Le ministère de l'Économie et des finances a publié un rapport concernant l'évolution des frais de tenue de compte. Ceux-ci tendent à se généraliser et monopolisent l'attention dans le dernier observatoire des tarifs bancaires.
Si comme des millions de français, vous disposez d'un ou plusieurs comptes bancaires, la nouvelle n'a certainement pas dû vous échapper. De plus en plus de banques profitent de la révision de leurs tarifs pour y glisser diverses augmentations, ou facturer des services qui la plupart du temps étaient gratuits auparavant. Les frais de tenue de compte font partie de ceux-là.
La gratuité n'est plus la norme
Le ministère de l'Économie et des finances a d'ailleurs missionné Emmanuel Constans, Président du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), de la rédaction d'un rapport sur l'évolution de ces frais, qui a été mis en ligne il y a quelques jours seulement.
La progression des frais de tenue de compte s'est faite en deux temps. Ils étaient « traditionnellement appliqués par un nombre très limité d’établissements de crédit, essentiellement les banques de l’outremer et, à un niveau de tarification très faible, la Banque Postale », note le rapporteur. Mais deux chocs se sont produits. Un premier au début des années 2010, suite, et un autre au premier semestre 2016. C'est au second que s'intéresse le rapport du CCSF.
Évolution du nombre de banques offrant les frais de tenue de compte à leurs clients
Sur les 120 principaux établissement bancaires français (représentant 97,3 % du marché) le nombre de ceux pratiquant la gratuité de ce service se réduit comme peau de chagrin. Ils étaient 53 début 2011, et ne sont plus que 18 au 5 janvier 2016. Un chiffre qui selon l'organisme reculera encore en 2017 « avec les annonces de la Société générale et de LCL ».
Une jungle de tarifs hétérogènes, en hausse constante
D'une banque à l'autre, les frais de tenue de compte peuvent voir leur coût varier dans des proportions très importantes. Si quelques établissements prônent encore la gratuité, d'autres n'hésitent pas à facturer jusqu'à 146 euros par an. Un point qui irrite particulièrement les associations de consommateurs. Elles soulignent dans l'étude que « cette pratique n’est pas conforme à l’usage prévalant en France, où il a toujours été considéré que les banques assuraient un service en contrepartie des dépôts qu’elles recevaient ».
La moyenne des frais de tenue de compte affichés est d'ailleurs en progression depuis cinq ans. En 2011, elle n'était que de 13,07 euros sur l'ensemble de l'échantillon. Début 2014, elle était de 13,82 euros, avant d'exploser en 2015 (15,93 euros), et encore en 2016 (18,92 euros), soit une augmentation de 37 % en deux ans, très nettement supérieure à l'inflation.
Le rapporteur souligne toutefois un point intéressant. Si en façade les tarifs explosent, en pratique les clients ne sont que peu nombreux à réellement payer pour ce service. « D’après les entretiens menés, il apparaît que selon les réseaux bancaires de 50 % à 90 % des clientèles sont de fait exonérées de frais de tenue de compte à un titre ou un autre. En moyenne, il semblerait que de 20 à 30% seulement des consommateurs aient à régler des frais de tenue de compte tous réseaux confondus ». Une donnée qui laisse entendre que ces frais sont assez facilement négociables pour les clients.
Évolution moyenne des frais de tenue de compte
Une justification discutable
Pour expliquer ces hausses, les banques invoquent à l'unisson « la rentabilité des opérations bancaires », assurant « faire face à la fois à des baisses significatives de marges d’intérêt et à des risques accrus de transformation en cas de remontée des taux longs ». Celles-ci profitent néanmoins sur le court terme de la situation avec les commissions de renégociations des crédits immobiliers.
Les évolutions d'ordre réglementaire tireraient aussi sur les cordons de leurs bourses. Les banques françaises expliquent ainsi que « sur le plan international, le renforcement des exigences en fonds propres des établissements a un coût qui se répercute sur les facturations aux consommateurs ». À l'échelon national, les établissements citent le plafonnement des commissions pour incidents de paiement, la Loi Eckert sur les comptes en déshérence et même la dernière loi de programmation militaire (LPM) « qui a accru les exigences pour les banques en matière de cyber sécurité », et donc leurs coûts.
