Le Conseil constitutionnel saisi du délit de consultation habituelle de sites terroristes

Validation, réserves ou censure ?
Droit 3 min
Le Conseil constitutionnel saisi du délit de consultation habituelle de sites terroristes
Crédits : Marc Rees (licence CC-BY-3.0)

Le Conseil constitutionnel va ausculter le délit de consultation des sites terroristes. Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) lui a été transmise en ce sens par la Cour de cassation. 

Selon nos informations, l'affaire concerne un jeune homme de 28 ans. Il avait été poursuivi en comparution immédiate pour avoir, entre juin et août 2016, consulté plusieurs fois des contenus « provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme » ou faisant l’apologie de ces actes. 

En l’espèce, il s’était inscrit dans un groupe « diffusant les vidéos et messages audio de l’organisation de l’organisation Daech » via l’application Telegram installée sur son téléphone portable. Parmi les contenus, étaient épinglés « des chants intitulés ‘on ne va pas se laisser abattre (pour Allah on veut mourir…)’, ‘Tends ta main pour l’allégeance ‘, ‘Soldiers of Allah’ et deux vidéos dont l’une intitulée « ma vengeance », etc. 

Me Sami Khankan, son avocat, a cependant flairé une possible violation des droits et libertés fondamentaux protégés par les textes fondateurs. Il a ainsi soulevé une question prioritaire de constitutionnalité qui a été valablement accueillie par la Cour de cassation. Dans un arrêt rendu le 28 novembre dernier, elle a estimé que les problématiques soulevées présentaient bien un caractère « sérieux » pour l’intérêt du dossier. Et puisque le texte d’origine socialiste n’a pas subi de contrôle a priori, la même haute juridiction a considéré que la question posée présentait un caractère « nouveau ».

Une pluie de questions 

Comme déjà vu dans nos colonnes, Me Khankan a isolé plusieurs contrariétés potentielles avec le bloc de constitutionnalité. Le texte d’abord « incrimine et punit la consultation habituelle sans définir les critères permettant de qualifier une consultation d’habituelle » regrette ce professionnel du droit. 

Ainsi, faut-il deux, trois, cinq consultations, ou plus pour vérifier ce critère d’habitude ? La crainte est simple : un risque de discordance ou de subjectivité trop forte entre les tribunaux de fond, un manque de prévisibilité pour les citoyens, soumis eux à un risque d’emprisonnement certain (voir un exemple récent). En clair, les plateaux de la balance ne seraient pas bien équilibrés. 

De même, on sait que tout comme les chercheurs et les journalistes, les personnes dites « de bonne foi » sont épargnées. Problème : voilà un autre critère dont les contours ont été oubliés par le législateur. Dans son esprit, il est impossible pour un citoyen de déterminer par avance s’il sera considéré de bonne foi ou non, aux yeux des juges.

De plus, cette démonstration se révèlera d’une quasi-impossibilité si elle ne répond qu’à une simple démarche intellectuelle ou une curiosité certes malsaine. 

Pire, le texte s’appuie sur une scorie sans cesse dénoncée, à savoir l’absence de définition exacte de la notion de terrorisme. Conséquence ? Une nouvelle fois, des individus peuvent être conduits directement à la case prison en ne sachant pas exactement, par avance, si ce qu’ils consultent relève ou non de ce champ. 

Le grand méchant flou

Ce n'est pas tout. L’avocat a encore dénoncé une possible atteinte à la liberté de communication et d’opinion, un poil trop disproportionnée puisque l’infraction punit « d’une peine privative de liberté la seule consultation de messages incitant au terrorisme, alors même que la personne concernée n’aurait commis ou tenté de commettre aucun acte pouvant laisser présumer qu’elle aurait cédé à cette incitation ou serait susceptible d’y céder. »

Mieux, il y aurait atteinte au principe d’égalité, puisque celui qui consulte ces mêmes messages ailleurs que sur Internet n’a aucune crainte à avoir.

Enfin, outre la disproportion de la peine, Me Khankan considère que l’article du Code pénal « institue une présomption de mauvaise foi déduite de la seule consultation habituelle de ces services de communication en ligne ». Explication : « le citoyen est désormais présumé coupable de volonté d'actes terroristes par sa seule présence en ligne sur des sites déclarés comme incitant au terrorisme sauf à démontrer sa bonne foi alors même que les dispositions prévues par l’article 9 de la DDHC indiquent [que] tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ». 

Le Conseil constitutionnel rendra sa décision dans 3 mois.

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