Fiscalité des sociétés : pourquoi le Conseil constitutionnel a censuré la taxe Google

Soulagement des GAFA, inquiétude des banques
Droit 3 min
Fiscalité des sociétés : pourquoi le Conseil constitutionnel a censuré la taxe Google
Crédits : Marc Rees (licence CC-BY-3.0)

Jeudi dernier, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition qui aurait permis de taxer plus facilement les revenus des GAFA en France. L'arme offrait en effet une part trop belle à l’administration, alors que seul le législateur est compétent pour définir le champ d’application de l’impôt sur les sociétés.

L’article 78 de la loi de finances pour 2017 envisageait d’étendre l’impôt sur les sociétés aux bénéfices réalisés par une personne morale établie hors de nos frontières. Selon le député PS Yann Galut, à l’origine de cette disposition, « l’impôt sur les sociétés payé par Google en 2015 s’est élevé à 6,7 millions d’euros, pour un revenu estimé à plus de 1,5 milliard. Airbnb, dont le résultat est estimé à 65 millions d’euros, n’a payé que 69 000 euros d’impôt ». Autant de montages, regrettait-il, autant de « détournements » réalisés « au détriment de l’État, des services publics, des entreprises locales concurrentes et de tous les citoyens ».

Présomption d’établissement stable en France

Mais que prévoyait cette disposition, concrètement ? D’une part, elle frappait les entreprises établies à l’étranger mais qui conduisent en France une activité de vente ou de prestation de service via une autre personne morale détenue à 50 % ou placée sous leur contrôle. D’autre part, elle permettait de viser également les bénéfices de ces entités, sans démonstration de ces seuils, dès lors qu’il « existe des raisons sérieuses de considérer que l’activité de cette personne morale ou physique a pour objectif d’échapper à l’impôt qui serait dû en France ou d’atténuer son montant ».

La disposition inaugurait donc une présomption d’établissement stable en France afin d’y territorialiser les bénéfices réalisés par les entités étrangères, notamment via des sites Internet. « Actuellement, détaillait un rapport parlementaire préparatoire au projet de loi de finances, l’économie numérique pose une réelle difficulté aux administrations fiscales dans la mesure où elle permet, relativement facilement, d’échapper à la notion d’établissement stable du fait de la dématérialisation des procédures de vente et donc de l’absence de sites physiques sur le territoire des États dans lesquels les ventes sont réalisées ».

Une imposition subordonnée à une procédure de contrôle

Seulement, les parlementaires avaient (curieusement) conditionné ce régime au seul cadre de la vérification de comptabilité. Il revenait donc à une décision de l’administration « d’opposer au contribuable la présomption » précitée.

Et c’est typiquement cette condition qui a fait tiquer le Conseil constitutionnel puisque l'administration aurait eu alors la liberté de choisir, parmi les contribuables, ceux vérifiés qui auraient effectivement été soumis à ce nouvel outil. Or, « si le législateur dispose de la faculté de modifier le champ d'application de l'impôt sur les sociétés, afin d'imposer les bénéfices réalisés en France par des entreprises établies hors du territoire national, il ne pouvait, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, subordonner l'assujettissement à l'impôt à la décision de l'administration d'engager une procédure de contrôle. » 

En clair, pour passer entre les griffes du Conseil constitutionnel, il aurait fallu décorréler l'article 78 des procédures de vérification de comptabilité afin que toutes les entreprises, même non numériques, soient soumises au même régime prévu par la loi.

Plus de fenêtre parlementaire

Malgré cette explication de texte, Yann Galut a réagi dans les colonnes de Libération pour dénoncer « une décision incompréhensible » où « une fois de plus le Conseil constitutionnel choisit de censurer un texte contre l’évasion fiscale ». Le député socialiste, proche d’Arnaud Montebourg, a promis de revenir avec une nouvelle mouture. Seul hic, il n’y a plus de fenêtre parlementaire d’ici l’élection présidentielle. « Ce sera donc à la prochaine majorité, issue des élections législatives de s’emparer de cette question. »

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