La NHTSA vient de rendre son verdict dans l'accident mortel qui impliquait une Tesla Model S avec pilote automatique. Le régulateur ne trouve rien de spécial à redire sur son fonctionnement. Il en profite d'ailleurs pour mettre en avant les bons résultats obtenus par cette fonctionnalité.
L'été dernier, l'affaire avait fait grand bruit : un premier accident mortel avait été confirmé par Tesla avec une Model S dont le pilote automatique était activé. Le fabricant avait donné sa vision des faits et la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA), une agence fédérale chargée de la sécurité routière, avait ouvert une enquête officielle. Son but était « de déterminer si le système fonctionnait conformément aux attentes ». Les conclusions de ce rapport sont désormais connues (PDF) et ne mettent pas en cause le pilote automatique.
Les conditions de l'accident étaient pour rappel qualifiées d'« extrêmement rares » par Tesla. Pour résumer, en mai dernier, la voiture est venue s'encastrer sous la remorque d'un camion qui traversait la route perpendiculairement à la trajectoire de la Tesla. « Ni le pilote automatique, ni le conducteur n'ont remarqué le flanc blanc de la remorque du semi-remorque face à un ciel très lumineux, de sorte que les freins n'ont pas été actionnés » précisait le constructeur dans son compte rendu des faits.
Selon le NHTSA, le conducteur avait sept secondes pour réagir
Afin d'étudier la scène de près, une équipe du NHTSA s'était rendue sur place en Floride. Dans son rapport, l'agence explique que « la reconstitution de l'accident indique que la remorque devait être visible par le conducteur de la Tesla pendant au moins sept secondes avant l'impact ». Bref, le conducteur de la Model S aurait eu « une période de distraction prolongée (au moins 7 secondes) », alors que les chauffeurs mettent généralement moins de trois secondes à réagir dans une situation du genre.
Durant ce laps de temps, le conducteur n'a effectué aucune manœuvre d'évitement (freinage, changement de trajectoire...). Que faisait-il à ce moment-là ? La NHTSA ne le précise pas, mais pour certains il regardait un film Harry Potter sur un lecteur portable, c'est du moins ce que laisse entendre un témoin, sans que cela ne soit confirmé.
Dans tous les cas, Tesla rappelle à qui veut bien l'entendre que « le pilotage automatique amélioré doit être considéré comme un assistant à la conduite et il est de la responsabilité du conducteur de rester maitre de son véhicule en toutes circonstances », ce qui n'est visiblement pas le cas selon le rapport.
Pour rappel, une conduite autonome est bien à l'ordre du jour et, même si la partie matérielle des voitures est prête, ce n'est pas le cas du logiciel de navigation. Cela n'empêche pas Tesla de vendre cette option plusieurs milliers d'euros alors qu'on ne sait pas quand et où elle sera disponible (voir notre analyse).
La vitesse trop élevée imputable au conducteur
La NHTSA revient également sur la vitesse trop élevée de la voiture au moment de l'accident mortel : 74 mph (environ 119 km/h) sur une route qui est normalement limitée à 65 mph (presque 105 km/h). Cette information avait été dévoilée à l'occasion d'un rapport préliminaire mis en ligne en juillet.
Il ne s'agit pas d'une faute imputable à la voiture, mais d'une demande du conducteur selon le régulateur américain : « La dernière action enregistrée du conducteur était d'augmenter la vitesse du régulateur à 74 mph moins de deux minutes avant l'impact ».
L'enquête est close pour la NHTSA
Dans tous les cas, la conclusion de la NHTSA est claire : « Un possible défaut lié à la sécurité n'a pas été identifié pour le moment et un examen plus approfondi ne semble pas justifié. Par conséquent, cette enquête est close ». Prudente, l'agence américaine ajoute tout de même que « la clôture de cette enquête ne constitue pas une conclusion de la NHTSA selon laquelle il n'existe aucun défaut relatif à la sécurité ». Elle se réserve ainsi le droit de prendre des mesures ultérieurement si cela s'avère nécessaire.
Pour le moment, ce n'est pas le cas et Tesla n'est donc pas contraint de procéder à un rappel de ses voitures ou au moindre aménagement, que ce soit dans sa communication ou son logiciel de pilotage automatique. Dans un très court communiqué, le constructeur indique qu'il apprécie « la minutie et la conclusion du rapport de la NHTSA ».
Pour arriver à ces conclusions, plusieurs fonctionnalités ont été étudiées par la National Highway Traffic Safety Administration : le système de freinage d'urgence (AEB), la relation entre le conducteur et le pilote automatique, les données récupérées et, enfin, les changements mis en place par Tesla.
Tesla n'a pas attendu ce rapport pour prendre des mesures
Il faut dire que depuis l'été dernier, Tesla a procédé à de nombreux ajustements, notamment avec son Autopilot en version 8.0 (voir notre analyse). Celui-ci place désormais le radar comme étant le centre névralgique du système de pilotage automatique, il devient en quelque sorte « les yeux » de la voiture.
Selon Elon Musk, ce changement aurait permis d'éviter la collision de la Tesla S en mai dernier : « je crois qu'il est très probable que le pilote automatique aurait vu un gros objet de métal et aurait freiné » avait-il déclaré lors d'une conférence de presse.
De plus, le comportement de la voiture est désormais plus strict avec les conducteurs qui se laissent guider par le pilote automatique sans mettre les mains sur le volant. Depuis la mise à jour 8.0, en cas d'avertissements répétés et ignorés de l'Autopilot, la fonction Autosteer (assistance au maintien de cap) se désactive automatiquement et le conducteur ne pourra pas la rétablir avant de s'être arrêté.
Est-ce que cela aurait permis d'éviter l'accident dont il est ici question, impossible à dire, un conducteur peut très bien avoir les mains sur le volant sans être concentré sur la route, et ce, pendant plus de sept secondes.
Quand le régulateur américain vante les louanges du pilote automatique
Dans le détail de son exposé des faits, la NHTSA met en avant une statistique intéressante. Elle a en effet calculé le rapport entre la distance parcourue par les voitures avec ou sans pilote automatique, et le nombre d'accidents qui ont déclenché l'airbag (ce sont des données facilement récupérables) :
Le résultat ne laisse pas de place au doute selon le régulateur des transports américain : « Les données montrent que le taux d'accident des véhicules Tesla a chuté de près de 40 pour cent après installation d'Autosteer ». Pour rappel, les clients ont la possibilité d'activer l'option pilotage automatique dans un second temps, moyennant une somme un peu plus importante que si l'option est demandée lors de la commande de la voiture.
Cette conclusion n'est finalement pas surprenante puisqu'en juillet de l'année dernière, Mark R. Rosekind – administrateur de la NHTSA – expliquait qu'on devait « être prêts à tout pour ce qui permet de sauver la vie des gens », on « ne peut pas attendre que ce soit parfait ». Le pilote automatique n'est pas parfait, mais il permet d'éviter des accidents, CQFD pour la NHTSA.
Quoi qu'il en soit, les voitures entièrement autonomes sont à nos portes et devraient arriver en masse d'ici peu. Il reste pour autant beaucoup de travail, notamment sur la partie législative et éthique afin de définir des règles précises sur le sujet. C'est d'ailleurs une des pistes étudiées par le projet France AI qui vient d'être inauguré (voir notre analyse).