C’était prévisible : l’amendement sur l’allongement de la prescription des délits de presse sur Internet a été réintroduit au Sénat. Avec, en perspective, une nouvelle joute parlementaire entre sénateurs et députés.
Dans le cadre de la proposition de loi sur la prescription pénale, le rapporteur François-Noël Buffet a finalement réintroduit cette disposition qu’avait supprimée l’Assemblée nationale.
Pour mémoire, elle vise à réformer l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, pour lui adjoindre une disposition toute taillée pour Internet. En substance, lorsqu’une diffamation ou une injure serait commise en ligne, sur un site ouvert au public, la prescription de l’action publique et de l’action civile serait d’un an. Au lieu des trois mois jusqu’alors en vigueur pour ce type d’infraction.
Avec une subtilité : pour protéger les dinosaures de la presse écrite, les sénateurs comptent rester sur ce bref délai lorsque le contenu litigieux est reproduit sur support papier.
Persistance des contenus sur Internet
Dans l’exposé des motifs, zone d’explications de l’amendement, le sénateur du Rhône soutient que « la persistance des contenus dans l’espace public pendant des années et l’amélioration de leur accessibilité par n’importe quelle personne, toutes deux permises par le développement des technologies de l’internet (suggestions de termes et de mots clés, utilisation des algorithmes sur les réseaux sociaux, indexation automatique ou forcée de pages internet…) remettent en cause la justification d’une courte prescription qui repose, en partie, sur le caractère éphémère et temporaire d’un écrit ou d’une parole ».
Il juge dès lors ce délai de trois mois comme « insuffisant pour permettre aux victimes d’identifier l’auteur de l'infraction et de mettre en mouvement l’action publique ». En particulier, « cet allongement de la prescription bénéficierait en particulier aux victimes d'infractions commises à l'étranger ou par des particuliers via des sites internet qui ne permettent pas l'identification d'un directeur de la publication ».
Les critiques des députés, l'opposition du gouvernement
La disposition risque à nouveau d’être votée en Commission des lois, sanctuarisée en séance le 7 février, mais pas au-delà notamment en cas de dernière lecture à l’Assemblée. En effet, députés et ministre de la Justice se sont déjà opposés à un tel régime. Patrick Bloche, député PS et par ailleurs président de la commission des affaires culturelles, l'avait jugé « anachronique », au motif que « ces dispositions ne prennent pas en compte ce qui est aujourd’hui la réalité du travail de la presse, avec une indifférenciation entre les supports papier et numérique ! ».