SFR veut revenir dans la course commerciale et compte sur son réseau pour y parvenir. Hier, l'opérateur a martelé ses progrès sur le très haut débit fixe et mobile, promettant un câble « équivalent » à la fibre et une couverture 4G pour 99 % de la population l'an prochain. Il veut aussi reprendre une part des déploiements fibre laissés à Orange.
Avec une satisfaction client en berne, l'exode continu des abonnés et une restructuration impliquant jusqu'à 5 000 départs, SFR n'est pas au plus fort. Les débats sur la qualité du réseau et l'imbroglio autour de la « fibre » n'ont pas aidé l'image de l'opérateur, qui compte bien revenir dans la course. Hier après-midi, le groupe a tenu à prouver que ses investissements (plus de deux milliards d'euros l'an dernier) ont porté leurs fruits.
Ces derniers mois, les efforts du groupe ont été de plus en plus visibles, notamment sur mobile, SFR dominant les déploiements 4G depuis plusieurs mois. À force de résultats en progression sur les applications de mesure, de « Gigabit » et de « UHD », l'opérateur tentait de faire oublier les problèmes des deux dernières années. L'entreprise serait désormais une « usine » entièrement tournée vers les déploiements et les services, libérée de son poids passé, avec des partenaires « responsabilisés » (comme a pu le constater Bercy).
Cette posture s'appuie à la fois sur l'extension du réseau et des évolutions techniques. Alors que le réseau 4G se déploie, SFR compte amener l'ensemble de ses fréquences sur chaque site, notamment pour améliorer les débits. Sur le fixe, le fournisseur d'accès veut en finir avec le débat sur le terme « fibre », en annonçant des débits montants en hausse dans les prochains mois... Même si SFR « utilise de plus en plus le vocable très haut débit » comme nous l’affirme Michel Paulin, directeur général de l'opérateur.
Enfin, l'entreprise insiste pour reprendre une part des déploiements fibre en zone moins dense (agglomérations de taille moyenne), dont Orange a aujourd'hui la majorité de la charge. Cela suite à la priorité donnée par SFR au câble, à des négociations infructueuses et une décision de l'Autorité de la concurrence. Une situation qui ne convient plus à SFR, qui estime la répartition actuelle trop déséquilibrée. Cela alors qu'il a déjà des projets importants pour son réseau câble.
Un réseau « fibre » qui s'étend et amalgame toujours les technologies
Pour mémoire, SFR mène deux fronts en parallèle. D'un côté, il rénove le réseau câble de Numericable, en rapprochant la fibre des bâtiments, pour atteindre des débits supérieurs à 100 Mb/s. De l'autre, il poursuit les déploiements en fibre jusqu'à l'abonné (FTTH) initiés avant le rachat par Altice, en 2014. Des deux réseaux, SFR donne la priorité commerciale au câble, imposé quand les deux solutions sont disponibles.
Aujourd'hui, SFR annonce commercialiser 9,3 millions de prises « fibre », dont 1,2 million en FTTH (12,9 % du total). Un nombre qui doit « presque doubler » d’ici la fin de l’année. Sur l'ensemble, près de deux millions de lignes sont utilisées par les clients du FAI.
Soit une augmentation de 1,6 million de lignes en un an, rénovation du câble et déploiements fibre confondus. Interrogée, la société ne donne pas le nombre total de lignes FTTH installées. Elle annonce tout de même qu'elle disposera de 11 millions de logements en câble et fibre d’ici la fin de l’année... Alors qu'elle en promettait 12 millions à cette échéance fin 2014.

Du meilleur sur l'upload en câble, jusqu'à 200 Mb/s en 2018
C'est du côté des débits que l'amélioration se veut la plus importante. L'entreprise promet de passer tout son réseau « fibre » (câble rénové et FTTH) en Gigabit dès cette année, pour une finalisation en 2018. Dès lors, une partie des clients bénéficiera de débits montants de 200 Mb/s, puis leur ensemble en 2019.
Le changement doit être transparent pour les utilisateurs, via une simple mise à jour de la configuration de leur box. Les clients RED ne bénéficieront sûrement pas de cette amélioration, même si l'entreprise réfléchit à une évolution de l'offre. Côté SFR, si le passage à 100 Mb/s en envoi ne demandera pas de changer ses équipements actifs, il faudra bien en installer de nouveaux pour le 200 Mb/s, nous confirme l'opérateur.
Le fournisseur d'accès dit vouloir s'adapter à de futurs usages. L'an dernier, le même nous affirmait ne pas vraiment voir l’intérêt d’améliorer autant les débits montants, les services ne permettant eux-mêmes pas des débits si élevés. Ces évolutions passeront par la norme DOCSIS 3.0, déjà exploitée par le FAI. Il affirme tout de même déjà atteindre 5 Gb/s (descendant) et 1 Gb/s (montant) en laboratoire avec la norme DOCSIS 3.1, qui ne devrait pas être utilisée massivement chez SFR avant plusieurs années.
En amenant des débits équivalents entre câble et fibre, le fournisseur d’accès veut donc en finir avec la polémique sur sa nomenclature. Il a pourtant lui-même entretenu une confusion volontaire entre câble et fibre, créant la grogne chez ses concurrents et amenant le gouvernement à publier un arrêté sur le sujet. L’objet : obliger à indiquer la technologie en bout de piste (fibre à terminaison coaxiale pour le câble) quand la fibre n’atteint pas le client. Désormais, c'est donc « très haut débit » qui prime, malgré le maintien de l'expression commerciale « fibre ».
