Depuis des mois, les services des douanes américaines (US Immigration and Customs Enforcement's (ICE) & Homeland Security Investigations (HSI)) ont trouvé une nouvelle arme contre les sites diffusant des contenus considérés comme contrefaisants : ils font saisir quantité de noms de domaine via les prestataires comme Verisign qui a en charge notamment les .com et .net. Peu importe que le site soit hébergé à l’étranger. Cependant, cette opération « In Our Site » a quelques ratés. Dernier en date, le site de streaming espagnol Rojadirecta.
Par deux fois, Rojadirecta, un site espagnol de streaming d’évènements sportifs, avait été reconnu licite par la justice espagnole. Pour les juges ibériques, il n’y a pas de problème à agréer ce qui a été mis en ligne ailleurs par d’autres. Au grand désespoir des ayants droit, toujours prompt à organiser la rareté de leurs contenus.
Le 31 janvier 2011, le salut est venu d’outre-Atlantique, juste avant le Super Bowl. L’Immigration and Customs Enforcement ordonne la saisie de Rojadirecta.com et org, propriété de la société Puerto 80. En organisant la saisie de ce nom de domaine, les États-Unis gommaient les décisions espagnoles et imposaient à la planète leur lecture du copyright.
Cette capacité de blocage sous la lorgnette du droit américain n’est cependant pas sans risque puisque la saisie d’un nom de domaine empêche son accès partout dans le monde. Autre dommage, le déficit d’image : en arrivant sur le site en cause, l’internaute découvre que celui-ci est un repaire à pirates.
Rojadirecta avait déposé un domaine en .ME mais surtout, engagé des pourparlers avec les autorités américaines tout en contre-attaquant par une plainte. Après 19 mois de saisie, le gouvernement américain tue l'action dans l'oeuf : il vient finalement d’annoncer qu’il retirait sa plainte. La Cour de district de New York a dans la foulée exigé le retour des noms illégalement saisis. Porto 80 a déjà entamé les procédures adéquates avec VeriSign et PIR afin de faire renaitre les domaines .com et .org respectivement.
Une histoire qui finit bien ? Avec ce désistement, les autorités américaines contournent avant tout le risque d’un cinglant désaveu judiciaire et renvoient la balle dans le camp de Rojadirectera. Le site pourrait en effet éventuellement engager des poursuites depuis l’Espagne pour obtenir réparation, mais seulement au prix d’un important effort financier. Autant dire que l'ICE pourra continuer sans risque son système : censurer un site, le gommer de la carte pendant plusieurs mois, puis restituer le domaine en cas d'erreur.
Le précédent Dajaz1
Ce type de bug n’est pas une première. En mai 2012, Dajaz1, un blog dédié au Hip Hop, avait enfin récupéré son domaine après 13 mois de saisie injustifiée. En cause, la diffusion de quatre morceaux de musiques avant leur sortie officielle. Les douanes américaines avaient plusieurs fois reporté la restitution du domaine, attendant patiemment des éléments de preuves de la RIAA, l’association des producteurs de musique. En face, Dajaz1 répétait que les fichiers en cause lui avaient été fournis par la maison de disque… Et c'est donc plus d'un an après que sa voix a porté effet.
L’épisode avait suscité la colère de l’Electronic Frontier Foundation : « l’ICE et ses avocats se comportent comme les mercenaires de l’industrie des contenus, aux frais des contribuables. Au lieu de s’appuyer sur les affirmations des ayants droit afin de déterminer si une saisie est justifiée ou non, le gouvernement aurait dû mener sa propre enquête approfondie. S’il avait agi de bonne foi, il aurait pu déterminer avant la saisie que le site n’était pas une cible appropriée, ou au moins aurait pu découvrir et corriger l’erreur bien avant qu’une année soit écoulée. »