régulièrement” qui veut dire tout et n’importe quoi. 1x tous les deux ans, c’est régulier!
Et si on le prend par le sens de la quantité (donc rien à voir avec la régularité), à partir de combien ça devient illégal? C’est un paradoxe connu, à parti de combien de grain de sable on parle de tas?
Et enfin le délit est celui de consultation, pas de préparation d’actes. Il est devenu illégal d’ouvrir des pages web? On en vient à ceux qui disent que télécharger un fichier c’est voler: bientôt ils diront que liker c’est tuer.
Bref, on voit bien l’intention première qui aboutit à ces textes, mais la manière est inefficace. Celui qui consulte de manière “régulière” un site pro-salafisme est déjà devenu salafiste; il est trop tard … et aussi trop tot (il est déjà converti en pensée, mais n’a rien commis)
#48