Et il n'y a pas que la LPM qui perturbe les banques côté sécurité, l’appétit des français pour les services en ligne est un autre facteur à prendre en compte. Les établissements estiment que la mise à disposition d'applications sécurisées pour que les clients effectuent leurs opérations eux-mêmes, nécessite de gros moyens. « Les investissements en matière de sécurité et d’applicatifs pour que 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par an, les consommateurs puissent réaliser des opérations restent très élevés et se renouvellent sans cesse, car les tentatives d’intrusion dans les systèmes sont permanentes et toujours plus sophistiquées », plaident-ils. Des coûts qui se répercutent donc sur la facture des clients.
Les associations montent au créneau
De l'autre côté du guichet, les associations de consommateurs relèvent de nombreux problèmes. D'abord, selon elles les clients n'ont pas suffisamment été informés de ces évolutions tarifaires, ce même si les banques ont toutes respecté la réglementation en vigueur. Il leur est reproché d'avoir noyé l'information dans des extraits de plaquettes tarifaires, où ces frais formaient une nouvelle ligne, peu ou pas mise en avant. « Rares ont été les établissements à communiquer avec une lettre ou un prospectus séparé expliquant le pourquoi de cette nouvelle tarification », soulignent-elles.
Les associations sont aussi vent debout contre l'augmentation des tarifs, ainsi que la généralisation des frais de tenue de compte. Elles regrettent ainsi « que cette nouvelle tarification se fasse sans nouvelles contreparties », ce alors que le cadre légal français impose des paiements par voie scripturale dans de nombreux cas de figure (versement des salaires, transactions au-delà de 1000 euros...).
Elles soupçonnent même les banques de s'entendre sur le coût de cette prestation, ce qui est malheureusement encore difficile à déceler, tant les écarts sont importants entre certaines enseignes. Autre argument : les banques se serviraient de ces frais pour pousser leur clientèle à opter pour des packs de services, plus coûteux, incluant les frais de tenue de compte ou offrant une réduction les concernant.
Enfin, les associations estiment que les banques font de substantielles économies de personnel grâce à la numérisation des services : « là où un agent faisait un virement en agence, le client le fait lui-même via son téléphone ou sa tablette ». Pour elles « à partir du moment où les banques traditionnelles viennent sur le terrain des banques en ligne, elles devraient aligner leur tarification ». Ambiance.
Les banques répondent quant à elles qu'elles ne peuvent réduire la taille de leurs réseaux, ce pour des raisons diverses. Sont évoqués pêle-mêle l'attachement des consommateurs aux services de proximité et des questions d'emploi : « certains établissements ont confirmé que la fermeture d’agences entraînait souvent une diminution de l’activité commerciale dans la zone par fermeture de comptes et difficulté de recrutement de nouveaux clients ».
Une carte bancaire, combien ça coûte ?
Il n'y a pas que le tarif des frais de tenue de compte qui augmente, détenir une carte bancaire devient également de plus en plus cher. Sur 110 banques françaises, 65 ont appliqué une hausse au tarif de leurs cartes à débit immédiat (type Visa/Mastercard) entre 2015 et 2016, et aucune n'a revu ses prix à la baisse.
Leur tarif annuel moyen est ainsi passé de 38,44 euros par an en 2015 à 39,24 euros en 2016, soit une hausse de 2,08 %. Par rapport à fin 2009, la hausse atteint même 12,58 %, relève l'observatoire des tarifs bancaires. Mais là encore les différents établissements affichent des tarifs très différents. Ainsi, en dehors des banques proposant leur carte gratuitement, les tarifs observés varient du simple au double : de 24 à 47 euros par an pour les offres standard. Faire jouer la concurrence peut donc avoir du bon.
