Ce week-end, Altice et SFR ont présenté leurs chiffres pour le troisième trimestre 2016. L'opérateur au carré rouge continue de perdre des clients, mais compense les départs avec une nette hausse de son ARPU, notamment du côté de l'Internet fixe.
SFR a joué à un drôle de jeu en fin de semaine dernière. Habituellement, l'opérateur au carré rouge présente ses résultats le matin et Altice, sa maison mère, tient une conférence pour les analystes et investisseurs autour de 14 heures, afin de préciser certains points plus en détail.
Hasard du calendrier, l'opérateur a choisi de dévoiler ses chiffres à la veille d'un week-end de trois jours, à 18 heures, avec une conférence complémentaire à 19h30. Une méthode inhabituelle qui laissait craindre qu'Altice et/ou SFR n'avaient pas très envie que certaines infos ne s'ébruitent avant le week-end.
SFR : le recul du chiffre d'affaires continue
Sur le troisième trimestre 2016, SFR a connu une hausse de 1,1 % de son chiffre d'affaires, qui s'établit à 2,80 milliards d'euros, contre 2,77 milliards un an plus tôt. Ce résultat, l'opérateur ne le doit pas à ses activités dans la téléphonie qui reculent toutes (-2,2 % sur un an pour le grand public et -4 % sur le marché des entreprises), mais à l'arrivée des revenus d'Altice Media Group et de Next RadioTV, qui ont ajouté 102 millions d'euros au total.
Si SFR ne communique pas sur son résultat net (il faudra attendre les chiffres du quatrième trimestre pour cela), l'entreprise est plus loquace quand il s'agit de mentionner son EBITDA. Celui-ci est stable, à 1,04 milliard d'euros, et permet au groupe de garder un ratio d'endettement de 4,0x. La dette nette de la marque au carré rouge s'établit à 15,01 milliards d'euros.
Altice de son côté préfère voir les choses sous un angle plus positif, et explique que la tendance s'améliore chez SFR, avec une progression des revenus sur un an qui était de -3,5 % au troisième trimestre 2015 et de -2,4 % seulement aujourd'hui. La marque au carré rouge continue donc de reculer, mais moins vite.
Mais c'est surtout la marge d'EBITDA qui intéresse la multinationale néerlandaise. Son objectif est d'atteindre un taux de 50 % avec l'ensemble de ses marques notamment via une maîtrise plus importante des coûts, la fameuse Méthode Altice. SFR est en queue de peloton avec un score de 37,1 %, mais l'évolution sur les deux dernières années est assez significative. Au troisième trimestre 2014, cette marge n'était que de 31,2 %.
Encore des pertes nettes de clientèle
Si SFR a vu son chiffre d'affaires encore reculer, c'est notamment parce que sa clientèle continue de se raréfier. Et ce, malgré la multiplication des promotions visant à les garder pour encore 12 mois au moins. Voici les chiffres à retenir pour ce trimestre, terminé le 30 septembre 2016 :
Marché fixe :
- 6,159 millions de clients (-75 000 sur trois mois, -193 000 sur un an)
- dont 4,189 millions de clients xDSL (-120 000 sur 3 mois, -432 000 sur un an)
- ARPU xDSL : 35,6 euros (+2,2 euros sur 3 mois, +1,5 euro sur un an)
- dont 1,969 million de clients FTTx (+44 000 sur 3 mois, +233 000 sur un an)
- ARPU FTTx : 41,2 euros (+0,4 euro sur 3 mois, + 0,9 euro sur un an)
Marché mobile grand public :
- 14,489 millions de clients (-88 000 sur 3 mois, -593 000 sur un an)
- dont 12,303 millions de clients forfait (-73 000 sur 3 mois, -160 000 sur un an)
- ARPU forfait : 26,1 euros (+1,1 euro sur 3 mois, -0,4 euro sur un an)
- dont 2,185 millions de clients prépayés (-15 000 sur 3 mois, -434 000 sur un an)
Marché mobile pro :
- 5,433 millions de clients (+6 000 sur 3 mois, -1,29 million sur un an)
- dont 3,389 millions de lignes M2M actives (+27 000 sur 3 mois, -1,14 million sur un an)
Concrètement, la clientèle de SFR continue de se réduire sur l'ensemble de ses secteurs d'activité, à l'exception du marché mobile pour les entreprises, qui est porté ces derniers mois par l'essor du M2M. Sur le fixe, la progression de la « Fibre » permet de limiter les pertes d'abonnés, mais ne compense pas totalement le départ des clients xDSL.
