La commission des finances plaide pour la suppression pure et simple de la Taxe YouTube ou Dailymotion. Non sans expliquer pourquoi dans le cadre des discussions autour du projet de loi de finances rectificatives pour 2016.
Cette taxe sur la publicité des vidéos gratuites et sur les abonnements sur les sites de vidéo à la demande a été adoptée par les députés le 6 décembre dernier. La ponction, plébiscitée par le CNC qui en touchera les fruits, est évidemment étrillée par les services concernés, mais saluées par les sociétés de gestion collective.
Côté SACD, c’est la satisfaction : ce dispositif « répond à un enjeu capital : moderniser le financement de la création audiovisuelle et cinématographique et renforcer le soutien aux créateurs du numérique et aux YouTubers tout en assurant une stricte égalité entre des services et des plateformes qui ont pour activité de distribuer et de mettre à disposition des œuvres audiovisuelles et cinématographiques ».
Même son de cloche à l’Arp, la société civile des auteurs réalisateurs et producteurs : « L’inscription dans la loi de ce principe vertueux, selon lequel tous ceux qui profitent de la création doivent contribuer à son financement, représente une avancée fondamentale en faveur de la création. Elle affirme aussi l’objectif d’une équité fiscale et d’une responsabilité partagée entre plateformes payantes et gratuites ».
L’Asic, association des services internet communautaire dans laquelle on retrouve YouTube, Dailymotion, Facebook et bien d’autres, a publié ce 12 décembre un nouveau communiqué. Selon elle, au contraire, « aucun Youtubeur ou MotionMaker n’est en mesure de bénéficier d’un quelconque centime d’euro de la part du CNC pour ses courtes vidéos diffusées exclusivement sur le réseau Internet ».
Elle aurait ainsi aimé que « les parlementaires adoptent une mesure fléchant 30% de l’ensemble des aides octroyées par le CNC au bénéfice des créateurs présents uniquement sur des plates-formes en ligne ». Elle résume son coup de griffe par ce graphique :
Au Sénat, cette disposition a subi des critiques similaires. « Quatre raisons fondamentales » ont été identifiées hier par la Commission des finances pour justifier sa suppression.
Des problèmes de territorialité, un visa pour la délocalisation
D’un, la question de la territorialité. « Si la taxe est en principe due par toutes plateformes françaises et étrangères, l’administration fiscale française aura en pratique les plus grandes difficultés à recouvrer celle-ci auprès des grandes plateformes étrangères, qui représentent environ 90 % du marché ». En ciblant des acteurs étrangers, Google pour ne pas le citer, la taxe va surtout peser sur Dailymotion. Le tout pour un rendement faible, un million d’euros, expurgé au prix de recouvrements parfois complexes.
De deux, cette disposition pourrait créer un risque de délocalisation notamment en dehors des frontières européennes.
Une assiette complexe, un approche sectorielle contestée
De trois, l’assiette est difficile à établir. Le texte prévoit par exemple un abattement de 66 % pour les pubs engrangées sur les vidéos amateurs. Mais quand est-ce que ce critère est opérationnel ? « Qu’en est-il, par exemple, des vidéos amateurs totalisant des centaines de milliers de vues, telles que celles des Youtubers ? » Amateur, Pro ?
De quatre enfin, une approche sectorielle est jugée contestable. Pour résoudre le problème de la fiscalité des géants du net, est-il judicieux de prévoir une nouvelle taxe, contraire aux engagements de la majorité ? Faut-il faire le choix d’une taxe affectée, taillée pour les seuls intérêts défendus par le CNC ? Le Centre est d‘ailleurs « l’opérateur de l’État qui perçoit les plus importantes ressources fiscales affectées » (666 millions d’euros en 2016). Dans l’esprit de la commission, « aborder la question de l’évasion fiscale des géants du numérique par le prisme du financement de la création » est tout sauf opportun puisqu’ « il s’agit d’un problème plus global ».
Le texte sera bientôt débattu en séance. En cas d'échec de la commission mixte paritaire, les députés auront le dernier mot.