SFR est fier de sa 4G, promettant encore de meilleurs débits
Si la partie fixe semble aller dans le bon sens, c'est sur le mobile que le paon SFR écarte le plus les plumes. L'entreprise se vante de couvrir 81 % de population en 4G (contre 85 % pour Bouygues Telecom et 88 % pour Orange). L'opérateur compte atteindre 90 % d'ici la fin de l'année et 99 % fin 2018... grâce à sa mutualisation avec le réseau mobile de Bouygues Telecom, via le projet Crozon.
Sur la question des débits, l'opérateur insiste sur sa « 4G+ UHD », autrement dit la 4G+ cumulant trois bandes de fréquences. Une technologie également proposée par Bouygues Telecom et Orange, pour quelques smartphones compatibles actuellement. Cette 4G+ sur trois porteuses permet d'atteindre des débits jusqu'à 337 Mb/s. Actuellement fournie sur sept agglomérations, elle doit l'être sur 18 en juin et 32 à la fin d’année.
SFR se félicite sur ses obligations en 4G, le régulateur appelle à la prudence
Sur le mobile, l’opérateur mène depuis plusieurs mois les déploiements de sites et d’antennes 4G, distançant l’ensemble de ses concurrents. Ils ont culminé à 1 697 antennes et 730 sites en décembre. Cet activisme sur la 4G n’est pas seulement mû par la volonté de reconquérir des clients déçus de la qualité du réseau mobile, c’est aussi pour répondre à ses obligations réglementaires.
Le 17 janvier, l’opérateur devait avoir couvert 40 % de la population rurale en 4G via les fréquences 800 MHz... Alors qu’il affichait 0 % de couverture début 2015. Il dit avoir couvert 50 % de la population de cette zone prioritaire à échéance. L'opérateur affirme donc avoir bien dépassé ses obligations.
SFR a donc redoublé d’efforts dans ces zones pour tenir ses engagements, même si une mise en demeure début 2016, puis une sanction financière de 380 000 euros pour un jalon non atteint l’an dernier, laissent planer le doute sur la couverture réellement atteinte. Contactée, l’Arcep nous a indiqué qu’elle contrôle en ce moment la couverture effective en 4G 800 MHz, pour un verdict dans les prochaines semaines, « quoi qu'en disent les opérateurs ».
Interrogé, l'opérateur dit ne pas avoir concentré ses efforts sur la 4G en 800 MHz en zone rurale. « Nous avons un raisonnement par plaque. Poser un spot seul, c’est bien pour les statistiques, mais cela ne sert à rien pour le client. Tout l’effort accompli en zone très dense et moins dense l'est par plaques » nous déclare par ailleurs Michel Paulin.
Sur la couverture en 2G des zones blanches mobiles, SFR attend toujours certains pylônes censés être fournis par l'Etat. « Aujourd’hui, oui, nous avons des difficultés car toutes les parties prenantes ne sont pas totalement alignées. Il y a des zones très complexes pour les autorisations, la transmission... » nous indique encore le directeur général de SFR. « Quand nous avons pris l’engagement de couvrir 1 400 sites avant la loi Montagne, nous avions eu 250 demandes. Cela prouve bien que passer à l’acte est compliqué... Alors que tout le monde disait que c’était la priorité quasiment nationale. »
Zone moins dense et réseaux publics dans le collimateur
L’opérateur a aussi demandé à revoir l’accord de répartition des déploiements en zone moins dense (agglomérations de taille moyenne) où les opérateurs co-investissent dans le réseau. Après le rachat de SFR par Numericable et le choix de ne pas déployer la fibre dans les zones avec câble, des négociations pour réviser l’accord de déploiement ont échoué. L’Autorité de la concurrence a donc autorisé Orange à se déployer dans les zones jusqu’alors réservées à SFR. L’opérateur historique nous affirmait avoir récupéré le déploiement de 800 000 lignes supplémentaires. SFR voudrait désormais revenir sur cette situation et récupérer des zones estampillées Orange.
La marque au carré rouge évoque une « répartition très inéquitable », à la faveur de son concurrent, qui ne pourrait pas soutenir l'effort industriel seul. Il ne s'agirait pas forcément de reprendre la moitié de la zone, mais d'obtenir une plus grande part du gâteau. Sachant que les zones laissées à son concurrent disposent déjà du câble, SFR les laissera-t-elle encore ? « Non, cela ne veut pas dire qu’on ne fibrera pas certaines zones câble. Ce que nous souhaitons, c’est que sur des zones à fibrer où Orange a l’exclusivité, nous puissions fibrer » répond encore le DG de l'opérateur.
Du côté des réseaux d'initiative publique (RIP), qui amènent le très haut débit dans les zones rurales, SFR se pose une nouvelle fois en déployeur plus qu'en fournisseur d'accès. L'objectif semble donc encore d'obtenir les contrats de construction des réseaux de collectivités, plutôt que d'y amener à tout prix ses offres commerciales. Interrogé, il dit se questionner sur la possibilité de fournir sa box sur les réseaux publics opérés par des concurrents.
« Les autres opérateurs ne sont pas venus sur nos réseaux publics de première génération [antérieurs au plan France THD], alors que nous sommes venus sur les leurs. Nous regardons comment les acteurs se positionnent sur nos RIP. Nous ne pouvons pas être totalement asymétriques sur tout » nous déclare le patron de SFR.