La Commission nationale consultative des droits de l’Homme vient de publier un avis au vitriol contre « l’état d’urgence permanent ». Une diffusion tardive, au lendemain de l’adoption par le Parlement de la cinquième prorogation, jusqu’au 15 juillet 2017.
« La CNCDH s’alarme de son installation dans le fonctionnement habituel des institutions de la République » explique le document avant de justifier ce coup de griffe : la menace terroriste ne devrait pas faiblir à l’avenir et faute « d’évènements prévisibles », le critère du « péril imminent » exigé par l’article 1er de loi de 1955 ne serait pas rempli.
Comme l'ont soutenu les rares parlementaires opposés à ce régime, la Commission estime que cette prorogation « constitue avant tout une démarche en direction de l’opinion publique, plus qu’elle ne répond aux nécessités de la lutte anti-terroriste ». Dans son esprit, les perquisitions administratives n’ont « pas donné lieu à des résultats significatifs », contrairement donc à ce qu'a affirmé le ministère de l'Intérieur devant la représentation nationale.
« Par la rhétorique martiale permanente qu’elle mobilise, [la logique de l’état d’urgence] empêche de replacer le débat sur des bases rationnelles, seules aptes à fonder une politique efficace ». L’avis identifie quatre dangers pour la démocratie.
Quatre dangers pour la démocratie
Premièrement, l’outil qui avait été justifié par la lutte anti-terroriste est devenu un instrument de maintien de l’ordre. Ensuite, « en touchant presque exclusivement des personnes de confession musulmane réelle ou supposée, et en aggravant le sentiment d’être victimes d’ostracisme, les mesures prises sur le fondement de la loi de 1955 compromettent la cohésion nationale ».
En outre, l’état d’urgence consacre une action prédictive de l’administration, où à coup de notes blanches, un individu va être qualifié de menaçant pour l’ordre et la sécurité publics. Le juge n’intervient plus systématiquement a priori pour décider des restrictions des libertés mais qu’a posteriori, s’il est du moins saisi.
Enfin, la mise entre parenthèses de la Convention européenne des droits de l’Homme par la France (comme la Turquie ou l’Ukraine) « est de nature à sérieusement fragiliser la garantie collective des droits de l’homme ». Le risque ? Une « atteinte à l’autorité de la Cour de Strasbourg, à un moment où les attaques dont celle-ci fait l’objet dans plusieurs pays compromettent le patrimoine de « respect de la liberté et de prééminence du droit » commun aux États membres du Conseil de l’Europe ».
L’avis de la CNCDH intervient très tardivement, juste après le vote des sénateurs et des députés. Le projet de loi est ainsi paré pour sa promulgation et sa publication au Journal officiel.