Afin d’épauler les administrations qui souhaiteraient organiser des consultations en ligne de citoyens, une sorte de guide de bonnes pratiques vient d’être dévoilé. Tout en incitant les responsables politiques à s’engager sur la voix de la « co-construction » des politiques publiques, ce rapport s’oppose fermement à une généralisation de ces initiatives.
Ce document, qui souligne lucidement dès son sous-titre que les consultations en ligne sont « un instrument précieux (...) qui requiert une forte implication des organisateurs », est le fruit d’un travail mené par le Coepia – pour « Conseil d'orientation de l'édition publique et de l'information administrative ». L’institution compte parmi ses rangs de nombreux représentants d’administrations, d’éditeurs privés, ainsi que quelques représentants de « groupes de réflexion sur l'ouverture des données publiques et le Gouvernement ouvert ».
Pour ses membres, les consultations en ligne « constituent un instrument nouveau et prometteur de participation du public à la prise de décision publique ». Tout en permettant d’améliorer l’élaboration des normes (on a vu ce qu’il en avait été sur le projet de loi Numérique), ces procédures se présentent selon les auteurs de ce rapport comme « une forme de démocratie directe », qui « a un rôle à jouer dans la construction des consensus et dans l’acceptabilité des réformes ».
Des initiatives qui requièrent un « fort investissement » de la part des administrations
Après avoir mené différents entretiens au cours de l’année 2016, le Coepia a principalement voulu « dégager une doctrine d’emploi » et rassembler dans un même document « un ensemble de conseils de méthodologie » à destination des administrations qui voudraient se lancer dans l’aventure.
C’est toutefois par un avertissement que l’institution commence son rapport. « Pour être bénéfique, la consultation requiert un fort investissement des administrations » : préparation des sujets, information du public, exploitation des avis émis durant la consultation, rédaction d’une synthèse, etc. « L’investissement humain et financier est donc substantiel », explique le Coepia – qui cite à titre d’exemple les 50 000 euros dépensés pour la consultation sur l’avant-projet de loi Numérique (« pour la mise à disposition de l’outil, les actions de communication et les événements organisés »).
A contrario, « une consultation a minima, sans outil adapté, sans exploitation minutieuse des résultats par l’administration et sans retour fait au public est pire que l’absence de consultation ouverte : elle ralentit l’élaboration de la décision publique, constitue un investissement à fonds perdus et surtout altère la crédibilité de ces outils et de l’administration elle-même auprès du public », poursuit le rapport.
De nombreux conseils d'organisation, le logiciel libre à favoriser
Après avoir rappelé les règles juridiques à respecter par les administrations, ainsi que les principales considérations déontologiques (respect du public, de l’intérêt général...), le Coepia détaille comment organiser méthodiquement une consultation en ligne :
- Préparation de la consultation (préciser son objet, fixer un calendrier, choisir l’outil de consultation,...)
- Consultation et participation du public (invitation et accompagnement des internautes, etc.)
- Restitution des résultats
- Suivi de la consultation
L’institution émet de nombreux conseils et formule différentes recommandations. Elle préconise notamment d’opter pour un logiciel de consultation libre, « dont le code [est] accessible et [peut] ainsi être audité par le public ». La mission Etalab travaille d'ailleurs en ce sens (voir notre article).
Les administrations sont d’autre part encouragées à « permettre une présentation lisible de documents nombreux, avec une navigation aisée entre les différents aspects de la question posée et de la documentation fournie », à autoriser les participants à « voter pour certains commentaires ou certaines propositions », à diffuser une « synthèse de la consultation et, postérieurement, des documents rendant compte de l’usage qui a été fait de la consultation », etc.
L'institution s'oppose à une généralisation des consultations en ligne
Tout en incitant implicitement les pouvoirs publics à multiplier les consultations en ligne, le Coepia prend très distinctement ses distances vis-à-vis de la récente proposition de loi des députés Patrice Martin-Lalande (LR) et Luc Belot (PS) visant à systématiser ces initiatives. L’institution « ne recommande pas la généralisation de ce type de consultation à tout projet de texte », prévient son rapport.
Et ce pour plusieurs raisons. « D’une part, l’excès de consultation pourrait saturer la capacité du public à pleinement participer », explique tout d’abord le Conseil. D’autre part, parce que « la consultation conduit à modifier certains articles mais aussi à en ajouter d’autres ou à préciser davantage certaines dispositions ». À ses yeux, l’exercice devrait dès lors « être concentré sur les projets qui en ont le plus besoin ».
Le Coepia invite ainsi les responsables publics à « se garder d’en faire une exigence formelle, mécanique, à laquelle ne seraient pas apportées les moyens et les soins nécessaires. Le fruit de telles consultations serait sans doute décevant et surtout dangereux pour la crédibilité des pouvoirs publics. » L’institution préférerait que la question de l’organisation d’une consultation soit posée au cas par cas. Elle regrette cependant qu’à ce jour, cette interrogation ne soit « pas encore rentré[e] dans la culture administrative »...