Seul motif de satisfaction pour l'opérateur, l'ARPU (revenu moyen par client) sur les offres fixe est en nette hausse, notamment côté xDSL. Un effet qui peut être mis sur le compte des multiples augmentations, ainsi que sur les optimisations effectuées par l'opérateur avec la TVA, qui lui permet de faire grimper le prix hors taxe des abonnements de ses clients, tout en gardant un prix TTC identique. Côté « Fibre », la hausse est moins visible, mais SFR ne donne aucun détail permettant de comprendre cette différence.
Il restera intéressant d'observer comment ces chiffres évoluent au prochain trimestre, la marque au carré rouge ayant continué les promotions et mis en place de nouvelles offres plutôt agressives, en incluant notamment BeIN Sports et OCS à certains de ses bouquets.
Des efforts côté déploiement 4G et câble
Côté réseau, SFR met en avant les efforts consentis ces derniers mois concernant le déploiement de la 4G et de la « fibre » au sens large du terme. Sur les neuf premiers mois de 2016, l'opérateur affirme ainsi avoir déployé 3 469 antennes 4G sur l'ensemble du territoire, contre 2 320 pour Bouygues, 1 274 pour Free et 1 044 pour Orange, ce afin de rattraper son retard vis-à-vis de ses concurrents en termes de couverture de la population. SFR revendique aujourd'hui couvrir 73 % de la population métropolitaine en 4G, et vouloir atteindre un taux de 90 % d'ici fin 2017.
En ce qui concerne la « Fibre », la marque au carré rouge annonce que 386 000 prises se sont ajoutées à son réseau, ce qui porte le total à 8,936 millions de foyers éligibles, toutes technologies confondues. Si l'on ajoute les zones où le câble n'est disponible qu'avec un débit maximal de 30 mégas, le total atteint 9,935 millions.
Signe de la modernisation progressive de l'ex-réseau Numericable, le nombre de logements uniquement éligibles au câble à 30 mégas est passé pour la première fois sous la barre du million. Une bonne nouvelle que, mystérieusement, l'opérateur ne mentionne pas.
Pas la moindre trace par contre du nombre de logements éligibles à un débit de 1 Gb/s, que ce soit en FTTH ou en FTTB. Pourtant SFR nous avait promis lors d'un entretien en mai dernier que les deux tiers des prises sur son réseau seront « éligibles au Gigabit à la fin de cette année, puis 100 % l'année prochaine ». Il est à noter qu'Optimum et Suddenlink, les deux opérateurs américains rachetés par Altice, mènent des campagnes de rénovation similaires sur leurs réseaux.
The Altice Way
Autre point intéressant, Altice a mis en avant dans sa présentation aux analystes les bons résultats obtenus en Israël par l'opérateur Hot, en les mettant en relation avec les changements opérés dans la structure de son service client. Le groupe annonce une réduction de 50 % des appels reçus par sa hotline en l'espace de deux ans, et y voit un lien avec la forte réduction de la perte de clientèle, passée de plus de 15 000 clients par trimestre en 2014 à environ 2 000 clients par trimestre en 2016.
Le message ici passé en filigrane par Michel Combes, le directeur général d'Altice, est que cette méthode, qui doit être prochainement mise en place chez SFR et aux États-Unis. Celle-ci consiste à internaliser les prestataires techniques et les centres d'appel afin de mieux maîtriser les processus de résolution des problèmes rencontrés par les clients, qui selon le responsable sont une cause importante de « churn ».
« L'objectif est de s'occuper de la racine même des problèmes que les clients pourraient éventuellement rencontrer. On ne cherche pas seulement à réduire le churn ou à empêcher les gens de partir, on veut qu'ils n'aient même pas à penser à l'idée de partir », claironne de son côté Michel Combes. Et effectivement, il y a encore du travail sur ce point dans l'Hexagone, à en juger par la récente initiative de l'UFC-Que Choisir, qui propose un kit juridique à destination des clients SFR ou du dernier constat de 60 Millions de Consommateurs.
En France, cette nouvelle méthode s'est traduite par la prise de contrôle de Parilis, un sous-traitant d'Altice en matière de déploiement des réseaux et d'Intelcia qui s'occupait d'une partie du service client. Simultanément, SFR annonçait un plan de départs volontaires suite à la signature de l'accord « New Deal » avec les syndicats (voir notre analyse). Celui-ci prévoit que les effectifs de l'entreprise pourront descendre jusqu'à un minimum de 10 000 salariés, soit 4 300 de moins qu'aujourd'hui.
Altice attend 400 millions d'euros d'économies par an pour SFR grâce à ce plan, et le reversement de 2 à 3 % du chiffre d'affaires de l'opérateur (soit de 220 à 340 millions d'euros) au titre de la rémunération pour la mise à disposition de ses méthodes de travail.