Prescription et loi de 1881 : des députés refusent qu’Internet soit « une circonstance aggravante »

Prescription et loi de 1881 : des députés refusent qu’Internet soit « une circonstance aggravante »

De laids délais

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Marc Rees

Publié dans

Droit

12/01/2017 3 minutes
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Prescription et loi de 1881 : des députés refusent qu’Internet soit « une circonstance aggravante »

La proposition de loi sur la réforme de la prescription en matière pénale sera examinée aujourd’hui à l’Assemblée nationale en seconde lecture. Plusieurs députés de gauche s’opposent au rallongement des délais de prescription sur Internet.

Désormais en dernière ligne de la procédure parlementaire, ce texte entend allonger considérablement les délais de prescription en matière d’abus de liberté d’expression commis sur Internet.

Sur les services de communication au public, l’action publique et l’action civile pour des infractions comme la diffamation ou l’injure « se prescriront par une année révolue » expose l’article 3 de la proposition. Pour comparaison, ce délai est aujourd'hui de trois mois.

Les sénateurs, à l’origine de cette adjonction, ont réservé néanmoins une hypothèse taillée pour ménager la susceptibilité des journaux édités sur papier : si le même contenu en ligne est reproduit également sur support papier, alors on en restera au délai abrégé.

Un allongement injustifié selon plusieurs députés

Les députés Isabelle Attard, Noël Mamère, Sergio Coronado ou encore Laurence Abeille s’opposent à un tel régime : selon eux, « rien ne justifie » un tel allongement. Surtout, il s’agace de « cette tendance à considérer l’usage d’internet comme une circonstance aggravante pour de nombreux délits ». Un mouvement fondé davantage « sur la peur et l’incompréhension de ces usages, plutôt que sur des faits concrets » avancent-ils en appui de leur amendement de suppression.

Toujours dans leur exposé, ils estiment lorsqu’une personne est victime de diffamation, il lui sera « infiniment plus aisé de l’apprendre si un service de communication au public en ligne a été utilisé, que par une publication papier. En effet, un moteur de recherche couplé à un système d’alerte permet d’être averti très régulièrement d’une nouvelle publication. Alors que surveiller toutes les publications papier de tout le pays pour repérer une éventuelle infraction est quasiment impossible ».

Pour Patrick Bloche, une disposition inacceptable 

Dans leur grille de lecture, cette prescription différenciée serait d’ailleurs peu en phase avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, spécialement sa décision 2004‑496-DC qui n’admet pas « de trop grandes différences de régime entre presse papier et numérique en matière de délai de prescription », expliquent-ils. Conclusion : « Il apparaît donc inutile de prolonger le délai de prescription en cas de commission d’infractions par l’intermédiaire d’un service de communication au public en ligne ».

Autre député à avoir déposé un amendement de suppression, Patrick Bloche, le président de la Commission des affaires culturelles. Il juge lui aussi ce régime dérogatoire « injustifié », et pour cause : « au regard de l’impératif de protection de la liberté d’expression, qui vaut tout autant sur internet que pour la presse imprimée, la disposition adoptée par le Sénat n’est pas acceptable et doit être supprimée ».

Rappelons à nouveau que dans un arrêt du 2 novembre 2015, la Cour de cassation a estimé que la publication d’un lien hypertexte vers un ancien article faisait recourir ces trois mois de prescription sous certaines conditions, notamment lorsque l’auteur du lien est aussi celui du texte litigieux.

Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Un allongement injustifié selon plusieurs députés

Pour Patrick Bloche, une disposition inacceptable 

Le brief de ce matin n'est pas encore là

Partez acheter vos croissants
Et faites chauffer votre bouilloire,
Le brief arrive dans un instant,
Tout frais du matin, gardez espoir.

Commentaires (8)


Internet peut déjà être une circonstance aggravante, cf l’art 227-22 du Code pénal :



“Le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption d’un mineur

est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Ces

peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros

d’amende lorsque le mineur a été mis en contact avec l’auteur des faits

grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un

public non déterminé, d’un réseau de communications électroniques[…]”



J’avais vu passer 2 ou 3 autres dispositions dans le code pénal, mais là je ne m’en souviens plus.


Enfin, une idée sensé.


La prescription, ça devrait être comme le droit d’auteur : les héritiers sont responsables jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur.

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Fermez bien vos bouches surtout….




«&nbsp;au regard de l’impératif de protection de la liberté d’expression, qui vaut tout autant sur internet que pour la presse imprimée, la disposition adoptée par le Sénat n’est pas acceptable et doit être supprimée&nbsp;».



Cher Patrick,

Rappelons les faits, quasi toute la presse imprimée est détenue par des fortunes françaises qui ne veulent que du bien à l’esprit critique des français et qui respectent les lois, l’internet non, mais effectivement la liberté d’expression vaut tout autant sur l’internet que pour la presse imprimée.

A la différence cependant que la liberté d’expression pour la presse écrite est un impératif moral et culturel, notamment dans le cadre de l’Exception Culturelle Française, pour le bien de tous nos compatriotes et de nos bébés chats, elle élève les consciences et permet d’éduquer les lecteurs, alors que l’internet est une zone de non-droit où il se trame diverses ignominies, de l’antisémitisme et du racisme, des appels au jihad et au terrorisme, entre autres.

Au vu de cela, comment est-il possible d’imaginer ne pas accompagner l’internet vers une responsabilisation collective pour justement apporter, en soutien avec toutes les parties prenantes, une normalisation des pratiques et un apaisement républicain des internautes.

Je suis certain que tu conviendras toi aussi de la nécessité de passer par cette étape pour l’internet, un peu comme un jeune qui sort de l’adolescence pour devenir un adulte responsable et sociable.

Du coup, ben, anéfé rejeté, lol

Allez bisous


De toute façon, vu la tronche de la réforme au sens large …


Liberté d’expression ? Si ça ne déplait pas (au gournement, aux têtes bien pensantes, etc), c’est ça ? (genre, récemment, en parlant des 100 ans de Kirk Douglas, un collègue m’a parler de la censure du film “Les sentiers de la gloire”).

@&nbsp;jackjack2&nbsp;: “accompagner l’internet vers une&nbsp;responsabilisation collective”, ce n’est pas un peu comme accompagner les magasins (qui vendent des b*mbes aérosol de peinture) et les façades d’immeuble vers…Il est autant (?) difficile d’empêcher quelqu’un d’écrire un propos “qui ne respecte pas la loi” sur un mur que “sur Internet” (même si la portée n’est pas la même, suivant l’emplacement du tag








geeklitant a écrit :



Internet peut déjà être une circonstance aggravante, cf l’art 227-22 du Code pénal :



“Le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption d’un mineur

est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Ces

peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros

d’amende lorsque le mineur a été mis en contact avec l’auteur des faits

grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un

public non déterminé, d’un réseau de communications électroniques[…]”



J’avais vu passer 2 ou 3 autres dispositions dans le code pénal, mais là je ne m’en souviens plus.





Donc si on est raccordé par fibre optique la circonstance aggravante ne s’applique pas : en effet c’est alors un réseau de communication “optique” et non pas “électronique”.