Les clientèles plus « fragiles » sont elles aussi touchées par la hausse des tarifs des cartes qui leur sont dédiées. Ainsi, le prix moyen de la cotisation annuelle pour une carte de paiement à autorisation systématique (Electron, Maestro...) a augmenté de 2,2 % entre début 2015 et 2016, atteignant désormais 30,71 euros. Par rapport à fin 2009, la hausse est moins marquée que pour les cartes à débit immédiat, avec 8,4 % seulement.
Des virements quasi gratuits
Par contre, du côté des virements, la gratuité devient la norme, à condition de ne pas faire le déplacement dans une agence, où au contraire les prix grimpent. Ainsi ordonner un virement SEPA avec le concours d'un guichetier vous reviendra en moyenne à 3,69 euros. Si vous y procédez en ligne, 121 banques vous permettront de le faire gratuitement, et cinq autres vous factureront un maximum de... 30 centimes d'euro.
Pour ce qui est des prélèvements automatiques, les choses se gâtent. Si 114 établissements pratiquent la gratuité pour la mise en place des prélèvements, onze autres affichent encore pour des tarifs s'échelonnant entre 1 et 16,30 euros pour ce service. Le coût unitaire de chaque opération après sa mise en place est néanmoins gratuit, et ce dans l'ensemble des établissements sondés par le ministère.
Commissions d'intervention : mieux vaut ne pas être dans le rouge
L'observatoire s'est également penché sur le cas des commissions d'intervention. Il s'agit de frais facturés par les établissements bancaires lorsqu'ils acceptent de laisser passer une opération débitrice qui place un compte dans une situation d'anomalie (découvert prolongé, dépassement du plafond du découvert...). La loi française impose depuis juillet 2013 un montant plafonné à 8 euros par opération, avec un maximum de 80 euros par mois. Pour les offres destinées à une clientèle « fragile », les plafonds sont respectivement de 4 et 20 euros.
Ce n'est toutefois pas sur ces opérations là que les banques françaises cherchent à se différencier. Le prix moyen des commissions d'intervention est ainsi passé de 7,73 euros début 2015 à 7,72 euros en 2016. Une variation infime signe de la quasi absence de concurrence dans ce domaine. Quelques établissements en ligne tentent néanmoins de se démarquer en ne les facturant pas, mais il n'est pas dit que cet argument fasse mouche.
Fintech et mobilité bancaire
Il faut aussi dire que la mobilité bancaire n'est pas (encore) entrée dans les mœurs. Changer de banque est en général assez complexe, nécessite un certain niveau de « paperasserie », les clients ayant aussi tendance à penser qu'ils ne peuvent pas changer de réseau dès lors qu'ils y ont leur crédit immobilier par exemple.
Mais deux tendances vont émerger dès 2017. La première concerne la mobilité bancaire, qui entrera en vigueur le 6 février et viendra largement simplifier le changement de banque. La seconde est celle de la montée en puissance des sociétés qui veulent faire bouger le secteur, les « fintech ».
Cela a commencé par la montée en puissance des banques en ligne, qui proposent gratuitement de nombreux services, de la carte bancaire en passant par de nombreux frais. Mais il s'agit en général d'une offre dérivée des banques, qui en restent les propriétaires. D'autres solution commencent à se faire connaître, de Compte Nickel à N26 pour la gestion de compte en passant par IBAN First pour les entreprises par exemple.
Orange l'a d'ailleurs bien senti et lancera son offre Orange Bank dès janvier afin de tenter de venir se tailler une part de ce marché, aussi juteux qu'à l'aube de grandes mutations.
Un comparateur public pour faire son choix
Le CCSF profite de son côté de ce rapport pour rappeler que depuis le 1er février 2016, un comparateur public des tarifs bancaires a été mis en place, à la demande du ministère de l'Économie et des finances. Celui-ci permet au consommateur de faire son choix entre les différents établissements présents dans son département, et de sélectionner les critères qui lui semblent importants, dans une liste malheureusement un peu limitée.
Certains tarifs ne sont en effet pas inclus, tels que le taux d'intérêt des agios en cas de découvert autorisé ou non, les commissions d'intervention, ou les frais de rejet pour les prélèvements. L'outil public permet néanmoins de filtrer les banques en lignes de celles disposant de guichets en dur, pour réaliser certaines opérations.