Les fournisseurs d'accès sont toujours à la traine sur le déploiement d'IPv6, pourtant devenu une urgence. Free s'affiche en bon élève, avec un taux d'utilisation d'IPv6 de 24 %, contre 16 % pour Orange et des miettes pour les autres. Sur mobile, les premières activations doivent (enfin) commencer l'an prochain.
Le protocole de l'Internet très haut débit du futur prend son temps. Cela alors que la pénurie d'adresses IPv4 est une réalité de plus en plus inquiétante pour les acteurs des réseaux.
C'est ce que révèlent (encore) les chiffres publiés par l'Arcep sur le déploiement d'IPv6 en France, sur la base de mesures externes et de questionnaires aux fournisseurs d'accès. Il s'agit de la deuxième édition de l'observatoire (en bêta) du régulateur sur le déploiement d'IPv6, après un premier fin septembre. À cette occasion, nous avions discuté avec le régulateur, qui constatait déjà que les fournisseurs d'accès sont le maillon faible sur la question dans l'Hexagone.
Ce rapport est la conséquence d'une demande d'Axelle Lemaire et de la nouvelle approche du régulateur sur ses observatoires. Plutôt que de produire elle-même les données, l'autorité s'appuie sur des indicateurs existants, dont elle contrôle la méthodologie. C'est la méthode qu'elle compte aussi mettre en place pour les mesures de qualité de service sur la téléphonie et l'Internet fixe, en remplacement de mesures fournies par les fournisseurs d'accès.
Des avancées... et quelques reculs
En l'occurrence, les données proviennent d'observatoires divers, de Cisco 6Lab à Google, en passant par le rapport sur la résilience de l'Internet français. Des questionnaires sont envoyés aux acteurs français des réseaux pour les compléter, notamment sur les angles morts des autres indicateurs.
Selon les chiffres compilés par l'Arcep, les équipementiers affichent toujours une compatibilité de 100 % avec IPv6. Les problèmes sont à chercher ailleurs. La transition vers IPv6 est effectuée à 70 % chez les intermédiaires techniques, contre 73 % trois mois plus tôt. L'infrastructure DNS est déclarée compatible à 60 % (contre 63 % fin septembre), contre 56 % pour les fournisseurs de contenus.
Sans surprise, selon les données de Google, 13 % des échanges avec les fournisseurs d'accès passent par IPv6, contre 10 à 12 % il y a trois mois. Si la situation n'est pas parfaite ailleurs, par exemple chez les fournisseurs de contenus, les FAI sont toujours le maillon faible. Une situation qui mettra du temps avant de changer significativement.
Free, meilleur ami d'IPv6 en France, mais rien sur mobile
Dans le détail, selon les données du World IPv6 Launch et celles recueilles par l'Arcep, Free reste le meilleur élève en la matière, ayant commencé ses déploiements dès 2007. 24 % des connexions du fournisseur d'accès passent par le protocole moderne, contre 16 % chez Orange, 1 % chez Bouygues Telecom et... 0,5 % chez SFR. Le reste passe par IPv4, toujours disponible en parallèle d'IPv6, pour les clients en bénéficiant.
Ces chiffres, bas, doivent être pondérés. Chez Free par exemple, cela ne veut pas dire que seuls 24 % des clients ont accès à IPv6, mais que seuls 24 % des échanges se font via ce protocole. Pour un client ayant à la fois accès à IPv4 et IPv6, entre 30 % et 50 % seulement des échanges passent par IPv6. La faute en revient en partie au reste de la chaine (opérateurs de transit, services...) qui ne sont pas tous en IPv6 sur le chemin : dans ce cas, l'échange passe par IPv4.
Par sa taille, Orange a beaucoup contribué à l'adoption d'IPv6 côté fournisseurs d'accès. Selon les données de Cisco 6Lab, le taux d'utilisation d'IPv6 en France a décollé lors de son lancement chez Orange, en début d'année, passant progressivement de 5,7 % en janvier à 13,3 % fin novembre.
Les quatre opérateurs sont de mauvais élèves sur le mobile. C'est simple : « Sur les réseaux mobiles en revanche, aucun opérateur national n'a à ce jour entamé la transition » écrit l'Arcep. L'autorité s'attend tout de même à une accélération des déploiements l'an prochain, à la fois sur le fixe et le mobile. Orange et SFR nous avaient d'ailleurs promis des déploiements massifs l'an prochain.
Des pistes pour accélérer les déploiements
Avec la loi Numérique, via un amendement de la députée Corinne Erhel, la compatibilité IPv6 devient obligatoire pour les appareils vendus en France dès 2018. Ce n'est pourtant pas le point critique, comme nous le confirmait l'Arcep. En fait, les terminaux sont l'un des points du réseau où le protocole est le plus largement déployé.
Dans son rapport, fin septembre, l'Arcep envisageait six modes action pour accélérer la transition d'IPv4 vers IPv6. L'Etat doit montrer l'exemple via les services publics en ligne, l'enseignement d'IPv6 doit être généralisé, la communauté doit être formée via des espaces d'échange, les parties prenantes doivent mieux se coordonner, l'utilisateur doit être informé sur la question et les acteurs des réseaux doivent préparer la mort d'IPv4, en s'en passant totalement.
Pour le régulateur, les problèmes sont encore nombreux et profonds... Surtout quand les formations des futurs responsables des réseaux en sont encore à considérer principalement IPv4, oubliant presque d'évoquer le « nouveau » protocole.
Dans son communiqué, l'institution félicite d'ailleurs la décision de l'Internet Architecture Bureau (IAB) de ne plus concevoir des standards Internet que pour IPv6, rendant IPv4 obsolète de fait. « L’Arcep salue la décision de l’IAB qui marque une étape majeure dans le processus d'adoption d'IPv6 et d’accompagnement de la fin d'IPv4 » écrit l'autorité. Elle doit d'ailleurs rendre un rapport détaillé au printemps 2017, sur l'état de l'Internet en France.