La proposition de loi sur la réforme de la prescription pénale, adoptée au Sénat, sera prochainement examinée par les députés en séance. Une nouvelle fois, des parlementaires ont profité de la fenêtre pour tenter d’étendre les délais de prescription sur Internet en matière d’injure et diffamation, et autres infractions de presse.
Après une tentative, finalement vaine, lors des débats autour du projet de loi sur l’égalité et la citoyenneté, le sénateur François Pillet arrivera-t-il finalement à faire modifier les délais de prescription pour les abus de liberté d’expression commis en ligne ?
Dans le cadre, cette fois, de la proposition de loi sur la réforme de la prescription pénale, l’élu a fait adopter son amendement visant à allonger la prescription des délits de presse (diffamation, injure même non publique, etc.) sur Internet.
Un an de prescription, sauf si le contenu en ligne est diffusé aussi sur papier
Dans le texte passé en octobre au Sénat, il est prévu que l’action publique et l’action civile se prescriront d’une année pour les infractions commises en ligne au lieu et place des traditionnels trois mois jusqu’alors en vigueur. « Un délai de prescription de trois mois apparaît aujourd’hui insuffisant pour permettre aux victimes de constater l’infraction, d’identifier l’auteur et de mettre en mouvement l’action publique. Or si la prescription est de trois mois, l’infraction est néanmoins susceptible de produire ces effets pendant des années. »
Afin de ménager la susceptibilité des mastodontes du secteur de la presse, il est prévu qu’un tel délai ne s’appliquerait pas « en cas de reproduction du contenu d’une publication diffusée sur support papier ». En clair, seuls les pure players seraient concernés, outre les blogs, les messages sur Twitter ou Facebook, etc. L’auteur d’un article publié sur LeMonde.fr et en version papier restera lui soumis à une prescription de trois mois.
Fait notable, cette modification au Sénat a passé le cap de la commission des lois à l’Assemblée nationale, sans aucune modification.
Feu vert de la commission des lois à l'Assemblée nationale
Voilà une quinzaine de jours, le député rapporteur Alain Tourret (RRDP) a considéré en effet que cet allongement « se justifie par la nécessité de redéfinir l’équilibre entre la liberté d’expression et la répression des abus de cette liberté à l’âge du numérique ». Le député a pris en compte d’une part le « caractère limité et proportionné de la disposition introduite par le Sénat, qui augmente seulement de neuf mois la durée du délai et ne s’appliquerait pas si le contenu est diffusé à la fois en ligne et sur support papier ». Et d’autre part, un récent arrêt de la Cour de cassation.
« La chambre criminelle (…) elle-même attache une importance particulière à l’impact du numérique sur les conditions d’accès aux informations diffusées » indique-t-il. Dans un arrêt rendu le 2 novembre, la haute juridiction a en effet posé que la publication d’un lien hypertexte vers un ancien article faisait courir à nouveau les trois mois de prescription sous certaines conditions, notamment lorsque l’auteur du lien est aussi celui du texte litigieux.
La proposition de loi sur la réforme de la prescription pénale sera examinée en séance le 12 janvier.