Hier, en séance, le ministre de l’Intérieur a affronté questions, inquiétudes et mises en cause des sénateurs. Le socialiste Gaëtan Gorce, très inquiet du fichier monstre TES, n’a pas dit un mot. Une politesse ? Pas exactement.
Le 31 octobre, dans Libération, Gaëtan Gorce regrettait que les réserves de la CNIL, dont il est membre, n’aient pas été entendues. Certes, TES est limité à l’authentification, « mais ce que la technique a fait, la technique peut le défaire ». Or, ce décret « offre à un futur gouvernement la possibilité technique d’en modifier son usage ». Scénario orwellien : « En ayant accès aux empreintes digitales, à l’adresse, à la couleur des yeux, vous vous rendez compte de quel outil pourrait disposer la police ? »
Quinze jours plus tard, en commission des lois, rebelote (10'07'50 de la vidéo, notre compte rendu). Face à un Cazeneuve venu calmer la tempête soulevée par ce décret publié un paisible dimanche, le même dénonce l'occultation des solutions alternatives alors que « la base centrale est par principe un risque », tout comme l'évitement d'un débat préalable avec le Parlement.
Puisque l'incendie se propage, le ministre est aussi intervenu hier en séance. « Je sais pouvoir compter sur le Sénat pour poursuivre ce débat de qualité » a conclu le locataire de la Place Beauvau après avoir vanté son méga-fichier, et fait preuve d'agacement face aux critiques : « Lorsque le gouvernement n'organise pas de débat, il est jugé psychorigide, lorsqu'il s'y plie, il est incohérent : une alternative, sans vouloir froisser personne, qui n'est pas sans rappeler les procès de Moscou. »
Seulement, pas d’intervention de Gaëtan Gorce cette fois. Ce commissaire à la CNIL aurait-il été convaincu par l’Intérieur ou fait preuve d'une timidité de jeune fille ? Pas exactement. Sur Public Sénat, il a révélé l'origine de sa soudaine pudeur. « Je n’ai pas participé aux débats parce que j’ai été interdit de parole. C’est curieux, je me suis battu le premier pour obtenir un débat mais mon groupe [socialiste, ndlr] a considéré que mes propos étaient de nature à ne pas aider le ministre. Je trouve cela ahurissant, j’en souris, parce que je commence à m’habituer : dès qu’on fait preuve un peu de caractère et de liberté d’esprit, manifestement c’est mal vu ».
Le passage à 2:02:19 de la vidéo