Prescription et loi de 1881 : des députés refusent qu’Internet soit « une circonstance aggravante »

De laids délais
Droit 2 min
Prescription et loi de 1881 : des députés refusent qu’Internet soit « une circonstance aggravante »
Crédits : Francisco Javier Gil Oreja/iStock/Thinkstock

La proposition de loi sur la réforme de la prescription en matière pénale sera examinée aujourd’hui à l’Assemblée nationale en seconde lecture. Plusieurs députés de gauche s’opposent au rallongement des délais de prescription sur Internet.

Désormais en dernière ligne de la procédure parlementaire, ce texte entend allonger considérablement les délais de prescription en matière d’abus de liberté d’expression commis sur Internet.

Sur les services de communication au public, l’action publique et l’action civile pour des infractions comme la diffamation ou l’injure « se prescriront par une année révolue » expose l’article 3 de la proposition. Pour comparaison, ce délai est aujourd'hui de trois mois.

Les sénateurs, à l’origine de cette adjonction, ont réservé néanmoins une hypothèse taillée pour ménager la susceptibilité des journaux édités sur papier : si le même contenu en ligne est reproduit également sur support papier, alors on en restera au délai abrégé.

Un allongement injustifié selon plusieurs députés

Les députés Isabelle Attard, Noël Mamère, Sergio Coronado ou encore Laurence Abeille s’opposent à un tel régime : selon eux, « rien ne justifie » un tel allongement. Surtout, il s’agace de « cette tendance à considérer l’usage d’internet comme une circonstance aggravante pour de nombreux délits ». Un mouvement fondé davantage « sur la peur et l’incompréhension de ces usages, plutôt que sur des faits concrets » avancent-ils en appui de leur amendement de suppression.

Toujours dans leur exposé, ils estiment lorsqu’une personne est victime de diffamation, il lui sera « infiniment plus aisé de l’apprendre si un service de communication au public en ligne a été utilisé, que par une publication papier. En effet, un moteur de recherche couplé à un système d’alerte permet d’être averti très régulièrement d’une nouvelle publication. Alors que surveiller toutes les publications papier de tout le pays pour repérer une éventuelle infraction est quasiment impossible ».

Pour Patrick Bloche, une disposition inacceptable 

Dans leur grille de lecture, cette prescription différenciée serait d’ailleurs peu en phase avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, spécialement sa décision 2004‑496-DC qui n’admet pas « de trop grandes différences de régime entre presse papier et numérique en matière de délai de prescription », expliquent-ils. Conclusion : « Il apparaît donc inutile de prolonger le délai de prescription en cas de commission d’infractions par l’intermédiaire d’un service de communication au public en ligne ».

Autre député à avoir déposé un amendement de suppression, Patrick Bloche, le président de la Commission des affaires culturelles. Il juge lui aussi ce régime dérogatoire « injustifié », et pour cause : « au regard de l’impératif de protection de la liberté d’expression, qui vaut tout autant sur internet que pour la presse imprimée, la disposition adoptée par le Sénat n’est pas acceptable et doit être supprimée ».

Rappelons à nouveau que dans un arrêt du 2 novembre 2015, la Cour de cassation a estimé que la publication d’un lien hypertexte vers un ancien article faisait recourir ces trois mois de prescription sous certaines conditions, notamment lorsque l’auteur du lien est aussi celui du texte litigieux.

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