Si financièrement parlant, Samsung se porte plus que bien, cela ne l'empêche pas de continuer à chercher de nouvelles sources de revenus. Sa dernière idée en date : utiliser son parc de dizaines de millions de téléviseurs connectés... pour y diffuser de la publicité.
Samsung ne veut plus seulement se contenter de vendre des millions de produits à travers la planète. Le géant coréen entend bien tirer parti de toutes ses machines confortablement installées dans les foyers pour en tirer quelques bénéfices supplémentaires.
Si l'on imagine difficilement un modèle économique qui permettrait de tirer des revenus récurrents d'un lave-vaisselle, il y a un candidat tout trouvé sur lesquels les clients ont les yeux rivés plusieurs heures par jour.
Toujours plus de publicité à la télé
Ce candidat, c'est la télévision. Et justement, Samsung en écoule des millions chaque année. Une partie de ces écrans sont équipées de fonctionnalités « Smart TV » sur lesquelles le constructeur a la main, que ce soit au niveau du contenu proposé, ou de la nature des mises à jour.
Ces téléviseurs connectés à Internet sont également en capacité de collecter des données sur les programmes regardés lorsque cela passe par les menus ou applications maison. Le fabricant a donc lancé le mois dernier une campagne de test pour afficher de nouvelles publicités dans les menus de ses téléviseurs.
Celles-ci apparaissent en bas de l'écran et occupent une grande partie de l'espace si elles sont mises en surbrillance et ont surtout la particularité d'être basées sur les « intérêts » des spectateurs. Des publicités plus classiques sont déjà affichées sur certains téléviseurs aux États-Unis depuis juin 2015.
Stuart Mayo, le directeur marketing de la branche TV de Samsung explique à The Drum que ces panneaux se veulent « non intrusifs », les opposant à des solutions concurrentes « dont les contenus en surimpression interrompent vraiment l'expérience ». Le responsable assure également que l'entreprise ne « partagera ni ne transfèrera les données de ses clients » reste à expliquer à ces derniers pour quelle raison leur téléviseur leur rajoute une couche de publicité.
Pour Samsung ce dispositif est également l'occasion de recommander des contenus aux téléspectateurs en fonction de leurs goûts respectifs. Un point crucial pour le géant coréen qui compte lancer de nouveaux services pour ses téléviseurs connectés. Il est également question d'arrondir ses marges sur les téléviseurs, qui demeurent très faibles, de l'ordre de 3 à 5 % selon le Wall Street Journal.
La publicité et la fourniture de contenus seraient donc deux moyens de trouver un peu de gras supplémentaire dans un marché qui a tendance à s'éroder et où le besoin d'investissement est important pour continuer à se démarquer.
Un projet rapidement sorti de terre et des alliés inattendus
Samsung n'a pas mis très longtemps à peaufiner ce projet. En juin 2016, le fabricant a discrètement croqué la plateforme canadienne AdGear. À l'époque, les analystes imaginaient que ce rachat avait simplement pour but de faciliter la diffusion de publicité sur les smartphones de la marque, mais le projet est finalement un peu plus large.
Dès octobre, AdExchanger rapportait des discussions entre Samsung et diverses agences de publicité où l'hypothèse d'un réseau de publicité ciblée sur les 50 millions de téléviseurs connectés de la marque a été évoquée. Autre point surprenant : les chaînes de télévision locale américaines verraient aussi l'initiative coréenne d'un bon œil.
Celle-ci nécessite en effet de connaître avec précision ce que les téléspectateurs regardent, et les petites chaînes espèrent pouvoir grâce aux données de Samsung mesurer plus précisément l'audience de leurs programmes, ce que des instituts comme Nielsen et Rentrak ne permettraient pas. La question de la circulation des données se pose donc à nouveau, malgré les promesses de la marque citées un peu plus tôt.
Les autorités veulent clarifier le sort des données
Aux États-Unis, la Federal trade commission (FTC) commence à s'émouvoir de ces changements à venir. Lors d'un atelier sur les télévisions connectées, relayé par AdExchanger, Jessica Rich, la directrice du bureau de la protection des consommateurs, résumait la situation ainsi : « Les consommateurs s'attendent à un certain niveau de collecte de données lorsqu'ils utilisent leur ordinateur. Mais beaucoup d'entre eux ont une relation fondamentalement différente avec leur télévision qu'avec leur ordinateur ».
La crainte est que d'une certaine manière, les télévisions observent le téléspectateur autant qu'il les regardent. La question du suivi des habitudes au travers d'un écosystème complet d'appareils soulève aussi des interrogations, notamment sur la protection des données, et de l'anonymat des personnes.
De l'autre côté, l'industrie de la publicité fait miroiter des avantages aux consommateurs. En ciblant mieux la publicité, il ne serait plus nécessaire d'en diffuser autant qu'actuellement en n'affichant au public que celles qui pourraient éventuellement l'intéresser. Pendant ce temps, sur le web, où le ciblage est la norme depuis de nombreuses années, la pression publicitaire ne semble pas vraiment se réduire.
Il sera ainsi intéressant de voir quelle sera la position de la CNIL sur le sujet chez nous. Ce alors que FAI et publicitaires commencent à se mettre d'accord pour exploiter les données géographiques des clients pour cibler la publicité affichée au sein de leur box TV. Et demain, pourquoi pas les croiser avec leurs habitudes de navigation.