Le Sénat a définitivement adopté, mercredi 7 décembre, la proposition de loi interdisant – à partir de 2018 – au groupe France Télévisions de diffuser des publicités lors de ses émissions jeunesse. Certains parlementaires auraient pourtant préféré que cette réforme s’applique également aux chaînes privées.
« Les effets de la publicité sur le comportement et le développement des enfants sont indéniables, a soutenu dans l’hémicycle le sénateur André Gattolin (EELV). Dégradation des pratiques alimentaires, confusion des valeurs : cela affecte leur manière d'être, en famille, à l'école, en société. » Le parlementaire avait déjà eu l’occasion de faire valoir ses arguments, puisqu’il porte ce texte depuis sa présentation devant le Sénat, en juillet 2015.
Tout l’enjeu des débats de mercredi consistait à ne pas modifier le texte revenu de l’Assemblée nationale, pour qu’il puisse être adopté « conforme ». En ce sens, le vote du moindre amendement aurait provoqué une poursuite de la navette parlementaire – synonyme très probablement d’enterrement du texte, au regard du calendrier politique (voir notre article).
Une suppression uniquement sur le service public
Un seul amendement fut soutenu avant-hier, en l’occurrence par le communiste Patrick Abate. Alors qu’il est prévu d’interdire aux chaînes publiques (France 2, France 3...) de passer des spots publicitaires durant les émissions destinées « prioritairement aux enfants de moins de douze ans », et même jusqu’à 15 minutes avant et après ces programmes, l’élu souhaitait que cette réforme s’applique y compris dans le privé.
« Il serait illusoire de croire que les enfants et adolescents ne regardent que les programmes jeunesse du service public, a-t-il déclaré. La plupart, notamment les plus défavorisés, regardent seuls la télévision... France Télévisions ne représente en outre que 28 % des parts d'audience et ne diffuse que 200 heures de programmes jeunesse, contre 640 pour Gulli. »
« Lorsqu'il s'agit de la santé de nos enfants, pourquoi rester au milieu du gué ? » s’est faussement interrogé Patrick Abate, dénonçant le « manque d’ambition » de la proposition de loi d’André Gattolin.

Le socialiste David Assouline a émis des réserves similaires. Selon lui, « les enfants regardent de plus en plus YouTube : 570 000 vues à chaque chanson de Disney, 60 millions de vues pour Petit ours brun, 9 millions de vues pour Le Roi lion. Avant et après, des publicités pour des jouets de guerre, pour Flunch et McDonald's. Et là, aucun contrôle ! L'absence de contrôle du CSA sur le Net, de moralisation, est un problème général qu'il faudra poser ».
Même si certains auraient probablement voté cet amendement dans d’autres conditions, il n’en fut rien mercredi, l’objectif étant de sauver le texte d’André Gattolin. « Mieux vaut gravir ensemble ce soir une petite marche que de rester face à un grand escalier romantique que l'on contemple, mais qui ne nous élève pas » a ainsi résumé l’écologiste Maire-Christine Blandin.
Les réserves du gouvernement « levées »
Le gouvernement, qui s’était initialement opposé à cette réforme, a finalement lâché du lest. Audrey Azoulay, la ministre de la Culture, a expliqué mercredi que les réserves de l’exécutif étaient désormais « levées ».
La Rue de Valois craignait notamment pour les finances du groupe France Télévisions, et par ricochet pour la filière française de l’animation. La rapporteur Corinne Bouchoux (EELV) a ainsi eu l’occasion de souligner que le récent contrat d’objectifs et de moyens du groupe France Télévisions intègrait désormais « une baisse des recettes de publicité de 20 millions d’euros qui correspond au manque à gagner pour la publicité dans les émissions destinées à la jeunesse ».
« France Télévisions aura les moyens d'atteindre les objectifs qui lui ont été fixés. Il faudra toutefois être vigilant sur les conséquences pour l'animation et suivre l'évolution du financement de la production à destination de la jeunesse » a néanmoins prévenu la ministre de la Culture. Audrey Azoulay en a d’ailleurs profité pour tendre une perche aux promoteurs d’une extension de la redevance TV aux foyers connectés : « La substitution d'un financement public à une recette privée nous oblige enfin à veiller au dynamisme de la contribution à l'audiovisuel public. »
Application à compter du 1er janvier 2018, sauf surprise
La proposition de loi d’André Gattolin a été adoptée par 213 voix « pour », 0 « contre » – de nombreux parlementaires, notamment dans les rangs socialistes et communistes, ayant préféré s’abstenir.
À moins que le Conseil constitutionnel ne soit saisi, le texte devrait être promulgué par François Hollande sous quinze jours. La réforme n’entrant en vigueur qu’au 1er janvier 2018 (y compris sur Pluzz.fr), on peut encore imaginer que le législateur soit tenté d'y revenir.