Alors que la France s’apprête à accueillir le sommet mondial du Partenariat pour un gouvernement ouvert, sorte de « COP21 de la démocratie », plusieurs associations ont annoncé aujourd’hui qu’elles boycotteraient l’événement. En cause : des choix « radicalement incompatibles » avec l’esprit du PGO, par exemple sur le fichier TES ou les logiciels libres.
« Le discours des autorités publiques sur l’importance de la participation de la société civile, confronté à leurs actes, conduit à la désillusion et à l’écœurement des citoyens. » D’emblée, le ton est donné.
Au total, ce sont onze organisations qui ont décidé de lancer ce pavé dans la mare. La plupart sont régulièrement citées dans ces colonnes : La Quadrature du Net, Framasoft, Regards Citoyens, l’Association de promotion du logiciel libre (April), Savoirs Com1, la Ligue des droits de l’Homme... Toutes regrettent que « derrière un apparent "dialogue avec la société civile" », la France soit « loin d'être une démocratie exemplaire ».
Le « gouvernement ouvert » à la française : un leurre ? Communiqué commun https://t.co/J1lkt5Bqwz pic.twitter.com/JYeiDPLaEH
— La Quadrature du Net (@laquadrature) 5 décembre 2016
Ce coup de gueule ne tombe pas à n’importe quel moment : Paris accueille, du 7 au 9 décembre, le sommet mondial de l’Open Governement Partnership (ou « Partenariat pour un gouvernement ouvert »). Après avoir adhéré courant 2014 à cette initiative – qui réunit en son sein environ 70 pays –, l’Hexagone en a pris la co-présidence en septembre dernier. L’objectif : améliorer la transparence de l’action publique, associer davantage la société civile aux prises de décision, lutter contre la corruption... Le tout à l’aide notamment du numérique.
Sévère bilan du « gouvernement ouvert à la française »
Les organisations signataires de ce communiqué publient un « bilan critique » du « gouvernement ouvert à la française » (PDF). Et c’est peu de dire que les motifs d’insatisfaction sont nombreux...
Les signataires déplorent tout d’abord de « nettes régressions sur les droits humains et les libertés fondamentales », notamment suite à l’adoption de la loi Renseignement et des prorogations à répétition de l’état d’urgence.
Ils critiquent également les suites (ou plutôt l’absence de suites) accordées aux consultations en ligne engagées ces derniers mois, notamment sur l’avant-projet de loi Numérique. « Le gouvernement multiplie les consultations pour donner l’impression à la société civile qu’elle « co-construit » la politique du pays mais il reste sourd à l’avis des citoyens et à celui de leurs représentants, dès que les questions soulevées ou la tonalité ne lui plaisent pas. »
L’entêtement du gouvernement sur le dossier des logiciels libres est évoqué en écho à ces critiques, à l’appui des récents exemples relatifs au contrat « Open Bar » du ministère de la Défense ou du « partenariat » entre Microsoft et l’Éducation nationale : « Malgré les attentes manifestes exprimées par la société civile, l’État préfère des logiciels opaques et présentant des risques, notamment de dépendance, à des logiciels libres et transparents, y compris lorsqu’il s’agit de l’éducation des enfants, la défense nationale et des processus démocratiques eux-mêmes. »
Un appel à « mettre en cohérence ses engagements avec ses actes »
Même sur les dossiers sur lesquels il y a eu des avancées, les réformes finalement engagées sont présentées comme « en deçà des enjeux ». C’est notamment le cas sur le futur registre numérique de lobbyistes, ou bien sur l’Open Data (voir à ce sujet le récent coup de semonce du collectif Regards Citoyens au sujet des redevances).
Les signataires reconnaissent néanmoins quelques « progrès » – en l’occurrence le développement de la mission Etalab, qui accompagne les administrations dans leur marche vers l’Open Data et a joué un rôle important dans certains projets tels qu’Open Fisca. « Malheureusement, [cette administration] s’avère pour l’instant, du fait de ses moyens, sous-dimensionnée et impuissante face aux forces politiques et aux lobbies économiques en présence », nuancent rapidement les auteurs de ce bilan.
Regards Citoyens, l’April, etc. disent avoir « espoir que cette prise de position publique sera l’occasion, pour le gouvernement, de changer ses pratiques et de mettre en cohérence ses engagements avec ses actes ». Au regard de la proximité avec les échéances électorales de 2017, on peut toutefois en douter... Si plusieurs de ces organisations devraient intervenir lors des différentes tables rondes prévues ces prochains jours, d’autres ont annoncé qu’elles boycotteraient le sommet mondial de Paris. C’est notamment le cas de Framasoft et Savoirs Com1.
[Billet] SavoirsCom1 boycottera l’Open Governement Partnership en réaction au fichage des… https://t.co/c5vIrBJuOA
— SavoirsCom1 (@SavoirsCom1) 8 novembre 2016