Télécoms : la FCC annule des avancées récentes et adoube le « zero rating »

Je reviens et j'annule tout
Internet 7 min
Télécoms : la FCC annule des avancées récentes et adoube le « zero rating »
Crédits : FCC

Il y a quelques jours, le régulateur américain des télécoms (FCC) a annulé deux enquêtes sur le « zero rating, » des autorisations de subvention de forfaits Internet et annoncé une opération transparence. L'offensive est menée par le nouveau président, Ajit Pai, qui revoit temporairement certains de ses principes dans l'opération.

La nouvelle direction du régulateur américain des télécoms avance au pas de course. Nommé le 20 janvier par Donald Trump, le nouveau président de la FCC, Ajit Pai, a déjà multiplié les déclarations et mesures. Une bonne partie ont été publiées il y a quelques jours, dans une vague qui signe la fin d'une enquête, d'un programme de subvention d'offres Internet et une plus grande ouverture des décisions de la commission.

Comme nous l'expliquions, le Républicain Ajit Pai est un ennemi affirmé de la neutralité du Net. Il a combattu farouchement le décret sur l'Internet ouvert, qui a opposé Démocrates et Républicains au sein de la commission. Sur cinq membres de la commission, la majorité démocrate l'avait emportée d'une voix. Un Républicain désormais aux commandes, la locomotive change de direction. Une grande source d'inquiétude autour de la neutralité des réseaux (voir notre analyse).

Quelques jours avant sa nomination, il a par exemple promis à de petits opérateurs de supprimer des obligations en matière de vie privée, jugées trop lourdes pour eux. Les premières décisions continuent dans cette voie, provoquant des séries de déclarations publiques contradictoires entre membres de la commission.

Clap de fin pour l'enquête sur le « zero rating »

Le « zero rating » était l'un des chevaux de bataille de l'autorité. Cette pratique consiste à ne pas décompter la consommation d'un service de l'enveloppe de données mensuelles d'un client, comme le pratiquait SFR avec YouTube à une époque. Les principaux opérateurs mobiles proposent des programmes aux autres entreprises. Contre rémunération, des services ou annonceurs peuvent exempter leurs sites et applications de toute consommation affichée.

En fin d'année dernière, la FCC avait ouvert des enquêtes sur ces programmes. AT&T et Verizon étaient directement dans son collimateur. Malgré de longues lettres de défense, les opérateurs étaient sur le point de voir leurs programmes attaqués d'une manière ou d'une autre, avec l'argument de la concurrence.

Las, ces enquêtes sont désormais closes. AT&T, T-Mobile et Verizon ont été notifiés de la fin des investigations. « Toute conclusion, préliminaire ou non, exprimée durant cette enquête n'aura aucun poids légal ou d'effet à l'avenir » affirme la commission dans une lettre adressée aux opérateurs. Il s'agit d'un retournement de situation important, alors que la pression était montée ces dernières semaines.

Le gendarme des télécoms avait réclamé des explications à AT&T et Verizon, estimant qu'ils bénéficiaient d'un avantage indu via leurs programmes de « zero rating » (voir notre analyse). En cause, les deux opérateurs fournissent leurs propres services vidéo, dont la consommation de données n'est pas décomptée du forfait. Si les concurrents peuvent bien souscrire à des conditions similaires, le fait que les opérateurs l'appliquent à des services intégrés à leur structure évite tout coût concret... Ce qui est un avantage important, jugeait l'autorité.

Dans une déclaration, Ajit Pai dit que la fin de ces enquêtes signe le retour du régulateur en faveur de « l'innovation sans permission ». « Si ce n'est qu'une première étape, ces entreprises et d'autres peuvent maintenir investir en toute confiance, et lancer de nouveaux produits populaires sans craindre l'intervention de la commission sur la base de théories légales inventées » écrit l'ancien lobbyiste.

La subvention d'offres Internet mise en veille

Deuxième victime, le programme Lifeline (« corde de sécurité »), qui englobe la subvention d'offres téléphoniques et Internet. Le 3 février, la FCC a supprimé neuf autorisations pour des opérateurs de fournir des accès Internet subventionnés, à hauteur de 9,25 dollars par mois. Les sociétés concernées retournent dans la file des demandes d'autorisation, sans passe-droit. Elles avaient été ajoutées au programme il y a quelques semaines.

