TorrentReactor, TorrentHound, LimeTorrents et TorrentFunk bloqués en France, aux frais des majors

Le coût du lapin
Droit 5 min
TorrentReactor, TorrentHound, LimeTorrents et TorrentFunk bloqués en France, aux frais des majors
Crédits : Xavier Berne

La société civile des producteurs phonographiques a obtenu cet été le blocage de 4 sites de téléchargements ainsi qu’une ribambelle de sites miroirs. Seulement, le TGI de Paris a ordonné à cette représentante des majors du disque d’en supporter coûts. La SCPP a fait appel. 

La décision n’avait pas été ébruitée dans  le cœur de l’été. Le 16 juillet dernier, la société de gestion collective des majors de la musique a pourtant pu faire bloquer un wagon de sites. Des sites trop dédiés à son goût à la dissémination de liens Torrents vers des contenus puisés sans droits dans son catalogue.

TorrentReactor, TorrentHound, LimeTorrents et TorrentFunk

En décembre 2015, elle fait constater sur TorrentReactor, TorrentHound, LimeTorrents et TorrentFunk la présence de « dizaines de milliers de phonogrammes et vidéogrammes » de son répertoire. Quatre mois plus tard, faute d’avoir pu identifier les éditeurs, la SCPP assigne Orange, Bouygues Télécom, SFR et Numericable sur le fondement de l’article L336-2 du Code de la propriété intellectuelle.

Un article à tout faire : adopté à l’occasion de la loi Hadopi, il permet aux titulaires de droits de solliciter du juge toute mesure permettant de faire cesser ou prévenir une atteinte à leurs intérêts. Et parmi cette trousse à outils, évidemment figurent les mesures de blocage.

« Ces sites revendiquent leur caractère illicite ainsi qu’en témoignent leur dénomination et les mentions qu’ils comportent » a insisté la société de gestion collective.

Matérialité des atteintes aux droits

Au vu des pièces - « de très nombreux enregistrements phonographiques anciens et récents d’artistes français et étrangers notoirement connus appartenant [à son] répertoire » -, l’argument a fait mouche : le TGI de Paris a lui aussi constaté « la matérialité des atteintes aux droits d’auteur ».

Et peu importe que ces sites ne fournissent que des liens, sans rien héberger. L’essentiel est là : ils « ont permis aux internautes de procéder au téléchargement des œuvres litigieuses en fournissant la mise à disposition des contenus, c’est-à-dire ont donné aux internautes les moyens de reproduire des œuvres, dont ils ne détenaient pas les droits ».

Torrent = illégal pour la justice

Les juges ont retenu dans le même temps l’absence de droits d’exploitation. Une qualité « connue car la dénomination torrents renvoie à une activité de téléchargement illégal » avancent-ils imprudemment. Une justification curieuse alors qu’on trouve des contenus licites sur les réseaux P2P. De plus le mot « Torrent » est neutre. Il est même utilisé pour des œuvres cinématographiques, dans la presse ou… dans la musique !

Ajoutant surtout que ces quatre avaient déjà été condamnés par d’autres juridictions européennes, ils en ont déduit que la SCPP était bien fondée dans ses demandes. 

Blocage de quatre sites et de nombreux miroirs

À Free qui estimait que le blocage était une mesure par définition inefficace, car facilement contournable, le TGI a rétorqué que tous les internautes n’ont pas « la volonté affermie de participer à une piraterie mondialisée et à grande échelle ». De plus, « les mesures sollicitées visent le plus grand nombre des utilisateurs, lesquels n’ont pas nécessairement le temps et les compétences pour rechercher les moyens de contournement que les spécialistes trouvent et conservent en mémoire ».

En somme, l’argument n’a pas de poids en l’état, comme l’a déjà jugé la CJUE dans sa décision Telekabel. Le blocage « est le seul moyen réellement efficace dont disposent actuellement les titulaires de droits de propriété intellectuelle pour lutter contre la contrefaçon sur internet ».

Au final, les FAI se sont vus ordonner de bloquer selon la technologie de leur choix, et pour une durée d’un an ces quatre sites : 

  1. torrentreactor.com
  2. torrenthound.com
  3. limetorrents.cc
  4. torrentfunk.com 

Ainsi que leurs sites miroirs, limitativement listés :

  1. torrentreactor.net
  2. torrentreactor.site
  3. torrentreactor.in
  4. thepiratebay.cool/torrent-hound
  5. torrenthound.cc
  6. torrenthound.ru
  7. torrenthound.se
  8. limetorrents.in
  9. limetorrents.ws
  10. limetorrents.info
  11. limetorrents.site
  12. limetorrents.com
  13. limetorrents.co
  14. limetor.co
  15. limetor.com
  16. limetor.net
  17. torrentfunk.ee
  18. torrentfunk.in
  19. torrentfunk.xyz 

Classiquement, en cas de nouveaux miroirs, les parties devront revenir devant le TGI, sauf meilleur accord, pour réactualiser la liste noire. 

Les majors doivent supporter les coûts 

Mais le plus important n’est pas là. Il touche à la question des coûts. Sur sa lancée, la SCPP avait demandé que ces mesures de blocages ne soient supportées que par les seuls intermédiaires techniques. 

À l’audience, Orange a opposé qu’« Il n’existe aucune mesure légale spécifique au droit d'auteur imposant la prise en charge des coûts (…), ce qui postule corrélativement que ces coûts doivent être forcément supportés par la demanderesse à l'injonction ». À l’appui de ses arguments, elle a souligné que « divers textes prévoient que les intermédiaires techniques sont remboursés lorsqu'ils bloquent des sites qui portent atteinte, non pas à des intérêts strictement privés, mais à l'ordre public ».

Même défense chez Free, Numéricable, SFR ou Bouygues Télécom pour qui, les majors devront rembourser leurs interventions, y compris celles liées à la maintenance, à la supervision ou aux éventuelles difficultés de gestion.

Le 15 mars 2016, la Cour d’appel de Paris ordonnait le blocage d’une ribambelle de sites appartenant à la galaxie Allostreaming en faisant supporter cette mesure par les seuls FAI. Dans le présent jugement, tout change : en s’appuyant aussi sur la jurisprudence européenne, mais aussi et surtout celle du Conseil constitutionnel, le TGI a jugé au contraire que ce coût des mesures « ne peut être mis à la charge des défendeurs qui ont l’obligation de les mettre en œuvre ». 

En effet, aucun élément versé au débat ne permet de dire que les FAI « tirent un bénéfice quelconque du fait de la mise à disposition des internautes des moyens d’accès à des sites pirates ». D’une part, ils ne touchent pas d’argent sur les pubs placardées sur ces sites. D'autre part, le prix des abonnements Internet est fixe.

Bref, à celui qui veut faire bloquer de sites d’en assumer la charge. Dit autrement, ce blocage est ordonné dans le seul intérêt de la SCPP, laquelle défend des intérêts privés et doit donc en assumer les conséquences. Dernier verre pour la route, la société civile devra indiquer aux fournisseurs d'accès « les sites dont elle aurait appris la fermeture ou la disparition, afin d’éviter des coûts de blocage inutiles ».

Selon nos informations, la SCPP a fait appel de la décision.

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