Après la Hadopi un temps durant, au tour de l’Arjel de voir son existence menacée. Un front commun s’est ouvert au Parlement afin de supprimer le gendarme des jeux en ligne d’ici 2020. Un funeste sort que refusent cependant plusieurs députés.
« Face au foisonnement des autorités administratives indépendantes que de nombreux rapports ont mis en lumière, nous ne ferions pas notre travail si nous n’émettions pas un signal de notre volonté de le limiter. » Voilà comment, en Commission des lois, a été maigrement justifiée la suppression de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL).
Arjel (2010-2020)
Les députés ont en effet adopté un amendement signé Jean-Luc Warsmann visant à enterrer cette AAI « à l’expiration du mandat en cours du dernier de ses membres nommés, soit le 24 février 2020 ». Et ensuite ? L’activité des jeux d’argent en ligne ne serait pas replongée dans l’interdiction absolue (ou la jungle la plus totale). Sa régulation serait ou bien fusionnée dans un nouveau cadre juridique, ou bien transférée dans les bras d’une administration.
Le texte n°41, toujours signé Jean-Luc Warsmann, propose lui de supprimer la possibilité pour l’Arjel de recruter des contractuels. Une manière périmétrique d’étrangler ses moyens à petit feu.
Fait notable, le gouvernement ne s’est pas opposé à une telle démarche. Il a au contraire déposé un amendement pour accompagner cette procédure. Remarquons cette autre rustine visant à l’autoriser à faire évoluer par ordonnance le statut du gendarme des jeux en ligne. Un texte curieusement retiré avant la discussion prévue cet après-midi...
Risque de conflits d'intérêts
Sous la baguette de ce député LR et du gouvernement, le tempo est perturbé par la remise du rapport du comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale portant sur la politique de régulation des jeux d’argent et de hasard. Plusieurs députés, justement membres de ce comité, ont un peu de mal à comprendre qu’on puisse accrocher la charrue avant les bœufs. En clair : engager un pronostic vital sur l’Arjel, sans attendre cet avis médical attendu en janvier. Surtout, ils estiment anormal d’envisager que l’État, via une administration quelconque, puisse réguler cet univers extrêmement sensible.
L’argument est plus solide que celui voulant justifier la suppression de l’autorité par le nombre d’AAI. Il tient au risque de conflits d’intérêts : « Dans la mesure où l’État détient aujourd’hui 72 % du capital de la Française des jeux et occupe quatre des dix sièges du conseil d’administration du GIE Pari Mutuel Urbain, expliquent ces députés, il ne saurait donc réguler un marché dont il est l’un des acteurs principaux, sauf, d’une part, à privatiser la Française des jeux, qui ce faisant perdrait son monopole, et, d’autre part, à modifier la gouvernance du GIE Pari Mutuel Urbain ».
L'analyse de la Cour des comptes
Dans un récent rapport, la Cour des comptes a plaidé pour un renforcement des pouvoirs de l’autorité « pour mieux lutter contre l’offre illégale ». Édition d’une liste noire des opérateurs non autorisés à l’instar de celle prévue en Belgique, mise en place d’une base internationale d’échange d’informations sur les offres illégales, etc. Voilà quelques pistes destinées à « doter l’autorité de régulation des pouvoirs nécessaires à son efficacité ».
Elle suggère aussi un dépoussiérage de la régulation actuelle, trop éclatée auprès de multiples instances. Comment ? D’une part, par la création d’un Comité interministériel responsable du secteur. D’autre part par l’avènement d’une super AAI « regroupant l’Autorité de régulation des jeux en ligne, la commission des jeux sous droits exclusifs, la commission consultative des jeux de cercles et de casinos et l’observatoire des jeux ».