Comme le note Ars Technica, ces opérateurs étaient les premiers à fournir une offre Internet subventionnée grâce à Lifeline. Un seul disposait concrètement de clients. Jusqu'ici, environ 900 opérateurs proposaient des forfaits téléphoniques. Au Washington Post, l'opérateur Kajeet se dit plutôt inquiet pour les enfants qui bénéficiaient du programme. L'entreprise s'étaient associée avec 41 États pour fournir une connexion Internet pour l'éducation.

Selon une étude de la FCC, datée de 2016, 34 millions d'Américains n'ont pas d'accès fixe à Internet, soit environ 10 % de la population. « Ces actions de dernière minute, qui ne disposaient pas du soutien de la majorité des commissaires à leur édition, ne doivent pas nous contraindre à l'avenir » a déclaré Ajit Pai pour justifier son action.

La fracture numérique, ennemi déclaré d'Ajit Pai

Pourtant, le nouveau président de la FCC affiche sa volonté de combler la fracture numérique. C'est même l'un des axes de ses discours. Supprimer le programme Lifeline n'est donc pas un pas en avant sur la question. La volonté d'annuler les dernières décisions prises par son prédécesseur, Tom Wheeler, a donc pris le pas sur ces considérations. Dans un billet de blog, il critique d'ailleurs les médias ayant insisté sur cette contradiction.

« Limiter le programme Lifeline, aujourd'hui, exacerbe la fracture numérique. Cela ne la traite d'aucune manière positive » estime Gene Kimmelman de Public Knowledge. Elle affirme que les prix actuels des offres Internet excluent les classes moyennes et populaires. L'Americain Liberty Association et Freepress s'en sont également alarmés.

Pour la commissaire démocrate Mignon Clyburn, ces retraits d'autorisations sont un recul. « Ces opérateurs incluent une société gérée par des minorités, un fournisseur permettant à des étudiants de remplir leurs devoirs en ligne, et d'autres couvrant des terres tribales » regrette-t-elle. Elle demande un traitement rapide des dossiers des opérateurs révoqués, par l'ensemble de la commission, et non par le seul bureau dédié.

Annuler des avancées et jouer la transparence

D'une manière générale, Ajit Pai affirme vouloir annuler des « midnight regulations », c'est-à-dire des décisions publiées ces dernières semaines, dans le chaos de fin de mandat présidentiel, sans réel contrôle. « Dans certains cas, les commissaires n'ont pas été prévenus de ces midnight regulations. Dans d'autres, elles ont été prises malgré l'objection de deux commissaires sur quatre » regrette le nouveau président de la FCC, évoquant sûrement l'opposition des commissaires républicains, à savoir Michael O'Rielly et lui-même. 

Pour mémoire, il y a encore quelques semaines, la fracture de la commission entre Démocrates et Républicains était nette. Une partie des décisions prises par Tom Wheeler, l'ancien président, l'ont été contre l'avis des Républicains, qui ont désormais l'occasion de revenir dessus. Un objectif largement affirmé par le nouveau responsable.

En contraste, Pai affiche sa transparence. « Je veux que cette commission soit aussi ouverte et accessible que possible pour les Américains » dans une déclaration du 2 février. Il a notamment publié les documents qui doivent être discutés lors de la prochaine réunion, dans trois semaines. Il s'agit du délai minimal que le nouveau président compte imposer pour la sortie des propositions avant débat.

Ces deux mesures concernent l'utilisation « permissive » des standards télévisuels « de prochaine génération » (ATSC 3.0) et la radio FM. Il a insisté par la suite sur l'ouverture de l'ensemble des décisions aux commissaires, et non plus seulement à la presse. Pour la commissaire démocrate Mignon Clyburn, la publication massive de déclarations et documents du 3 février est plus à comparer à « une sortie des poubelles » (PDF)... Même si elle salue les mesures de transparence. Ambiance.

D'ailleurs, tout n'est pas si transparent. Fin janvier, la FCC a retiré de son agenda une proposition visant à ouvrir les décodeurs des câblo-opérateurs. Le but : permettre à des entreprises comme Amazon et Google de proposer leurs propres solutions. Comme le note Forbes, si aucune proposition modifiée n'est mise sur la table, le projet disparaîtra simplement du programme. Cela malgré d'âpres négociations entre la FCC et les opérateurs avant l'élection de Trump.

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