Fichier de 60 millions de Français : le gouvernement sort la lance à incendie

TES, grandeur nature
Droit 4 min
Fichier de 60 millions de Français : le gouvernement sort la lance à incendie
Crédits : andresr/iStock

Après le brasier dénoncé voilà une semaine dans nos colonnes, le gouvernement a finalement promis de bouger des lignes du décret « Titres électroniques sécurisés ». Des promesses en attente d'un nouveau texte administratif.

L’épisode nuageux entre le cabinet d’Axelle Lemaire et celui de Bernard Cazeneuve aura été de courte durée. Dans une conférence de presse organisée place Beauvau, les deux représentants du gouvernement ont sorti les grandes eaux pour éteindre les flammes de la discorde.

Bernard Cazeneuve a repris les grandes lignes de sa réponse au Conseil national du numérique – un fichier ultra sécurisé, utile pour une bonne administration à tel point que sa création réinjectera quelque 700 emplois dans les préfectures, puisqu’autant d’agents seront appelés donc à d’autres tâches. De plus, le texte interdit l’identification des personnes à l’aide des traces biométriques (visage, empreintes), en pleine conformité de la décision de 2012 rendue par le Conseil constitutionnel.

Selon le ministre, réintégrer à l’avenir cette identification biométrique – une des craintes exprimées par les opposants - rendrait nécessaire une modification de la Constitution elle-même. Comme si aucune brèche n’existait dans la jurisprudence citée.

« L’objectif de la réforme engagée est de rendre un service nouveau aux usagers et non de procéder à la création d’un vaste fichier » a soutenu mordicus Bernard Cazeneuve. Un maquillage presque parfait puisque, quoi qu’on en dise, TES va bien donner naissance à un tel ensemble fichant 60 millions de Français comme l’a épinglé la CNIL dans son avis.

Opt-out sur les empreintes, non sur le visage

Suite à une réunion avec plusieurs membres du gouvernement, il a été décidé néanmoins deux évolutions notables. « Dans le cadre d’une demande ou d’un renouvellement d’une carte nationale d’identité, le recueil et le versement des empreintes digitales du demandeur du titre dans la base TES seront soumis à son consentement exprès et éclairé ».

Pour le ministre, la conservation des données biométrique ne répond qu’à l’intérêt de l’usager dans l’émission d’un nouveau titre et à lutter contre l’usurpation d’identité. Mais après modification du texte à venir, ceux « qui ne souhaitent pas voir leur empreinte versée à la base nationale sécurisée pourront s’y opposer. Ils ne bénéficieront pas du service public associé à ce recueil, mais leur liberté leur en sera laissée ».

La question est alors de savoir s’il existera une fonction de recherche pour identifier les individus qui se sont opposés à un tel traitement. Une source potentielle d’information pour l’ensemble des personnes pouvant accéder à TES.

De plus cette mesure, qui ne nous dit pas si l’empreinte ne sera pas stockée localement, ne concerne pas le visage. Enfin, l'image des empreintes reste prélevée sur les passeports. Il sera simple, en conséquence, de faire un rapprochement pour combler une case vide.

Une homologation obligatoire par l’ANSSI

Une telle réforme ne sera en tout cas généralisée dans toute la France qu’après que l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) ait homologué le système par un avis conforme. « Une procédure d’homologation avait déjà été initiée » a vite précisé le ministre de l’Intérieur, ce qui finalement ne changera pas grand-chose. Par ailleurs la DINSIC rendra un avis sur ce dispositif, mais il ne sera pas conforme. Cette précion nous confirme bien que TES est sous la barre des 9 millions d’euros, puisqu'au-delà, son avis aurait été impératif.

Après avoir publié une lettre d’une température polaire à destination du CNNum, lequel est très critique sur l’art et la manière de ce fichage monstre, Cazeneuve promet aussi de prêter une attention non seulement au retour d’expériences dans les Yvelines et bientôt en Bretagne, mais aussi aux fruits de la consultation engagée par le Conseil.

Il s’engage à apporter alors « toutes les améliorations pertinentes dès lors qu’elles ne conduisent pas à remettre en cause la réforme et les objectifs de fiabilité, de simplification et de gratuité ». Ce dernier point est notable : le ministère refuse et refusera toujours d’activer la puce interne à la CNI, jugée trop chère. Et pourtant, selon la CNIL, cette option éviterait bien la centralisation biométrique organisée par le décret TES, confiant au seul porteur, le soin de conserver ces données ultra-sensibles.

Un non-fichier de police… accessible à la police

D'après Axelle Lemaire, « ni le Président de la République, ni le Premier ministre, ni le ministre de l’Intérieur ne souhaitent créer une base de données qui pourrait servir à ficher les Français comme cela a pu être dit, ou un fichier de police qui serait déguisé et qui aurait dû faire l’objet d’un débat au Parlement. J’en ai reçu la réassurance ».

Selon l’article 3 du décret du 30 octobre 2016, exceptions faites des données biométriques, ce fichier-qui-n’est-pas-un-fichier-de-police sera accessible aussi par les agents habilités de la police, de la gendarmerie et de tous les services spécialisés du renseignement qui œuvre non seulement contre le terrorisme, mais aussi pour la prévention des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation.

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