James Clapper, directeur national du renseignement américain, a remis il y a deux jours sa lettre de démission à Barack Obama. Une démarche attendue face au changement prochain de présidence aux États-Unis, mais pas nécessairement si tôt.
James Clapper est un nom revenu bien souvent dans la presse. Directeur du renseignement, il était notamment aux premières loges face aux révélations d’Edward Snowden, dont il a cherché à minimiser la portée. Il s’est notamment assis devant le Sénat américain pour expliquer qu’il n’existait aucun programme de surveillance aspirant en masse les données.
17 agences et 107 000 employés
En tant que directeur du renseignement, Clapper est l’un des membres les plus importants du gouvernement. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, puisque l’homme est à la tête de pas moins de 17 agences, dont les quatre principales sont aussi les plus connues : la NSA (National Security Agency), la CIA (Central Intelligence Agency), le FBI (Federal Bureau of Investigation) et la DEA (Drug Enforcement Administration).
Ces 17 agences totalisent environ 107 000 employés et fonctionnent sur un budget colossal de 52 milliards de dollars. Un chiffre qui correspond à l'année dernière, mais qui suit une progression continue depuis 2001. Les attentats du 11 septembre et certaines lois destinées à renforcer la sécurité du pays (dont la plus connue est le Patriot Act) depuis ont largement contribué à ce gonflement. Dans le cadre du renseignement, la loi FISAA (Foreign Intelligence Surveillance Amendment Act) – en particulier sa Section 702 – a également joué une grande importance.
Snowden, Yahoo, Apple...
Si son nom s’est retrouvé souvent dans les articles de presse, c’est que de nombreuses questions lui ont été posées depuis les premières révélations de Snowden en juin 2013. Clapper lui-même n’aura en tout occupé ce poste que pendant six ans, un travail que certains (interrogés par la BBC) décrivent comme « impossible ».
C’est également Clapper qui était au sommet de la hiérarchie quand le FBI a déclenché sa guerre avec Apple, cherchant coûte que coûte à percer les défenses d’un iPhone 5c pour en extraire les données chiffrées. C’est sous son égide également que le FBI a demandé à Yahoo l’installation d’un programme capable de filtrer des mots-clés particuliers dans des emails circulant dans une région spécifique de la planète (qui n’a jamais été précisée).
Un poste puissant, mais qui dépend directement du président
Clapper, âgé de 75 ans, incarne aujourd’hui un renseignement tout-puissant, mais qui doit néanmoins justifier de son importance. On a vu par exemple au cours des dernières années les commissions sénatoriales plonger dans les détails des programmes de renseignement, particulièrement après les révélations sur PRISM. Au cours des dix dernières années, les services impliqués auraient ainsi empêché plus d’une cinquantaine de complots visant les États-Unis d’une manière ou d’une autre.
Cela étant, le directeur du renseignement est nommé par le président et dépend donc directement de son cabinet. Avec la victoire de Donald Trump aux dernières élections, la démission de James Clapper était donc attendue. Mais pas si tôt.
Il sera en effet en poste jusqu’au 20 janvier et partira en même temps que Barack Obama. Certains voient dans cette démarche une manière de bousculer le futur président, dont la composition du cabinet de transition prend plus de temps que prévu. Il aurait normalement dû attendre que son remplaçant soit nommé.
Un virage à négocier
Le futur directeur aura dans tous les cas fort à faire, dans un monde du renseignement en pleine mutation. L’exposition des pratiques a durablement marqué les esprits et engendré de nombreux débats, dont le moindre n’est pas celui sur le chiffrement et son équation sans solution élégante : où placer le curseur entre sécurité et respect de la vie privée ?
Le prochain responsable devra également faire avec d’importantes fuites et leurs conséquences, dont les plus connues sont imputables à Manning, Snowden et plus récemment Martin. Sans parler de la remise en cause de certaines pratiques, comme les lettres de sécurité réclamant des données aux entreprises du cloud, en leur imposant un silence parfois sans date d'expiration. Une chape de plomb notamment remise en cause par Microsoft qui a déposé une plainte, largement soutenue par la Silicon Valley et les associations de défense des libertés civiles.